Adresse: 72, avenue des Champs-Élysées à Paris (8ème arrondissement)
Nombre de salles: 1 puis 3

Le 21 novembre 1930, Bernard Natan, à la tête de Pathé de 1929, découvre le rideau du cinéma Ermitage sur l’avenue des Champs-Elysées. La plus belle avenue du monde ne possède alors qu’une seule salle de cinéma, le Colisée, ouverte en 1913. C’est l’architecte Eugène Bruyneel qui conçoit la nouvelle salle du circuit de Bernard Natan qui fera de nouveau appel au même architecte pour la réalisation du Victor-Hugo Pathé en 1931 et surtout du luxueux Marignan-Pathé en 1933.

La semaine de son ouverture, l’Ermitage affiche pour son inauguration A l’Ouest rien de nouveau de Lewis Milestone. Le gala organisé pour fêter la salle de 1200 fauteuils se fait au profit de l’association des infirmières mutilées et réformées de guerre. Le quotidien Comoedia du 23 novembre 1930 commente l’ouverture du nouveau cinéma : « Une jolie salle argent avec des tentures mauves et de la lumière, des flots de lumières… » Mais on regrette l’entrée du cinéma trop étroite, les vestiaires exigus pour un public exigeant des Champs-Elysées ainsi que l’utilisation trop rationnelle de l’espace dans le but de loger les 1 200 fauteuils de la salle.

Le film inaugural remporte d’emblée un grand succès et lance la nouvelle salle des Champs-Elysées: l’Ermitage devient le fer de lance de Pathé sur la célèbre avenue jusqu’à l’ouverture trois ans plus tard du Marignan.

Le 8 juin 1933, le cinéma prend le nom d’Ermitage-Club des Ursulines avec la sortie de Cavalcade de Frank Lloyd. Deux années plus tard, la salle reprend son enseigne d’origine.

L’Ermitage pendant les années noires de l’Occupation.

Durant les années de l’Occupation allemande, le cinéma affiche en exclusivité les films des productions Pathé à l’instar de Romance de Paris (Jean Boyer) avec Robert Le Vigan le 3 octobre 1941, Le Briseur de chaînes (Jacques Daniel-Norman) avec Pierre Fresnay le 23 décembre de la même année ainsi que les films de René Lefèvre Opéra-Musette le 18 février 1942 et de Jean Boyer Boléro avec Arletty le 25 mars.

Pendant ces années de guerre, le plus grand succès de l’Ermitage, qui ne sera pas un Soldatenkino comme le Marignan, reste Le Voile bleu de Jean Stelli avec Gaby Morlay sorti le 18 novembre 1942.

A la Libération, l’Ermitage associe sa programmation avec celle du Rex pour les films Carmen de Christian-Jaque avec Viviane Romance et Jean Marais à l’affiche le 10 février 1945 et Les Dames du bois de Boulogne de Robert Bresson le 21 septembre de cette même année.

La salle accueille les productions américaines bloquées pendant l’Occupation telles que Rendez-vous – The Shop around the corner de Ernst Lubitsch le 15 août 1945, Docteur Jekyll et M. Hyde de Victor Fleming le 25 septembre suivant ou bien Les Tueurs de Robert Siodmak avec Burt Lancaster et Ava Gardner le 30 avril 1947.

L’Ermitage, la salle des grandes exclusivités américaines.

Durant les années 1950, l’Ermitage associe sa programmation de productions essentiellement américaines avec celle des cinémas Max Linder, Les Vedettes et Les Images. Cette combinaison assurera la plupart des films sortis des studios de la Fox en CinemaScope mais aussi ceux de la Metro-Goldwyn-Mayer et de la Warner Bros.

Le Crime était presque parfait d’Alfred Hitchcock sort à l’Ermitage le 2 février 1955, A l’est d’Eden d’Elia Kazan avec James Dean le 19 octobre, La Fureur de vivre du même cinéaste le 28 mars 1956, Le Bal des maudits d’Edward Dmytryk avec Marlon Brando le 2 avril 1958. Tant de classiques du cinéma américain ont illuminé l’écran de l’Ermitage!

Ci-dessus: Charade à l’affiche de l’Ermitage en 1963.

La décennie suivante, l’Ermitage est inclus dans une nouvelle combinaison d’exclusivités avec les cinémas Caméo, Pathé Wepler, Mistral et Miramar, ces deux derniers étant rattachés au circuit de Joseph Rytmann. James Bond 007 contre Dr No de Terence Young y est projeté dès le 8 mars 1963.

La salle est ensuite associée au seul Caméo avec les sorties des films Charade (Stanley Donen) avec Cary Grant et Audrey Hepburn le 18 décembre 1963, Mary Poppins de Robert Stevenson avec Julie Andrews le 8 octobre 1965 ou bien La Mélodie du bonheur de Robert Wise le 18 février 1966.

Ci-dessus: Boccace 70 (Federico Fellini, Vittorio De Sica, Luchino Visconti et Mario Monicelli) sort le 29 août 1962 à l’Ermitage (collection particulière).

L’Ermitage rejoint le réseau des salles UGC.

Le réseau UGC rachète l’Ermitage à la fin des années 1960 et intègre la salle au circuit du Rex lorsque le cinéma Normandie, également installé sur les Champs-Elysées et exploité par UGC, ferme en 1967 pour deux années de travaux.

Les années 1970 voient la division de nombreuses cinémas mono-écrans en complexes multisalles, un concept théorisé par l’exploitant Boris Gourevitch. Le 30 novembre 1972, le cinéma rouvre après sept mois de travaux: l’UGC Ermitage accueille désormais les spectateurs des Champs-Elysées dans trois salles de 550, 280 et 120 fauteuils.

Durant vingt ans, le complexe affiche les grandes exclusivités. Mais la hausse des loyers et la désaffection des spectateurs pour les salles des Champs-Elysées ont raison de la fermeture définitive de plusieurs salles, dont l’UGC Ermitage.

Le cinéma termine sa carrière avec la mise en place dans la grande salle du procédé Showscan mis au point par le spécialiste des effets spéciaux Douglas Trumbull: un film au format 70 mm avec un défilement à 60 images par seconde. Le film tourné pour l’occasion s’appelle France et, malgré la très grande qualité de projection, le succès n’est hélas pas au rendez-vous.

L’UGC Ermitage baisse son rideau le 16 octobre 1990 et laisse la place à une grande surface commerciale de parfumerie. Ce ne sera malheureusement qu’une fermeture parmi tant d’autres qui suivront sur « la plus belle avenue du monde ».

Ci-dessus: la grande salle de l’UGC Ermitage en 1972, après la transformation du cinéma en un complexe de trois salles.

Ci-dessus: les deux autres salles du cinéma en 1972.

Ci-dessus: le nouveau hall d’accueil du cinéma UGC Ermitage en 1972.

Remerciements: M. Thierry Béné.
Photo à la une: Boccace 70 (collection particulière).

Voir le dossier « les Champs-Elysées et les salles de cinéma »