Adresse: 28 boulevard des Capucines à Paris (9ème arrondissement)
Nombre de salles: 1

C’est le 11 avril 1930 que l’Olympia – Théâtre Jacques Haïk ouvre ses portes à l’emplacement de l’ancien music-hall créé le 12 avril 1893. Au lendemain de son inauguration, Jacques Faure commente cet événement dans la revue Hebdo-Film: « On ne retrouve rien de l’ancien music-hall, Paul Franck qui en fut le dernier directeur ne le reconnu pas… La salle du nouvel Olympia est incontestablement la plus coquette des boulevards. Elle est vaste, mais intime et n’est point déparée par une décoration destylisée comme nous en connaissons par ailleurs. Les fauteuils sont profonds, confortables, la visibilité est excellente de tous les points de la salle et l’acoustique est parfaite ».

Les commentaires de l’époque soulignent la sobriété de la salle créée par l’architecte Paul Farge et vantent la décoration du hall et le luxe du second vestibule doté de sa demi-coupole. Un effort a été porté sur l’éclairage indirect et sur la qualité acoustique de la salle en ces années d’avènement du cinéma parlant. Les fauteuils des établissements Gallay sont en velours mixant le vert sombre et le vert clair.

Ci-dessus: plans du cinéma Olympia, coupe longitudinale.

Ci-dessus: plan du cinéma Olympia, parterre (622 fauteuils).

Ci-dessus: plan du cinéma Olympia, mezzanine (305 fauteuils) et balcon (509 fauteuils).

Ci-dessus: le programme du cinéma Olympia en 1932.

La façade du nouvel Olympia, de 12 mètres de hauteur et de 8 mètres de largeur, est l’œuvre de l’architecte Jacques Mongeaud. Elle est composée de tubes de néon rouge, bleu et vert et possède une puissance lumineuse renforçant l’attractivité du nouvel établissement.

La presse met en exergue les effets modernes de l’éclairage pour l’intermède scénique réglé par Louis Lemarchand et qui accompagnent le film muet d’inauguration réalisé par Clarence Brown et produit par RKO « La Piste de 98 ». En outre, le cinéma possède un orgue Cavaillé-Col comme beaucoup de salles des années 1930. Enfin, l’air conditionné y est installé comme au Paramount voisin.

Les premières années d’une prestigieuse salle de cinéma lancée par Jacques Haïk

En avril 1931, pour le premier anniversaire de la salle, le film de René Clair « Le Million » est à l’affiche de l’Olympia. Le quotidien Paris-Soir précise: « les situations et les phases ultra comiques du film sont accueillis à chaque fois par une tempête d’applaudissement ». Le triomphe du « Million » conforte le succès populaire de la salle qui enchaîne, en ces premiers mois d’exploitation, de belles performances comme avec « Atlantis » d’Ewald-André Dupont et Jean Kemm, « Caïen » de Léon Poirier, « La Fin du monde » d’Abel Gance ou bien « La Ronde des heures » d’Alexandre Ryder.

En acquérant l’Olympia, le producteur et propriétaire de salles Jacques Haïk est le premier à comprendre la grande évolution de l’exploitation cinématographique. Cette grande figure du cinéma, injustement oubliée, n’est-elle à l’initiative du plus grand cinéma de l’époque, le Grand Rex, ouvert deux années après l’Olympia?

La revue Les Spectacles du 28 novembre 1930 confirme que « le vieux music-hall réalisait des recettes hebdomadaires de 40 000 frs pour bondir dans un nouveau genre (le cinéma) de 600 000 à 700 000 francs« . Ainsi, grâce au succès de l’Olympia, une mutation s’opère avec la transformation d’anciens music-halls en salles de cinéma comme le Moulin Rouge à Paris, le Théâtre des Variétés à Toulouse ou le Palace à Avignon.

Les films programmés à l’Olympia visent le grand public à l’instar de la comédie « Les Gaîtés de l’escadron » de Maurice Tourneur à l’affiche le 16 septembre 1932 ou bien le 30 septembre de l’année suivante « Tire-au-flanc » réalisé par Henri Wulschleger avec Bach, la vedette d’alors. Parfois des films plus exigeants y sont proposés comme « La Chienne » de Jean Renoir le 29 janvier 1932 ou le 19 août la version tournée en français du film allemand de Georg Wilhelm Pabst « L’Opéra de quat’sous ». Pendant les années 1930, des attractions de Francis A.-Mangan, un artiste qui se produit également au Rex, sont proposées avant le film.

Ci-dessus: le programme de l’Olympia en 1935.

A partir du 6 décembre 1935, les studios de la Metro-Goldwyn-Mayer choisissent l’Olympia, au détriment du cinéma Madeleine, pour « La grande saison MGM » entamée avec les « Chroniques mondaines » de Robert Z. Leonard. Les productions du studio de Culver City se succèdent ainsi dans la salle de Jacques Haïk comme « Broadway Melody 1936 » de Roy Del Ruth le 15 février 1936, « Les Révoltés du Bounty » de Frank Lloyd le 6 mars, « Une Nuit à l’opéra » avec les Marx Brothers le 22 mai ou bien « Le Grand Ziegfeld » réalisé par Robert Z. Leonard le 23 septembre. C’est la salle des Champs-Elysées Le Paris qui prend plus tard le relais de la diffusion des films de la M.G.M.

L’Olympia rénové par Léon Siritzky

Après Jacques Haïk, la salle de l’Olympia est exploitée par Gaumont Franco-Film Aubert (GFFA), par Pathé et enfin par Léon Siritzky qui transforme la salle du boulevard des Capucines. L’exploitant, qui acquiert à Paris le Biarritz, le Boulevard, le César, le Marivaux et le Max-Linder, engage la rénovation de l’Olympia.

Les architectes Fernand Colin, Ruillier et Vladimir Scob, à qui l’on doit les rénovations du Marivaux, du Max-Linder et du Biarritz s’expriment dans les colonnes de la Cinématographie française: « Toute la façade est démolie sur 12 mètres de hauteur, du sol au 2ème étage est construit une sorte d’immense carène de navire qui est habillée avec des milliers de lampes et de tubes de néon ».

Quinze mille lampes et quinze cents mètres de tubes de néon permettent la mise en valeur de la nouvelle façade du cinéma qui utilise près de 2000 ampères alors que celle du Marivaux n’en utilise que 800. Pour ces architectes, il s’agit d’attirer l’attention du chaland, d’appeler le public par un jeu sur la couleur et la forme: « nous nous sommes servis d’un éclairage électrique intense ainsi le public bénéficiera d’un accueil on ne peut plus sympathique, car une façade de cinéma doit constituer la première page d’un programme ».

Ils poursuivent: « Nous avons enlevé le plafond pour construire cette sorte de proue de navire, mais si nous ne pouvions agrandir en hauteur, nous étions tenus par la largeur aussi nous sommes-nous servis de grandes glaces qui élargissent encore la courbe de l’entrée. Nous avons utilisé la tôle, ce qui nous a permis de réussir des courbes d’une technique moderne qui n’auraient pu être réalisées si nous avions dû avoir recours au staff ».

Ci-dessus: façade de l’Olympia avec à l’affiche « Trois de Saint-Cyr » (1939) de Jean-Paul Paulin. 

Ci-dessus: « La Marseillaise » de Jean Renoir à l’affiche en 1938.

La décoration de la salle est somptueuse, harmonieuse quant à ses lignes modernes. Confortable, une excellente visibilité est garantie depuis tous les fauteuils de la salle. C’est avec le film de Jean Renoir « La Marseillaise », qui a pu voir le jour grâce aux dons des souscripteurs membres des organisations ouvrières de la C.G.T., que le circuit Siritzky inaugure ce nouvel Olympia au cours d’une soirée de gala le mercredi 9 février 1938.

Le film de Jean Renoir est projeté en exclusivité à l’Olympia dans une version de 2h25, ramenée par son distributeur RAC à 1h55 pour sa sortie dans les autres salles.

Le destin de l’Olympia sous l’Occupation

Pendant l’Occupation, une spoliation des cinémas appartenant à des exploitants de confession juive est organisée: les cinémas de Léon Siritzky rejoignent la SOGEC (Société de Gestion et d’Exploitation des Cinémas) d’Alfred Greven, le directeur de la Continental-Films. Les films allemands de la Tobis, maison de production et de distribution allemande, sont désormais programmés à l’instar de « 5 millions en quête d’héritiers » le 12 février 1941, « Le Président Krüger » de Hans Steinhoff, Karl Anton et Herbert Maisch le 17 octobre 1941 avec sur scène Lys Gauty, « Traqués dans la Jungle » le 15 avril 1943 ou bien le film de propagande « Titanic » de Herbert Selpin et Werner Klingler le 3 novembre 1943.

Ci-dessus: Le film « Nord-Atlantique » (1939) de Maurice Cloche avec Tino Rossi en attraction.

Ci-dessus: « Simplet » réalisé et joué par Fernandel en 1942, une production Continental-Films.

Les films de la Continental-Films y sont programmés juste après leur exclusivité au Normandie comme « La Symphonie fantastique » de Christian-Jaque avec Jean-Louis Barrault, Renée Saint-Cyr et Jules Berry le 2 mai 1942 ou « Les Inconnus dans la maison » d’Henri Decoin avec Raimu le 3 juillet 1942. D’autres productions françaises sont de beaux succès comme, dès le 4 février 1943, le film en deux parties de Robert Vernay « Le Comte de Monte-Cristo » ou bien « Le loup des Malveneur » réalisé par Guillaume Radot avec Pierre Renoir et Madeleine Sologne à l’affiche le 9 juin. A la Libération, la salle est réquisitionnée par l’armée américaine pendant deux années.

  

Ci-dessus: « Le Comte de Monte-Cristo » (1942) de Robert Vernay et « Titanic » de Herbert Selpin et Werner Klingler (1943).

En janvier 1946, un jugement du tribunal de commerce restitue l’Olympia à Jacques Haïk qui rouvre sa salle au grand public le 24 juillet 1946 avec le film américain « Requins d’acier » réalisé par Archie Mayo. L’affiche alterne les productions américaines et françaises, la plupart du temps en combinaison avec la prestigieuse salle du Normandie et celle, plus épisodiquement, du Moulin-Rouge comme pour les films « Martin Roumagnac » de Georges Lacombe sorti le 18 décembre 1946, puis l’excellent « Panique » de Julien Duvivier avec Michel Simon le 15 janvier 1947, « Rebecca » d’Alfred Hitchcock le 21 mai, « Le Diable au corps » de Claude Autant-Lara le 10 septembre ou « La Maison du Docteur Edwardes » d’Alfred Hitchcock le 17 mars 1948.

Ci-dessus: la salle de l’Olympia en 1948.

L’essoufflement du cinéma et sa renaissance en music-hall

La salle de l’Olympia peine à retrouver son prestige d’avant-guerre et sa fréquentation que même l’Occupation n’avait pas ternie. Les entrées baissent et la programmation évolue vers des films de moindre importance commerciale, même si beaucoup sont devenus des classiques: « Ziegfeld Follies » de Vincente Minnelli à l’affiche le 2 septembre 1949, « Le Démon des armes » de Film de Joseph H. Lewis le 18 août 1950 et, le 30 mars 1951, « La Flèche brisée » réalisé par Delmer Daves.

L’Olympia souffre de son relatif isolement par rapport aux autres salles du quartier, la majorité se trouvant sur la partie des grands boulevards après l’Opéra. Pierre Vercel, à qui les Etablissements Jacques Haïk ont confié l’administration de la salle, la programme en combinaison avec l’Ermitage et le Max Linder. Mais ces salles n’ont pas toujours l’opportunité d’acquérir des productions françaises qui sont proposées à d’autres salles plus performantes. L’Olympia se retrouve à présenter des films français mineurs qui attirent peu le public et rendent difficile la rentabilité d’une salle coûteuse en frais de fonctionnement.

Jacques Haïk cède à Bruno Coquatrix et Ray Ventura les droits d’exploitation de l’Olympia; le duo misant sur de grandes attractions avant la diffusion du film. Malgré l’intégration de la salle dans la combinaison des cinémas Rex, Normandie et Moulin-Rouge pour la sortie de « Quo Vadis » de Mervyn LeRoy le 2 octobre 1953 ou celle du film de Jean Renoir « Le Carrosse d’or » le 27 février, la fréquentation ne reprend pas.

Le destin d’une salle de cinéma bientôt vouée à la fermeture suit une nouvelle voie lorsque l’Olympia devient l’un des music-halls les plus réputés au monde. Le cinéma s’y invitera ponctuellement lors de relâches de spectacles, par exemple pour les sorties de « L’Ombre du passé » de Ronald Neame, le dernier film de Judy Garland le 14 août 1963 ou bien « Gypsy, Vénus de Broadway » de Mervyn LeRoy le 28 août 1963.

Remerciements: M. Thierry Béné.
Photos: façade de l’Olympia « Annette et la Dame blonde » (1942), photos du hall et de la façade dans les années 2000 – Collection particulière.
Plans du cinéma Olympia (SOGEC): Collection particulière.
Photos et documents: Le Cinématographie française, Le Film français.

Ci-dessus: « La Vallée du jugement » à l’Olympia en 1948.

Ci-dessus: « Un Million clefs en main » à l’affiche en 1949.

Ci-dessus: la salle de l’Olympia en 2000.

Ci-dessus: le music-hall en 2000.

Ci-dessus: l’Olympia en music-hall dans les années 2000.