La courte nouvelle de Karen Blixen, écrite sous le titre « Anecdotes du destin », a été brillamment portée à l’écran en 1988 par le cinéaste danois Gabriel Axel. La dynamique société de distribution Carlotta a eu la bonne idée, presque 25 ans plus tard, de ressortir en salles et en DVD l’un des films majeurs, qui a remporté l’Oscar du meilleur film étranger, dans la carrière hors-chabrolienne de Stéphane Audran.
L’histoire de Babette, cette mystérieuse cuisinière débarquant au fin fond du Danemark et se mettant au service de deux sœurs pieuses, est une remarquable étude satirique sur une communauté villageoise du 19ème siècle, vivant au rythme des sermons et autres prêches. Les deux sœurs Filippa et Martina sont ainsi les « main droite et main gauche » de leur vieux pasteur luthérien de père. Tous les prétendants qui défileront dans la petite maison verront leurs projets amoureux partir en fumée dans ce foyer où le cœur brûle pour Dieu. Le temps passe, le père meurt et les deux vieilles filles se consacreront entièrement aux pauvres et à la communauté. Jusqu’au jour où Babette, grâce à un divin repas, réveillera les sentiments trop longtemps endormis…
Le film de Gabriel Axel décortique avec une certaine drôlerie la vie de cette communauté du Jutland, au nord du pays, région soufflée par les vents et aux hivers rigoureux. Les deux sœurs, autrefois belles jeunes filles, ont vécu la vie que leur père souhaitait qu’elle vive. L’une avait des sentiments pour un jeune militaire, l’autre un destin pour l’opéra. Mais le poids de la morale fut plus fort… De beaux moment de comédie parsèment « Le Festin de Babette », tant avec Achille Papin (l’excellent baryton Jean-Philippe Lafont) qu’au cours du fameux dîner, bouleversant ainsi des années de frustration des convives.
Le dîner est le point d’orgue du film: il va à la fois révéler les sens comme les sentiments de la communauté. Il va aussi dévoiler enfin Babette, cette ancienne réfugiée fuyant la Commune de Paris et aujourd’hui confrontée au choix de retourner dans son pays.
« Le Festin de Babette » est l’anti « Vatel »: jamais tant de saveurs et d’extase du palais n’ont été aussi délicatement et superbement filmés. Depuis la soupe de tortue géante jusqu’aux cailles en sarcophage au foie gras et aux truffes, en passant par les Amontillado, champagne et autre Clos de Vougeot, le spectateur (en particulier s’il est à jeun) se lèche les babines et s’amuse surtout devant les yeux qui pétillent à chaque gorgée, les visages qui se dérident à chaque bouchée. Babette restera liée à jamais à l’immense actrice qu’est Stéphane Audran.<
A noter que les costumes du film ont été conçus par Karl Lagerfeld.
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