Du grand cinéma. C’est ce qu’on se dit en sortant de la projection de « Léviathan » le nouveau film d’Andreï Zviaguintsev, un cinéaste prodige qui a débarqué sur les écrans il y a dix ans avec l’inoubliable « Le Retour » (2003). Ont suivis les excellents « Le Bannissement » en 2006 et « Eléna » l’année dernière. Quatre films au compteur, quatre œuvres indispensables.
Avec « Léviathan », Andreï Zviaguintsev filme un petit groupe d’hommes isolés dans le grand nord russe et dépendant du pouvoir local laissant toujours moins de place à la liberté individuelle. Dans un paysage minéral d’une somptueuse beauté, entre carcasses de bateaux et d’animaux marins, Kolia affronte le rougeaud et bedonnant Cheleviat, le maire du village. L’édile corrompu souhaite exproprier Kolia pour y construire à l’emplacement de la maison familiale, qui a vu plusieurs générations d’hommes vivre, son grand oeuvre dont nous tairons la destination pour ne pas dévoiler l’intrigue du film.
Le film, mélancolique et lyrique sans être larmoyant, mélange habilement les émotions fortes avec des scènes irrésistibles. Il scrute en profondeur l’âme de ses protagonistes: d’abord Kolia (Alexeï Serebriakov), un homme à la dérive ravagé par ses démons, Cheleviat (excellent Roman Madianov), un élu tout-puissant qui souhaite à tout prix garder son fauteuil, Lilia (magnifique Elena Liadova) une jeune femme mélancolique aux illusions perdues et Dmitri (Vladimir Vdovitchenkov) un avocat moscovite idéaliste.
Plus qu’un film sur les dérives autocrates en Russie, « Léviathan » est une oeuvre majeure et universelle dénonçant ces monstres d’hommes qui manipulent les opinions et les institutions. Corruption, violence, pressions. Tous les coups sont permis face au petit peuple qui se rappelle vaguement ses héros communistes en sombrant dans l’alcoolisme.
Avec une mise en scène d’une rare perfection et un montage savant, accompagnée d’une musique magnifique de Philip Glass (l’extrait de l’Opéra Akhnathen – Act 1: Year 1 of Akhnaten’s Reign in Thebes, déjà utilisé par Zviaguintsev dans Elena et par Marco Bellochio dans « Vincere » ) , Andreï Zviaguintsev signe un chef d’oeuvre.
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