L’argent est bel et bien le héros de ce film froid et décalé du réalisateur coréen Im Sang-Soo, brillant cinéaste qui nous avait présenté des opus plus sages à l’instar des très beaux « Une Femme coréenne » et « Le Vieux jardin« .

Placé dans un coffre-fort monumental, l’argent de la famille Baek suscite forcément les convoitises. Amassé par un grand-père aujourd’hui grabataire, il sert aussi dans des opérations pas toujours très propres. En mère fouettard, Madame Baek veille à la fortune familiale de son « président » de mari, qui se révèle, n’étant « pas du même milieu » un simple pion. Nami, la fille (la magnifique Hyo-jin Kim) s’ennuie à mourir tandis que Chu le fils (On Ju-wan) paye en séjours successifs en prison les combines familiales. Un membre extérieur du clan, Jounhjak, le secrétaire de Madame Baek, parvient malgré lui à gagner sa confiance… Mais pour combien de temps?

Dans le décor design et luxueux d’une superbe maison se noue l’intrigue de « L’Ivresse de l’argent »: on y est épié, on y brasse des affaires, on y organise des parties fines… On y meurt aussi, noyé dans la piscine. L’atmosphère étouffante du film est brillamment retranscrite par le cinéaste: sa maîtrise du cadre et la somptuosité de l’image en font une œuvre épurée et rare. Le rythme du film, certes lent, participe à l’oppression qui envahit peu à peu le héros (parfait Kim Kang-woo). Celui-ci, peu loquace et entièrement dédié aux volontés familiales, commente ses sentiments en voix-off.

La grande originalité de « L’Ivresse de l’argent », c’est son côté totalement décalé. Il nous amène là où on ne l’attend pas: la violence n’y est pas forcément physique, l’amour y est forcé ou illégitime et les sentiments y sont absents. La scène du « viol » de Madame Baek est irrésistible, tout comme la bagarre entre le secrétaire et le fils de famille. D’ailleurs, ce dernier maintient que, malgré un amour qui se profile entre le secrétaire (futur « Président » ?) et Nami, il ne fera jamais partie du clan. Le brillant film d’Im Sang-Soo est une réflexion intelligente sur le capitalisme exacerbé et rappelle les thèses autrefois énoncées par Marx: la propriété restera toujours aux mains des détenteurs du capital.