Du haut de ses cinq ans, Yoav se met à déclamer de prodigieux vers qui fascinent son institutrice Nira. L’institutrice, elle-même poète à ses heures perdues, prend son protégé sous son aile. Mais qui en Israël – et ailleurs dans le monde – peut aujourd’hui être encore sensible à la poésie?

Le second film de Nadav Lapid, après son révolutionnaire « Le Policier » , bouscule une nouvelle fois une société israélienne éclatée. « L’Institutrice » est certainement le plus poignant des nombreux films que le jeune cinéma israélien nous envoie régulièrement, comme des cris désespérés pour faire entendre une autre voix. Saluons le courage de ces jeunes cinéastes que le cinéma permet encore de s’exprimer. Les derniers en date étaient « Épilogue » qui narrait la désillusions de deux pionniers de l’état d’Israël et « Le Procès de Vivian Amsalem« , brillant huis-clos sur le statut de la femme israélienne.

« L’Institutrice » est un film universel qui propose avec finesse plusieurs niveaux de lecture dans une mise en scène minimaliste: la place de la poésie, celle de l’enfance et de l’innocence dans ce monde où la culture du profit, du loisir et de la télévision a tout écrasé. La propagande insidieusement inculquée à des enfants qui deviennent des adultes sans possibilité de réflexion. Enfin l’acceptation de l’autre, si différent et si craint, qu’on l’exclut. Tout n’est évidemment pas blanc ou noir dans « L’Institutrice » à l’instar du personnage principal joué par une Sarrit Lary ambiguë qui se compromet dans son obsession de protection de l’enfant. Et de l’accaparement de sa poésie.

Porté par deux acteurs magnifiques et des images soignées, la film de Nadav Lapid est le plus beau cri de rage de ces dernières années.