Adresse: 3, rue Pourquery de Boisserin à Avignon (Vaucluse)
Nombre de salles: 1 puis 3
Le 19 novembre 1932 est inauguré rue Pourquery de Boisserin à Avignon un nouvel établissement cinématographique de 1 750 places, le Capitole qui, comme le commente le quotidien Le Radical du Vaucluse daté du lendemain de l’ouverture, « dresse fièrement vers le ciel sa haute façade, de lignes sobres mais d’une élégance moderne et de bon ton ».
La veille encore, de nombreux ouvriers s’affairaient pour les derniers aménagements en vue de l’inauguration. Le même quotidien poursuit ses impressions alors qu’ouvre la salle : « l’affluence était grande lorsque le rideau se leva (…) Chacun s’est plu à reconnaître le bon goût et l’élégance de la décoration intérieure de la salle : les nouveaux procédés polychromes ont été appliqués : le gris, le mauve et l’or dominent. Fait appréciable, toutes les places sont très confortables aussi bien à l’orchestre qu’aux deuxièmes galeries (…) L’éclairage a fait l’objet de soins attentifs. Aucun globe, aucune ampoule ne viennent blesser la vue. Une lumière douce, tamisée, est dispensée très généreusement (…) Cette salle est vraiment très belle et constitue une nouvelle attraction dont notre ville ne pourra que profiter ».
Le Capitole dispose d’installations permettant de maintenir la température de la salle à l’abri des variations climatiques : en hiver comme en été la température est à peu près égale. Pour l’ouverture du Capitole, Max Carton, son directeur, choisit Monsieur, Madame et Bibi, une production franco-allemande réalisé par Jean Boyer pour la version française avec comme interprètes les comédiennes Marie Glory et Florelle.
Le Capitole, la salle au 1750 fauteuils.
La direction du Capitole annonce ne vouloir proposer que des spectacles de choix, comme à partir du 25 novembre 1932, la production Pathé-Natan Les Gaîtés de l’escadron (Maurice Tourneur) dans lequel le public retrouve Raimu et les jeunes Fernandel et Jean Gabin.
Ci-dessus: Kiki (Pierre Billon) la semaine du 17 février 1933.
Ci-dessus: 14 juillet (René Clair), la semaine du 24 mars 1933.
Les productions Pathé-Natan bénéficient à Avignon de l’écran du Capitole : Au nom de la Loi (Maurice Tourneur) la semaine du 16 décembre 1932, Mélo (Paul Czinner) sur un scénario d’Henri Bernstein celle du 20 janvier 1933, La Tête d’un homme (Julien Duvivier) d’après Georges Simenon celle du 19 mai 1933, la superproduction de Raymond Bernard Les Misérables d’après Victor Hugo présentée en trois parties les semaines du 9, 16 et 23 mars 1934 ou bien Le Grand jeu (Jacques Feyder) le 18 janvier 1935.
Comme tous les grands cinémas de province, le Capitole accueille des attractions sur scène à chaque séance : jongleurs, équilibristes, danseurs tziganes et chanteurs se produisent en première partie du spectacle dans un programme composé de documentaires et d’actualités, juste avant l’entracte et le grand film. L’orchestre du Capitole se produit à chaque séance sous la direction de Francis Malbec.
Durant la seconde moitié des années 1930, le Capitole s’assure de nombreuses premières visions de films très populaires à l’instar de La Bandera (Julien Duvivier) la semaine du 8 janvier 1936, La Kermesse héroïque (Jacques Feyder) celle du 4 mars 1936 ou Jenny (Marcel Carné) le 18 novembre 1936.
Mais aussi César (Marcel Pagnol) le 30 décembre 1936 pour deux semaines, François 1er (Christian-Jaque) le 24 mars 1937, La Grande illusion (Jean Renoir) le 12 novembre 1937, Regain (Marcel Pagnol) le 3 décembre 1937, Prison de femmes (Roger Richebé) le 1er novembre 1938, Ils étaient neuf célibataires (Sacha Guitry) le 28 février 1940 ou bien Moulin-Rouge (André Hugon) le 3 avril 1940.
La renaissance du Capitole.
Dans la nuit du 9 septembre 1941, Le Capitole est entièrement détruit par un incendie. La revue corporatiste et collaborationniste Le Film commente le sinistre : « grâce à la promptitude des secours, la comptabilité et les films contenus dans la cabine de projection purent être sauvés. Du bel établissement de 1 750 places, il ne subsiste plus que la façade ». Son directeur Max Carton met tout en œuvre pour que renaisse le Capitole.
Malgré les difficultés, la salle reconstruite rouvre le 10 juin 1943 avec une brillante soirée de gala donnée au profit des prisonniers de guerre de la ville, en présence de tous les officiels d’Avignon.
Le Film commente cette réouverture dans son numéro du 7 août 1943 : « La forme de la salle qui contient 1 500 places est exactement la même que l’ancienne dont on se rappelle la gracieuse harmonie et l’ambiance si intime. Les deux étages ont été reconstruits en ciment armé et le plafond est soutenu par une charpente métallique. La décoration est très heureuse d’une blancheur et d’une couleur paille qui s’harmonisent admirablement. Le revêtement acoustique installé par la Société Marocaine, assure une audition absolument impeccable : la projection est parfaite et les fauteuils de Gallay très confortables. »
Ci-dessus: réouverture du Capitole reconstruit le 10 juin 1943 avec La Femme perdue (Jean Choux).
Et de poursuivre : « La ventilation, le chauffage, l’aération de la salle ont également fait l’objet de soins attentifs. Cette réouverture a connu un succès triomphal et la population avignonnaise s’est portée en foule dans sa salle préférée. Le premier film représenté était La Femme perdue qui réalisa en une semaine plus de 150 000 francs malgré les grandes chaleurs que nous subissons actuellement. Après ce premier film, le Capitole a présenté Le Mariage de Chiffon, Mademoiselle Béatrice, L’Assassin habite au 21, La Bonne étoile. Les recettes se sont maintenues excellentes. Pour l’inauguration de la scène, la direction a présenté en chair et en os (suivant l’expression consacrée) Fernandel qui n’était pas venu à Avignon depuis trois ans ».
Ci-dessus: L’Assassin habite au 21 (Henri-Georges Clouzot) la semaine du 7 juillet 1943.
Ci-dessus: Le Dictateur (Charlie Chaplin) du 3 au 16 octobre 1945.
L’après-guerre voit l’essor du cinéma hollywoodien qui occupe l’affiche plus régulièrement qu’avant le conflit. Parmi ces films, citons Les Hauts de Hurlevent (William Wyler) la semaine du 27 septembre 1944, la version sonorisée de La Ruée vers l’or (Charlie Chaplin) celle du 22 novembre 1944, Vacances (George Cukor) le 7 février 1945, Le Dictateur (Charlie Chaplin) le 3 octobre 1945 pour 15 jours ou bien Prisonnier du passé (Mervyn LeRoy) le 31 octobre 1945.
Des films français, devenus aujourd’hui des classiques, sont à l’affiche du Capitole : Falbalas (Jacques Becker) la semaine du 5 décembre 1945, Naïs (Marcel Pagnol) celle du 19 décembre 1945 ou bien Félicie Nanteuil (Marc Allégret) le 9 janvier 1946. De grands artistes se produisent sur la scène du Capitole, le temps d’une soirée prévue lors d’un tour de chant, à l’instar d’Yves Montand et Édith Piaf le mercredi 6 décembre 1944 ou bien, à nouveau, Fernandel le 21 mars 1945.
Ci-dessus: Bambi (Walt Disney) la semaine du 20 octobre 1948.
En 1949, Max Carton procède à des travaux d’embellissement du Capitole. Deux importants motifs, en staff blanc sur fond bleu, avec jeux de lumière, encadrent désormais la scène, apportant ainsi une note de luxe. Le volume de la salle se trouve revêtu de tissu d’amiante de couleur bleu lavande.
En août 1952, la salle ferme pendant trois semaines pour des travaux de modernisation. La Cinématographie française du 19 avril 1952 commente la réouverture : « Cette réalisation illustre d’une manière éclatante le rôle que la lumière peut avoir dans un travail de modernisation. Elle habille les murs sous la forme de fleurs lumineuses. »
Ci-dessus: la façade avec à l’affiche La Mélodie du bonheur (Stuart Heisler) la semaine du 14 juin 1950.
Ci-dessus: la façade et la salle en 1952.
Le 11 novembre 1953, à l’occasion de la sortie du film de Cecil B. DeMille Sous le plus grand chapiteau du monde, le Capitole inaugure son nouvel écran panoramique – 10 mètres de base sur 6 mètres de haut – avec son stéréophonique. La publicité met alors en avant cet équipement lors de la sortie de Lucrèce Borgia (Christian-Jaque) à partir du 25 novembre 1953 ou bien Sangaree (Edward Ludwig) que Paramount propose en « relief intégral ».
Max Carton doit composer avec son concurrent Le Palace de la famille Pezet, une dynastie d’exploitants qui posséda également le Palladium (1 000 places), l’Alhambra (1 000 places) et l’Eldorado, qui présente en exclusivité le CinemaScope à partir du 14 avril 1954 avec La Tunique et les autres productions de la Fox qui vont suivre.
Ci-dessus: Le Boulanger de Valorgue (Henri Verneuil) réunit 24 647 spectateurs du 22 avril au 5 mai 1953.
Ci-dessus: première mondiale des Possédées (Charles Brabant) le mardi 20 mars 1956.
C’est au Capitole qu’a lieu le mardi 20 mars 1956 la première mondiale du film de Charles Brabant Les Possédées dont l’exclusivité parisienne ne débute que le 30 mai de la même année au Marignan Pathé sur les Champs-Elysées et au Français sur les Grands boulevards. Une grande soirée de gala est organisée au Capitole en présence du réalisateur et de la vedette du film, Magali Noël. À 18 heures, un cocktail est organisé au bar du cinéma réunissant la presse locale et à 20 heures un dîner est organisé au restaurant de l’Hôtel Crillon. L’actrice et le réalisateur présentent le film sur la scène du Capitole devant des personnalités locales comme le préfet du Vaucluse, le maire d’Avignon et de nombreux exploitants de la région.
Ci-dessus: Les Misérables, 2e époque (Jean-Paul Le Chanois) la semaine du 19 mars 1958.
Durant les années 1950, le public avignonnais peut découvrir au Capitole des films comme Fenêtre sur cour (Alfred Hitchcock) la semaine du 8 juin 1955, Le Secret magnifique (Douglas Sirk) celle du 1er novembre 1955, Si Paris nous était conté (Sacha Guitry) le 11 avril 1956 ou La Main au collet (Alfred Hitchcock) le 18 avril 1956.
Notons également Le Pays d’où je viens (Marcel Carné) le 9 janvier 1957, Les Misérables en deux époques (Jean-Paul Le Chanois) les semaines du 12 et du 19 mars 1958, La Belle au Bois dormant (Walt Disney) le 23 décembre 1959 ou bien La Mort aux trousses (Alfred Hitchcock) le 13 janvier 1960.
Ci-dessus: la salle du Capitole en 1958, vue depuis la scène.
Ci-dessus: la salle du Capitole en 1958, vue depuis l’orchestre.
Ci-dessus: les rideaux qui recouvrent l’écran du Capitole en 1958.
L’énergique Max Carton organise dans sa salle le 22 février 1962 le gala de première du film historique La Fayette (Jean Dréville). Cette soirée se déroule en présence du réalisateur et des deux vedettes du film, Michel Le Royer et Pascale Audret.
La Cinématographie française revient sur la soirée dans son numéro du 2 mars 1962 : « Le réalisateur et ses interprètes sont venus de Marseille par la route (le film venait d’être présenté au Rex de Marseille) en compagnie de M. Aubry, directeur de l’Agence de UFA-COMACICO (qui distribue le film). Ils furent accueillis au Capitole par Monsieur Carton et ses collaborateurs et associés. Le soir en présence des Hautes autorités Départementales, Municipales, Religieuses et Civiles, le gala obtint un très vif succès. En fin de séance Jean Dréville présenta sur scène ses deux interprètes qui furent l’objet d’une chaleureuse ovation ».
Ci-dessus: Ben-Hur (William Wyler) à partir du 17 janvier 1962.
Les années 1960 sont marquées par la programmation de superproductions internationales, parmi celles-ci l’inévitable Ben-Hur (William Wyler) à partir du 17 janvier 1962 qui accueille 28 949 spectateurs en 6 semaines, Le Jour le plus long (Ken Annakin, Andrew Marton et Bernhard Wicki) à partir du 27 février 1963 que découvrent 26 022 personnes, Cléopâtre (Joseph L Mankiewicz) à partir du 12 février 1964 (12 801 entrées en 3 semaines), Le Docteur Jivago (David Lean) à partir du 15 février 1967 (35 517 entrées en 8 semaines) ou bien la reprise en 70 mm d’Autant en emporte le vent (Victor Fleming) à partir du 21 novembre 1969 (13 664 spectateurs en 3 semaines).
Le Capitole restructuré en complexe de trois salles
En 1971, à l’heure où l’exploitation connaît une transformation majeure avec l’apparition des complexes, Max Carton lance la restructuration du Capitole avec l’aide des deux architectes qui ont transformé le Marignan des Champs-Élysées, Vladimir Scob et Jean Touraine.
La plus grande salle de la région – 1 450 places à l’époque – ferme ses portes durant l’été et laisse la place à trois nouvelles salles : une vaste salle de 880 places, disposée en amphithéâtre et conservant le balcon d’origine, loge dans l’ancienne mezzanine qui est prolongée grâce une dalle de béton. Sous cette dalle, à la place de l’orchestre, deux salles de 334 et 156 fauteuils sont créées.
Ci-dessus: plan du complexe de trois salles.
Les dimensions de l’image des deux salles inférieures sont respectivement de 3,30 x 7 ,75 mètres et de 2,80 x 6,50 mètres. La grande salle à l’étage bénéficie d’un écran de 5,20 x 12,20 mètres, la cabine de projection restant celle de l’ancienne salle unique. La difficulté majeure de cette réalisation est de pouvoir desservir les trois salles à partir des accès et des escaliers existants. La façade est modernisée, tout comme le hall qui est commun aux trois salles avec une caisse centrale et un contrôle unique.
Ci-dessus: Les 101 Dalmatiens (Walt Disney Productions) à partir du 20 décembre 1972.
Le nouveau complexe programme, entre autres, les grandes rééditions des films de Walt Disney comme Les 101 Dalmatiens à partir du 20 décembre 1972, Blanche-Neige et les Sept nains à partir du 5 décembre 1973 ou bien Les Aventures de Peter Pan à partir du 30 mars 1977. Bénéficiant de la première vision pour ses films, le Capitole voit une foule de spectateurs et de leurs bambins pour les fêtes de fin d’année.
S’il doit composer avec la concurrence du Palace de la famille Pezet, le Capitole voit ses concurrents disparaître progressivement : le Paris, le Lido et le Rio ferment successivement leurs portes.
Ci-dessus: la façade en 2008 (© Thierry Béné).
Ci-dessus: la façade en 2008 (© Thierry Béné).
Ci-dessus: la vitrine publicitaire en 2008 (© Thierry Béné).
Ci-dessus: Le Capitole restauré.
L’ouverture en 1995 du multiplexe Pathé Cap-Sud fragilise l’exploitation du centre-ville d’Avignon. René Kraus, alors propriétaire du Capitole, suit la tendance en ouvrant au Pontet le multiplexe Capitole-Studios. Si l’exploitation du Capitole du centre-ville perdure pendant quelque temps, c’est le 19 novembre 2013 que René Kraus décide de le fermer.
Après une longue période de fermeture, l’exploitation de l’établissement est confiée à Gilles Boussion et Vincent Clap qui le rouvrent en septembre 2015 sous l’enseigne Pandora, un hommage certain à Ava Gardner. C’est alors un lieu multiculturel proposant une programmation cinématographique mais également des spectacles vivants, un pôle de création audiovisuelle et la tenue d’expositions temporaires. Si le Pandora accueille le Festival Off dans ses salles, il ferme brutalement ses portes en 2019.
Après trois ans de fermeture, le propriétaire de la Scala de Paris, l’entrepreneur Frédéric Biessy, rachète le lieu en 2021. C’est sous l’enseigne Scala-Provence et à la suite de trois années de nouvelles restaurations que l’historique Capitole éblouit de nouveau les Avignonnais dans un magnifique écrin proposant des spectacles vivants. Le Vox, l’Utopia-République et l’Utopia-La Manutention demeurent les seuls cinémas de centre-ville.
Texte: Thierry Béné.
Documents: La Cinématographie française, Le Film français, Gallica BnF, Archives Pandora et La Scala-Provence, Collections particulières.
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