Adresse: 95bis rue de la Roquette à Paris (9e arrondissement)
Nombre de salles: 1

C’est sous l’enseigne Plaisir-Cinéma que l’activité cinématographique s’implante au sis 95bis rue de la Roquette à la fin de 1910 ou au début de 1911, comme le mentionne Jean-Jacques Meusy.

Dans son ouvrage, Paris-Palace ou le temps des cinémas (1894-1918), l’historien précise à propos de cette adresse située aujourd’hui à quelques pas de la place Léon Blum qu’ « il y avait là une construction d’un seul étage édifiée au siècle dernier (…) Derrière le bâtiment de façade faisait suite un hangar (…) de 25 mètres qui servait d’entrepôt. Un certain Gazeau reprend les locaux en 1910 et transforme le hangar en salle de spectacle. L’établissement est très modeste, tant par ses dimensions que par son aménagement ».

Louis Aubert lance le Voltaire-Aubert-Palace

L’industriel et exploitant Louis Aubert (1878-1944) reprend la salle de spectacles au printemps 1914. Une fois démolie, il y fait édifier un nouvel établissement dédié au cinématographe, le Voltaire-Aubert-Palace.

Pour son nouveau cinéma, Louis Aubert demande à Henri Belloc, une des grandes signatures de l’architecture des cinémas à qui l’on doit pour le circuit Aubert le Régina ou le Grenelle, de concevoir le nouvel établissement. Henri Belloc est également à l’origine de la reconstruction du Gaumont-Palace en 1931 et du Palais-Rochechouart.

Ci-dessus: le circuit des salles Louis Aubert, en 1926.

La presse relate l’ouverture du Voltaire-Aubert-Palace, à l’instar du quotidien Comoedia : « La salle, merveille de luxe et de confort, un programme absolument de premier ordre, un orchestre excellent : rien n’a été négligé pour faire de ce nouveau cinéma un établissement incomparable. Un succès complet couronnera l’entreprise ».

Le programme inaugural de la salle, le 1er octobre 1920, comprend les actualités du monde Aubert-Journal, le film comique La Petite manucure, un grand ciné-roman en 12 épisodes Le Grand jeu, dont le premier épisode est proposé cette semaine-là, le film court Les Deux jumelles, le magazine de l’écran Pathé-Revue, la comédie dramatique L’Holocauste (Maurice de Marsan) interprétée par Suzanne Delvé et Christiane Vernon et enfin Charlie Chaplin dans son court-métrage, Charlot déménageur.

La programmation qui suit fait la part belle aux ciné-romans, alors très en vogue, dont les Établissements Louis Aubert s’assurent l’exclusivité, à l’instar de L’Essor (Charles Burguet) en 10 épisodes avec Maurice Escande et le jeune Pierre Fresnay, à partir du 7 janvier 1921 et à raison d’un épisode par semaine.

Ci-dessus: Nick Winter, ciné-roman en 10 épisodes à partir du 19 août 1921.

Suivent les aventures de Nick Winter à partir du 19 août 1921, le ciné-roman Pathé Les Trois Mousquetaires, tourné en 13 épisodes par Henri Diamant-Berger, à partir du 7 octobre 1921, Rouletabille chez les Bohémiens (Henri Fescourt) en 10 épisodes à partir du 13 octobre 1922, la Justicière (Maurice de Marsan et Maurice Gleize) à partir du 18 septembre 1925 ou encore Sans famille (Georges Monca et Maurice Kéroul) à partir du 19 mars 1926.

Certains événements locaux sont présentés lors des séances, comme le concours de la plus jolie femme du XIe arrondissement ainsi que, la semaine du 1er avril 1921, la proclamation de la gagnante du concours.

Par ailleurs, des courts métrages promotionnels sont régulièrement proposés au Voltaire-Aubert-Palace ayant comme thématique les coulisses du cinéma. C’est l’occasion pour le public d’admirer les vedettes de l’écran « au travail et dans l’intimité » comme le proclame la publicité. Charlot, Fatty, Dudulle ou bien Zigotto sont à l’affiche chaque semaine dans leurs courts métrages comiques.

Progressivement, les longs métrages s’imposent dans les programmes comme L’Atlantide (Jacques Feyder) proposé en deux parties les semaines du 19 et 26 mai 1922, Les Quatre cavaliers de l’Apocalypse (Rex Ingram) avec la star Rudolph Valentino la semaine du 1er décembre 1922 ou Notre-Dame de Paris (Wallace Worsley) produit pour Universal avec le génial Lon Chaney la semaine du 23 janvier 1925.

Ci-dessus: Les Ailes en sortie générale la semaine du 27 septembre 1929.

Suivent Les Dix Commandements (Cecil B. de Mille) le 4 septembre 1925, Le Dernier des hommes (Friedrich Wilhelm Murnau) le 25 septembre 1925, Fiancées en folie (Buster Keaton) le 30 avril 1926, Faust (Friedrich Wilhelm Murnau) le 4 novembre 1927, Metropolis (Fritz Lang) le 2 mars 1928 ou bien Le Cirque (Charlie Chaplin) le 19 octobre 1928.

Le Voltaire-Palace dans le giron de Gaumont-Franco-Films-Aubert

En 1929, Louis Aubert abandonne l’industrie du cinéma pour la politique. Cette même année, en septembre, une holding est créée, la Gaumont-Franco-Films-Aubert (G.F.F.A.). Elle est issue du regroupement de Franco-Film, une société de production acquise un an plus tôt, du circuit de prestigieuses salles Aubert-Palace et des activités de Léon Gaumont (studios, productions, salles et les ateliers Continsouza qui construisent des appareils de cinéma).

La nouvelle entité paraît apte à s’adapter aux exigences du cinéma parlant qui nécessite d’importants investissements, ce que les petites exploitants ont du mal à financer et à amortir, n’étant par certains d’obtenir des films parlants. Ainsi, deux ans après l’arrivée du cinéma sonore, un nombre important de films muets sont encore programmés.

La puissance du circuit G.F.F.A., rendant accessible l’accès aux films parlants et sonores, permet au Voltaire-Palace d’être inclus dans la combinaison des salles de quartier du circuit – Régina, Convention, Montrouge, Gambetta… – pour les sorties générales des films, à raison d’un film différent chaque semaine.

Ci-dessus: le circuit Gaumont-Franco-Film-Aubert (G.F.F.A.) en 1931.

En 1932, le marché dispose de 275 films parlants français et de 67 films étrangers doublés en français. Progressivement les films doublés obtiennent du succès, là où les professionnels restaient septiques sur leurs rendements possibles.

Dès 1933, les observateurs prédisent que le Marignan Pathé-Natan, qui vient d’être inauguré sur les Champs-Elysées, est la dernière grande salle à être construite. En effet, ces grands volumes sont difficilement exploitables car ils nécessitent des films de qualité au succès vite épuisé en raison du nombre de places disponibles à chaque séance. Pour la G.F.F.A., le nouveau Gaumont-Palace, qui fait face à des frais de fonctionnement énormes, rend son exploitation difficilement rentable malgré un nombre d’entrées record.

Le nombre de petites salles se multiplient à Paris en 1933-1934. Les recettes des cinémas de quartiers de la G.F.F.A. sont sensiblement les mêmes que celles des Grands boulevards, le Voltaire-Palace restant une salle très attractive dans un contexte où la crise économique produit une répercussion très prononcée dans le secteur des spectacles en 1935.

Cinéma Voltaire-Palace à Paris

Ci-dessus: Le Miroir aux Alouettes (Roger Le Bon, Hans Steinhoff) la semaine du 16 juin 1935.

Cinéma Voltaire-Palace à Paris

Ci-dessus: la salle dans les années 1930.

Dans ces années 1930, le spectateur du Voltaire-Palace peut assister à la projection, en sortie générale, d’un grand nombre de films tels Tabou (Friedrich Wilhelm Murnau) la semaine du 4 décembre 1931, Les Lumières de la ville (Charlie Chaplin), celle du 19 février 1932, Le Billet de logement (Charles-Félix Tavano) le 6 janvier 1933, La Bande à Bouboule (Léon Mathot) avec le très populaire Milton le 23 juin 1933 ou encore Tire-au-flanc (Henri Wulschleger) avec l’autre comique vedette de l’époque Bach, le 15 décembre 1933.

Suivent le mythique King Kong (Merian C. Cooper et Ernest B. Schoedsack) le 30 mars 1934, Bouboule Ier, roi nègre (Léon Mathot) le 2 novembre 1934, Sans famille (Marc Allégret) le 8 mars 1935, Les 39 Marches (Alfred Hitchcock) le 27 mars 1936, La Garçonne (Jean de Limur) avec Marie Bell et Arletty le 2 octobre 1936 ou bien Mayerling (Anatole Litvak) avec Danièle Darrieux le 25 juin 1937.

Ci-dessus: La Tragédie de la mine (Georg Wilhelm Pabst) en sortie générale le 15 avril 1932.

Dès 1938, les professionnels s’interrogent dans les colonnes de La Cinématographie française sur la pertinence de limiter le nombre de salles de cinéma à Paris. Cette année-là, vingt-cinq nouvelles salles ouvrent à Paris. Parallèlement, une modernisation continue des établissements existants – l’Olympia, le Convention, le Moulin-Rouge, le Saint-Charles, etc. – s’observe depuis l’avènement du parlant. Les observateurs s’interrogent sur l’implantation de nouvelles salles dans des quartiers déjà bien pourvus, créant une surabondance d’établissements.

A Paris, entre autres, ouvrent en 1938 les cinémas Le Champo, le Cinévox-Pigalle, le Saint-Ambroise, les Portiques, le Miramar ou bien, en concurrence directe avec le Voltaire, le Savoie implanté sur le boulevard Voltaire. Cette même année, dès le 2 août, la branche exploitation du circuit Gaumont – la Société nouvelle des établissements Gaumont (S.N.E.G.), dont le siège est au 3 rue Caulaincourt dans les locaux du Gaumont Palace, est constituée.

Les double programmes, en vogue en cette seconde moitié des années 1930, permettent de voir entre autres au Voltaire-Palace l’excellent L’Alibi (Pierre Chenal) la semaine du 30 mars 1938, La Marseillaise (Jean Renoir) celle du 4 mai 1938, Abus de confiance (Henri Decoin) le 7 septembre 1938, Blanche-Neige et les Sept nains (Walt Disney) le 4 janvier 1939, Entrée des artistes (Marc Allégret) le 22 février 1939, Le Quai des brumes (Marcel Carné) le 9 août 1939 ou bien, au moment de la déclaration de la guerre, Thérèse Martin (Maurice de Canonge).

Ci-dessus: programme du Voltaire-Palace la semaine du 2 mars 1938.

Depuis 1849, sur chaque billet de spectacle vendu, l’Assistance publique perçoit une taxe, appelée communément « droit des pauvres » du fait de sa destination au profit des plus démunis. Avant l’existence du CNC et du Ciné-Chiffres, les sommes reversées constituent un indicateur statistique de la fréquentation cinématographique. En janvier 1940, l’Assistance publique communique ainsi les sommes perçues durant les trois premiers mois de guerre. En septembre 1939, elle ne perçoit que 450 000 francs pour la zone de Paris, au lieu des 4 400 000 francs pour le même mois de 1938. La fréquentation parisienne reprend progressivement pour arriver à 2 800 000 francs perçus par l’Assistance publique en décembre 1939 – traditionnellement pour les deux derniers mois de l’année ce sont entre 6 et 8 millions que perçoit l’institution.

Du fait de la mobilisation générale et des jauges imposées au regard du nombre de places disponibles dans les abris les plus proches, beaucoup de cinémas restent fermés. Ainsi, les salles de grandes capacités, comme le Gaumont Palace, restent pénalisées la jauge imposée rendant leur exploitation non rentable.

Malgré les difficultés, le Voltaire-Palace affiche durant cette période des films comme La Chevauchée fantastique (John Ford) la semaine du 13 décembre 1939, Derrière la façade (Georges Lacombe) le 7 février 1940, La Fin du jour (Julien Duvivier) le 21 février 1940, Vers sa destinée (John Ford) le 29 mai 1940 ou bien, la semaine au cours de laquelle les Allemands entrent dans Paris, Monsieur Prosper (Robert Péguy).

Le Voltaire-Palace dans les années d’Occupation

Les autorités d’Occupation imposent des délégués de quartier « pour permettre la surveillance constante des prescriptions édictées (…) Il a été décidé de procéder à la nomination de Délégués ayant chacun un certain nombre de salles à contrôler » comme l’annonce le journal corporatif collaborationniste Le Film en date du 1er novembre 1940. 27 zones sont ainsi créées à Paris, le Voltaire-Palace étant rattaché à la 15ème zone, avec entre autres, le Bastille-Palace, le Cyrano, le Lux-Bastille ou bien l’Artistic. En cas de non-respect par les exploitants, les délégués de quartier doivent aviser les autorités « et une sanction sera immédiatement appliquée aux réfractaires, sanction qui pourra être le retrait provisoire ou définitif de l’autorisation ».

Le Voltaire-Palace rouvre ses portes le 18 septembre 1940 avec le film L’Amant de madame Vidal (André Berthomieu) avec Elvire Popesco et Victor Boucher. De nombreuses productions allemandes font leurs sorties générales dans le circuit Gaumont, en particulier au Voltaire-Palace, à l’instar de La Jeune fille au lilas (Arthur-Maria Rabenalt) la semaine du 18 décembre 1940, La Fugue de M. Patterson (Herbert Selpin) avec Hans Albers celle du 5 février 1941, La Lutte héroïque (Hans Steinhoff) avec Emil Jannings le 19 février 1941, le film de propagande antisémite Les Rapaces (Heinz Helbig) le 19 mars 1941 ou bien Toute une vie (Gustav Ucicky) avec Paula Wessely, le 30 avril 1941.

Ci-dessus: Angélica (Jean Choux) en sortie générale le 12 février 1941.

Ci-dessus: Toute une vie (Gustav Ucicky), une des productions allemandes durant l’Occupation, la semaine du 30 avril 1941.

Un arrêté du 7 février 1941, relatif au contrôle des recettes des salles de cinéma, est pris par le Comité d’Organisation de l’Industrie Cinématographique (C.O.I.C.). Ainsi, dans chaque salle de cinéma, un registre spécial est établi sur le montant des recettes réalisées à chaque séance. Cet ancêtre du bordereau CNC permet ainsi de suivre avec précision les carrières des films et des salles.

Après 21 semaines d’exclusivité dans le prestigieux cinéma d’exclusivité Madeleine, La Fille du puisatier (Marcel Pagnol) effectue sa sortie générale à Paris, le 15 octobre 1941, dans une combinaison de salles des circuits Pathé et G.F.F.A. Il est ainsi programmé au Voltaire-Palace la semaine du 22 octobre, en même temps que le Lyon-Pathé, le Gambetta-Aubert, l’Impérial, le Féérique, le Saint-Paul, le Tivoli, le Cinéma du Panthéon et le Belleville-Pathé. Le film remporte un succès analogue dans les salles de quartier et sera l’un des grands succès de la période d’Occupation.

Une ordonnance de la Préfecture de Police, interdit en janvier 1942 l’usage des strapontins dans les salles de spectacles afin de faciliter l’évacuation des spectateurs en cas d’alerte.

Ci-dessus: L’Eternel retour (Jean Delannoy) la semaine du 1er mars 1944.

Durant la période de l’Occupation, les Parisiens trouvent au Voltaire-Palace les grands succès d’alors tels La Nuit fantastique (Marcel L’Herbier) le 9 décembre 1942, Les Visiteurs du soir (Marcel Carné) le 26 mai 1943, Mademoiselle Béatrice (Max de Vaucorbeil) le 4 août 1943, Goupi Mains Rouges (Jacques Becker) le 6 octobre 1943, Les Anges du péché (Robert Bresson) le 12 janvier 1944, L’Éternel retour (Jean Delannoy) le 1er mars 1944 ou bien le simenonien Cécile est morte (Maurice Tourneur) le 24 mai 1944.

Un arrêté du Ministère de la Production Industrielle impose la fermeture des cinémas de Paris, de la Seine, Seine-et-Oise et Seine-et-Marne, à compter du 23 juillet 1944. Prévue pour une période courte, cette fermeture perdure suite aux combats aboutissant à la Libération de Paris. C’est dans un Paris libéré que le Voltaire-Palace effectue sa réouverture, le 11 octobre 1944, avec une reprise du film d’Henry Hathaway réalisé pour la Paramount Les Gars du large avec Henry Fonda.

Cinéma Voltaire-Palace à Paris

Ci-dessus: façade du Voltaire-Palace lors de la Libération de Paris.

Les années d’après-guerre

Dans un contexte de restrictions d’énergie, de négociation des accords économiques Blum-Byrnes, les salles de cinéma connaissent difficultés à retrouver les fastes de l’avant-guerre.

A la fin de 1945, les recettes des cinémas baissent de 40%. Les rigueurs de la température et les nombreuses attaques nocturnes contraignent les spectateurs à éviter de sortir la nuit. Un arrêté du Préfet de Police de Paris, en date du 20 février 1946, autorise les cinémas à rester ouverts jusqu’à minuit trente dans la mesure du contingent d’électricité et du nombre de séances autorisées.

Cinéma Voltaire-Palace à Paris

En 1946, l’activité production de Gaumont reprend avec la mise en chantier de films comme Antoine et Antoinette (Jacques Becker) ou bien Le Beau voyage (Louis Cuny). Côté distribution, Gaumont travaille en collaboration avec la firme anglaise Eagle-Lion dont elle distribue les films. Pour l’exploitation, malgré de gros succès, la taxation trop forte nuit au profit. Si les recettes sont stables grâce à l’augmentation du prix des places, le coefficient d’occupation des places reste faible.

En 1947, Paris enregistre une baisse des entrées de 12% dans les salles d’exclusivité et de 17% dans les salles de quartier. Pour celles-ci, en ce qui concerne les trois derniers mois de l’année 1948, c’est 45% de baisse par rapport à 1947. Les études de l’époque attribuent cette chute principalement à deux facteurs : d’une part, l’augmentation du coût de la vie, d’autre part un écrasement de l’éventail des prix des places (avant-guerre le prix de la place d’exclusivité était d’au moins trois fois les prix moyens des places dans les salles de quartier; en 1948 ce prix de l’exclusivité n’est que du double de celui des salles de quartier).

Les salles de quartier des circuits, possédant les films rapidement après la première exclusivité, sont moins touchées que les autres. Si le Voltaire-Palace enregistre 421 723 entrées en 1948, seules 327 654 sont comptabilisée en 1950. Rappelons que les cinémas de quartier ne sont pas permanents et que le Voltaire-Palace ne propose que deux séances par jours (15 heures et 20h45) et n’est permanent de 14h à 24h que le dimanche.

Durant les années d’après-guerre, les Parisiens se pressent au Voltaire-Palace pour y découvrir, entre autres, Falbalas (Jacques Becker) la semaine du 7 novembre 1945, suivi la semaine suivante du Dictateur (Charlie Chaplin), La Cage aux Rossignols (Jean Dréville) le 13 février 1946, Laura (Otto Preminger) le 11 décembre 1946, Le Père tranquille (René Clément) le 2 avril 1947, La Belle et la Bête (Jean Cocteau) le 7 mai 1947, Antoine et Antoinette (Jacques Becker) le 24 mars 1948, Dédée d’Anvers (Yves Allégret) le 10 novembre 1948, Pattes blanches (Jean Grémillon) le 8 juin 1949, Manèges (Yves Allégret), le 29 mars 1950 ou bien Orphée (Jean Cocteau) le 7 février 1951.

Dans un contexte de baisse de la fréquentation, la Société Nouvelles des Établissements Gaumont engage en 1951 un vaste plan de modernisation de son parc de salles. Les salles d’exclusivité – le Colisée et l’Aubert-Palace – et les salles de quartiers – le Voltaire ou le Saint-Paul – vont subir des rénovations, tout comme les cinémas en province – le Tivoli et le Royal (Lyon), l’Alhambra (Saint-Etienne) ou bien l’Empire (Reims).

Cinéma Voltaire-Gaumont à Paris

Ci-dessus: la façade rénovée, la semaine du 20 juin 1951, avec à l’affiche Mon cow-boy adoré (George Marshall)

L’architecte Georges Peynet est mandaté par la Gaumont pour transformer le Voltaire-Palace. La Cinématographie Française commente les rénovations dans son édition du 30 juin 1951 : « l’aspect extérieur de la salle a été modifié : rehaussement de la façade, agrandissement du panneau publicitaire et éclairage indirect diffusé par quatre gros projecteurs (…) A l’intérieur, les murs ont été tapissés de tissus amiante, couleur vert amande, l’éclairage comporte quatorze appliques en cristal et des ornements en staff décorent la salle et la scène dont le rideau est de couleur champagne (…) Aucune modification n’a été apporté dans le nombre de places (1290 places) ; les fauteuils et les strapontins (Gallay) avaient été changés peu de temps avant ces travaux. Dans la cabine, aucune transformation importante, sinon une révision totale des projecteurs ».

Le Voltaire-Palace rouvre ses portes, le 13 juin 1951 avec le film Paramount, La Blonde de mes rêves, réalisé par Sidney Lanfield avec Bob Hope et Madeleine Carroll. La formule de programmation reste inchangée : un film différent chaque semaine et des séances séparées, tous les soirs à 20h45 (excepté le samedi qui propose deux soirées à 20h et 22h15), une matinée le jeudi, samedi et jours fériés à 15h et deux matinées le dimanche à 14h30 et 17h.

Cinéma Voltaire-Gaumont à Paris

Cinéma Voltaire-Gaumont à Paris

Cinéma Voltaire-Gaumont à Paris

Cinéma Voltaire-Gaumont à Paris

Ci-dessus: la salle rénovée en 1951.

La programmation fait la part belle aux sorties générales des films de la Gaumont, à l’instar de Caroline Chérie (Richard Pottier) la semaine du 10 octobre 1951, Deux sous de violettes (Jean Anouilh) celle du 16 janvier 1952 ou La Vie chantée (Noël-Noël) celle du 6 février 1952.

Suivent le 15 octobre 1952 le film à sketches franco-italien Les Sept Péchés capitaux (Roberto Rossellini, Jean Dréville, Yves Allégret, Claude Autant-Lara, Georges Lacombe, Carlo Rim et Eduardo de Felippo), La Minute de vérité (Jean Delannoy) le 7 janvier 1953, Manon des Sources (Marcel Pagnol) le 8 avril 1953 ou bien, distribué par Cocinor, Si Versailles m’était conté (Sacha Guitry) le 5 mai 1954, exceptionnellement pour 2 semaines.

Ci-dessus: Papa, maman, ma femme et moi (Jean-Paul Le Chanois) la semaine du 11 avril 1956.

La fermeture d’un cinéma de quartier

Au cours de la seconde moitié des années 1950, une augmentation des recettes des salles se produit. Cependant, ce phénomène est dû à une importante augmentation du prix des places car une chute sensible des entrées est observée. La baisse de la fréquentation impacte davantage les cinémas de quartier, les observateurs l’attribuant à leur clientèle populaire avec des revenus moindres.

Les salles des circuits sont beaucoup moins touchée que les salles indépendantes : elles bénéficient d’un accès plus rapide aux films après leur exclusivité et sont mieux soutenus par les groupes dans l’entretien de ces cinémas vieillissants.

Le Voltaire-Gaumont accueille encore 9 367 spectateurs pour Les Quatre Cents Coups (François Truffaut) la semaine du 30 décembre 1959, 8 455 pour Les Liaisons dangereuses 1960 (Roger Vadim) la semaine du 13 avril 1960, 9 008 pour La Jument verte (Claude Autant-Lara) celle du 27 avril 1960, 4 590 pour la 1ère époque du Comte de Monte-Cristo (Claude Autant-Lara) la semaine du 4 avril 1962 et 4 585 pour la seconde la semaine suivante, 7 700 pour Le Corniaud (Gérard Oury) la semaine du 29 septembre 1965 ou bien 8 712 pour La Grande vadrouille, la semaine du 24 mai 1967. Il est cependant beaucoup plus difficile de fidéliser le public du Voltaire-Gaumont avec des titres moins porteurs que ceux cités.

Ci-dessus: Les Quatre Cents Coups (François Truffaut) la semaine du 30 décembre 1959.

Ci-dessus: Divorce à l’italienne (Pietro Germi) la semaine du 17 octobre 1962.

En date du 1er janvier 1967, un soutien financier de l’Etat à l’industrie cinématographique permet aux exploitants de bénéficier de crédit pour la modernisation des salles existantes et la création de nouveaux établissements. Rappelons que dans un contexte de chute drastique de la fréquentation nationale, Paris passe de 1 064 467 000 entrées en 1946 à 78 706 000 en 1956 et, pour l’exercice 1968, à 43 817 000 entrées.

Divers observateurs prédisent dès 1968, une inévitable concentration des lieux de projection. Ainsi, les Champs-Élysées, les Grands boulevards, le quartier Montparnasse, en attendant le développement du Quartier latin, regroupent la majorité des spectateurs. Des lieux très attractifs jadis, comme le Gaumont Palace, n’attire plus que 352 000 spectateurs en 1968.

Les rénovations et les ouvertures de sites qu’entreprend la S.N.E.G. ne sont pas centrées sur les anciennes salles de quartier du circuit mais sur les zones en tension. Si les grandes salles mono-écran du circuit – le Convention, le Montrouge – sont transformées à terme en complexes, la salle déclinante du Voltaire-Palace ferme ses portes le 31 décembre 1969.

Une dernière projection du western Les Géants de l’Ouest (Andrew V. Mc Laglen), interprété par John Wayne et Rock Hudson, est au programme d’un cinéma quelque peu oublié aujourd’hui. Un immeuble de logement occupe aujourd’hui l’ancien Voltaire-Gaumont.

Texte: Thierry Béné.
Documents: Sources : La Cinématographie française, Le Film français, Musée de la Libération de Paris, Gallica-BnF, France-Soir et Hebdo-Film.