Dans la bourgade roumaine de Piatra Neamt, Victor est à la tête du cinéma Dacia, une salle qui a eu son heure de gloire dans les années 1970. Victor est un peu le pendant de l’italien d’Alfredo, le projectionniste et héros du film de Giuseppe Tornatore « Cinema Paradiso » (1989). Sauf que dans l’actuelle Roumanie, il ne reste qu’une trentaine de salles de cinéma sur le territoire contre quelques quatre-cent trente ans plus tôt… Face à l’absence de moyens et au désintérêt total des institutions pour la culture en général et le cinéma en particulier, le combat de Victor pour maintenir sa salle ouverte relève véritablement de l’exploit. Et de la passion pour le 7ème Art.
A l’honneur dans les salles obscures, « Cinéma, Mon Amour » est un attachant documentaire qui met en lumière les exploitants indépendants, ces femmes et ces hommes qui transmettent au public la passion du cinéma. A ce titre, Victor est un personnage haut en couleurs: depuis des dizaine d’années, il soigne son cinéma comme on soignerait son enfant. Outre les problèmes de vieillissement des installations (chauffage, fauteuils, espaces communs…), c’est bien à un problème de fréquentation que le gérant doit faire face. Avec parfois un seul spectateur dans la salle, Victor continue malgré tout d’ouvrir les portes du cinéma Dacia.
Tout au long du film qui lui est consacré, Victor se démène pour le Dacia et pour son public: avec sa petite équipe, il offre des couvertures et du thé lorsque les températures saisonnières se font sentir dans la salle, il multiplie les promotions (deux places pour le prix d’une), il fait choisir à son public le film qu’il souhaite voir… Même si parfois le film est illégalement téléchargé sur internet! Mais dans ce chaos, il faut bien bidouiller pour inciter le public à se déplacer, à se réunir dans la salle obscure.
Grâce à sa ténacité et surtout à un jeune public qu’il réussit peu à peu à fidéliser, Victor peut enfin respirer: dans le débat qui a suivi la séance à l’Escurial , l’exploitant – qui fait les tournées des salles européennes – explique que la population de Piatra Neamt s’est enfin mobilisée et que des fonds, grâce à des initiatives collectives, ont pu être récupérés afin de régler les échéances à Romania Films, le propriétaire de la salle.
Victor et son équipe, quasi bénévoles dans cette situation ubuesque, sont donc des résistants du cinéma national. Lorsqu’il reste des salles en Roumanie, ce ne sont que des multiplexes sans âme et à une programmation standardisée. Le Dacia, lui, promeut l’éclectisme et l’ouverture à tous.
On ne peut souhaiter que longue vie au cinéma de Victor!
Ci-dessus: Viktor Purice, le directeur du Cinéma Dacia, lors d’un débat avec le public à l’Escurial après la projection de « Cinema, Mon Amour ».
Réjouïssant et émouvant.
Bravo !!!