Adresse: 27 avenue des Champs-Elysées à Paris (VIIIe arrondissement)
Nombre de salles: 1 puis 6
Aujourd’hui: Gaumont Champs-Elysées Marignan

Le cinéma Pathé Marignan, initié par Bernard Natan, dirigeant et propriétaire de la maison Pathé, ouvre ses portes le 30 mars 1933 au sein d’un bel immeuble imaginé par Eugène Bruyneel, au carrefour de l’avenue des Champs-Elysées et de la rue Marignan. L’architecte est aussi l’auteur, trois années plus tôt, de l’étonnant bâtiment d’angle qui intègre le cinéma Pathé Victor-Hugo dans le XVIe arrondissement de la capitale.

Dans les colonnes du quotidien Comoedia, Charles Méré commente l’ouverture du Marignan, nouveau temple de la cinématographie: « La nouvelle salle Marignan qui vient de s’ouvrir en plein cœur du Paris neuf et dont l’inauguration fut, hier, un éclatant succès, peut être considéré pour l’harmonie de ses proportions, le style solide et dépouillé de son architecture, et sa décoration, comme l’une des plus belles salles de Paris. Et comme je félicite les constructeurs de ce moderne palais de s’être gardé du colossal! Par le goût qui a présidé à sa conception et à son aménagement, par ses proportions équilibrées, et par son atmosphère, cette salle est vraiment française ».

Ci-dessus: l’immeuble du Pathé Natan Marignan, imaginé par Eugène Bruyneel (collection particulière).

Le journaliste poursuit, émerveillé, ses impressions sur la nouvelle salle des Champs-Elysées: « Dès le premier soir, les parisiens se sont sentis chez eux. Et tout Paris était là en effet. Une surprise inédite était réservée aux invités. L’arrivée de ceux-ci dans le magnifique hall avait été filmée; leurs conversations et leurs exclamations admiratives avaient été enregistrées ! Et sur l’écran, on projeta en « édition spéciale » cette « dernière heure » des actualités. Miracle du cinéma ! Quel chemin parcouru depuis 1900 ! Les vieux parisiens pourront à loisir comparer dans leur souvenir les Champs-Elysées de cette époque aux Champs-Elysées d’à présent, auxquels le Marignan ne va pas manquer d’apporter plus d’animation encore. Le choix qui fût fait de La Dame de chez Maxim’s pour cette inauguration est en cela fort heureux. Ce regard vers le passé nous permet de mieux admirer l’élégance et la beauté du Paris d’aujourd’hui ».

Pathé Marignan

Ci-dessus: La Dame de chez Maxim’s, le film inaugural du Pathé Marignan.

Ci-dessus: publicité annonçant l’ouverture du « plus élégant cinéma d’Europe », le Marignan-Pathé.

Le Marignan-Pathé, une salle aussi luxueuse qu’élégante.

De son côté, le quotidien Le Matin évoque les caractéristiques de la salle: « La première chose qui frappe est le formidable développement de la façade d’angle, laquelle atteint 50 mètres, dont les deux tiers environ sur les Champs-Elysées et le tiers sur la rue Marignan. Deux grandes entrées monumentales de huit mètres de large, commandant les deux voies d’accès, aboutissent à une grande rotonde de 15 mètres de diamètre et de 10 mètres de hauteur. Deux guichets sont aménagés sous la rotonde qui en cas d’affluence, pourra contenir près de 2000 personnes, soit la totalité des spectateurs. Aucune salle à Paris et en Europe n’offre un aussi vaste dégagement et un aussi sûr abri. L’entrée des spectateurs sur les Champs-Elysées se fait également par un grand hall constituant l’entrée principale ».

Le Matin, conquis par les volumes et le luxe du Marignan, continue sa chronique: « Le Marignan-Pathé enrichit donc Paris d’une salle, aussi luxueuse qu’élégante. Si l’on considère le gros œuvre de la salle, indépendamment de ses enjolivements décoratifs, cet établissement apparaît comme une œuvre audacieuse où de nombreuses difficultés techniques durent être résolues. La salle entièrement construite en ciment armé a pour dimensions principales: longueur depuis le foyer jusqu’au mur de scène : 40 mètres; largeur totale de la salle: 23 mètres; hauteur entre les fauteuils d’orchestre et le plafond : 20 mètres ».

Et de poursuivre: « Dans toute salle moderne de spectacle, les exigences d’esthétique, de visibilité, d’acoustique et de climatisation rendent ardue la tâche des constructeurs. Ici, le problème était encore compliqué du fait des grandes dimensions et surtout parce que son plafond franchissant 23 mètres d’une seule portée , devait servir d’appui à un immeuble de quatre étage avec tous ses services. Malgré ces difficultés, il était impossible d’admettre des colonnes intermédiaires dans une salle vraiment moderne et il a fallu reporter sur chaque côté du bâtiment la totalité des charges provenant du mezzanine, du balcon, du plafond et de l’immeuble le surmontant ».

Ci-dessus: dessin de la salle du Marignan en 1933.

Ci-dessus: vues de la salle du cinéma Pathé-Natan Marignan en 1933.

Ci-dessus: le hall du cinéma Pathé-Natan Marignan en 1933.

Ci-dessus: croquis du foyer de l’orchestre (1933).

Ci-dessus: foyer de l’orchestre (1933).

Pathé Marignan Champs-Elysées

Ci-dessus: foyer de l’orchestre (1933).

Pathé Marignan Champs-Elysées

Ci-dessus: la cabine de projection (1933).

Pathé Marignan Champs-Elysées

Ci-dessus: la salle des machines au sous-sol avec le groupe des diesel (1933).

Alexandra Pecker dans Comoedia donne ses premières impressions sur la salle:  « la salle est spacieuse, confortable, aérée. On y ressent une impression de bien-être et de délassement qui dispose favorablement le jugement porté sur le spectacle ». La soirée de gala est somptueuse. De nombreuses personnalités y participent, parmi lesquelles Tristan Bernard, Françoise Rosay, Jacques Feyder, Pierre Wolff, Louis Lumière et Florelle, « une jeune femme blonde, délicieuse de modestie, de simplicité, de charmes », qui joue dans le film inaugural.

D’autres vedettes de l’époque participent à cet événement: Marcelle Chantal, Mona Goya, Jeanne Boitel, Dolly Davis, Colette Darfeuil ainsi qu’une certaine Mademoiselle Chanel. Le Marignan est l’un des fleurons de Bernard Natan et son frère Emile, à la tête de Pathé depuis 1929. L’état-major de la firme au coq assiste à l’inauguration de la salle dans laquelle les grandes premières des films seront, jusqu’à la fin des années 1960, fastueuses et toujours immortalisées par les actualités Pathé-Journal.

Après le film inaugural réalisé par Alexander Korda La Dame de chez Maxim’s, la salle du Pathé-Natan Marignan affiche le 22 avril 1933 Le Testament du docteur Mabuse de Fritz Lang, dans sa version tournée en français à Berlin. Les œuvres suivantes sont des productions franco-allemandes, parfois tournées pour l’Universum Film AG (UFA) de Berlin, comme le 6 mai 1933 Moi et l’impératrice (Paul Martin) en version française, le 16 juin L’Etoile de Valencia (Serge de Poligny), le 30 juin Idylle au Caire (Reinhold Schünzel et Claude Heymann) ou bien le 15 décembre de la même année Tunnel (Curtiz Bernhardt) avec le jeune Jean Gabin.

Ci-dessus: Le Testament du Dr. Mabuse au Marignan le 22 avril 1933.

Ci-dessus: Faisons un rêve (Sacha Guitry) à l’affiche le 16 décembre 1936.

Ci-dessus: François 1er (Christian-Jaque) avec Fernandel à l’affiche le 18 février 1937.

Ci-dessus: Marthe Richard (Raymond Bernard) avec Edwige Feuillère à l’affiche le 20 avril 1937.

Ci-dessus: L’Innocent (Maurice Cammage) avec Noël-Noël à l’affiche le 11 février 1938.

Ci-dessus: Les Gens du voyage (Jacques Feyder) à l’affiche le 4 mars 1938.

Les productions maison de Pathé sont en exclusivité dans la capitale à l’affiche de la salle du Marignan comme, le 5 janvier 1934, La Bataille produit par Bernard Natan et réalisé par Viktor Tourjanski et Nicolas Farkas. Alors que la première époque du film de Raymond Bernard Les Misérables est donnée au Paramount-Opéra et la deuxième au Marivaux, la dernière partie de l’adaptation de Victor Hugo est présentée le 23 février 1934 au Marignan.

Une soirée-événement est organisée le samedi 3 février au cours de laquelle les trois parties de cette superproduction Pathé-Natan sont présentées de 20h30 à 2h45 le lendemain matin. L’interprète principal des Misérables Harry Baur, l’actrice Mary Marquet, Tristan Bernard – le père du cinéaste ainsi que le réalisateur Julien Duvivier sont présents. La presse cinématographique et corporative française et étrangère assiste également à cette nuit cinématographique placée sous le signe de Jean Valjean.

Pour ses premiers mois d’exploitation, les sorties s’enchaînent au Marignan: le film de Le Grand jeu (Jacques Feyder) y est présenté le 27 avril 1934 suivi le 8 février de l’année suivante du Bonheur (Marcel L’Herbier). Cinéma privilégié des exclusivités à grand spectacle des années 1930, on y joue Les Nuits moscovites (Alexis Granowsky) le 16 novembre 1934, Golgotha (Julien Duvivier) le 12 avril 1935, La Kermesse héroïque (Jacques Feyder) le 6 décembre de la même année, Mayerling (Anatole Litvak) le 7 février 1936 et deux œuvres de Marcel L’Herbier La Tragédie impériale le 30 mars 1938 et Entente cordiale le 21 avril 1939.

Marcel Pagnol et Sacha Guitry sortent certaines de leurs productions au Marignan. Pour le premier, son Regain avec Fernandel est à l’affiche le 29 octobre 1937, quant au second, Le Roman d’un tricheur y est programmé le 9 septembre 1936. L’auteur y sort également Faisons un rêve le 16 décembre 1936, Désiré le 4 décembre 1937 et Les Perles de la couronne qui bénéficie d’une somptueuse sortie, le 12 mai de la même année. Pour ce film, dont une scène a été tournée à son bord, le paquebot Normandie organise un grand gala dans la salle du « plus beau paquebot du monde » au cours duquel le film est projeté.

Les Perles de la couronne, dont les places lors de l’avant-première sont fixées à 150, 100 et 50 frs, sont intégralement reversées au Comité national des plus grands invalides de guerre. La Cinématographie française commente cette première : « Tout Paris se trouvait réuni dans la salle au moment où le maître Albert Wolff arriva au pupitre pour diriger Les Concerts Pasdeloup. Le Tout Paris du monde du Théâtre, des Lettres, des Arts était venu fêter l’œuvre nouvelle du plus grand acteur-auteur français : Sacha Guitry… On y reconnaissait des personnalités allant de Madame Courteline à Tino Rossi, Suzy Vernon, Max Dearly, Annabella, Cécile Sorel, Simone Berriau, Marcel Achard et tant d’autres… ».

Durant la première semaine d’exploitation, Les Perles de la couronne enregistre 38174 spectateurs au Marignan. Le film bat tous les records de la salle: 13 semaines d’exclusivité – le précédent record de 9 semaines est détenu par La Kermesse héroïque – et un total de 156081 entrées. La seconde exclusivité du film de Guitry est projetée de l’Impérial-Pathé sur dans les grands boulevards, comme cela est le cas pour la plupart des prolongations du Marignan.

Le phénomène de Blanche-Neige.

Dans ces années 1930, l’événement du Marignan reste la sortie le 6 mai 1938 de Blanche-Neige et les sept nains de Walt Disney. Très attendu, le film est un triomphe et garde l’exclusivité au seul Marignan pendant 18 semaines. Il est retiré de l’affiche pour « cause d’engagement antérieur », à savoir un contrat pour la sortie de Piste du sud de Pierre Billon. La salle de l’Impérial-Pathé reprend le film de Disney dès le 11 septembre et y reste à l’affiche jusqu’au 8 décembre avant d’effectuer sa sortie générale dans les cinémas de quartier et de banlieue en ce Noël 1938.

Pathé Marignan

Ci-dessus: Blanche-Neige et les sept nains (Walt Disney) – photo Jean Mounier Publicité RKO.

Ci-dessus: Blanche-Neige et les sept nains en exclusivité au Marignan.

Ci-dessus: célébration du 200000ème spectateur de Blanche-Neige au seul Marignan.

La Cinématographie française commente le succès du film de Walt Disney: « le total des recettes faites au Marignan de Paris pendant les 2 premières semaines est le plus élevé qui ait jamais été réalisé dans ce théâtre pendant la première quinzaine d’un film ». Plus de 300000 spectateurs assistent dans la seule salle du Marignan à la projection de Blanche-Neige en version française!

Quelques mois plus tard, en 1939, l’ancien propriétaire de Pathé et à l’origine du Marignan, Bernard Natan, est arrêté. Il meurt assassiné en 1942 à Auschwitz.

Le Marignan-Pathé réquisitionné en Soldatenkino.

Les succès s’enchaînent au Marignan en cette fin de la décennie 1930, comme Trois valses (Ludwig Berger) le 16 décembre 1938, ou Fric-frac (Maurice Lehmann) le 15 juin 1939. Lorsque le conflit éclate, le Marignan affiche depuis le 25 août 1939 Jeunes filles en détresse (Georg Wilhem Pabst). La salle interrompt ses programmes entre la fin du mois de septembre et jusqu’au 16 décembre de l’année 1939, date à laquelle Pièges (Robert Siodmak), avec le trio Maurice Chevalier, Erich von Stroheim et l’inquiétant Pierre Renoir, débute son exploitation.

Quand les troupes allemandes entrent dans la capitale, le Marignan affiche depuis le 1er mai 1940 De Mayerling à Sarajevo de Max Ophüls. La salle ne rouvre pas aux civils puisqu’elle est rapidement réquisitionnée par l’occupant et transformée, à l’instar du Rex, en Soldatenkino. Dans ces cinémas, seuls les officiers allemands et leurs invités y ont accès. A la Libération, la salle est de nouveau réquisitionnée, cette fois par les alliés et transformée en Allied Troop Theater.

La réouverture du Marignan au public a lieu le 24 septembre 1946 avec La Symphonie pastorale (Jean Delannoy). Immense succès de l’immédiate après-guerre, le film est simultanément présenté au Festival de Cannes où il remporte le Grand Prix des films français et le Grand Prix international d’interprétation pour son actrice Michèle Morgan.

La salle des grandes sorties parisiennes.

Le Marignan fonctionne en tandem avec la salle du Marivaux située sur les grands boulevards. Les parisiens assistent dans la foulée au beau film de Marcel Carné, qui est un échec commercial, Les Portes de la nuit avec Yves Montand. Les deux salles affichent quelques succès comme, le 1er octobre 1947, Quai des Orfèvres (Henri-Georges Clouzot), Aux Yeux du souvenir (Jean Delannoy) le 23 novembre 1948 ou bien deux œuvres d’André Cayatte: Justice est faite le 20 octobre 1950 et Nous sommes tous des assassins le 21 mai 1952. Quelques productions américaines sont présentées au Marignan et au Marivaux comme, le 28 avril 1948, Bambi de Walt Disney dont la première sortie ne renouvelle pas le triomphe de Blanche-Neige.

Pathé Marignan Champs-Elysées

Ci-dessus: les avancées du balcon (1951).

En 1952, le Marignan s’équipe pour la sortie du film de Charles Chaplin Les Feux de la rampe d’un écran unique en France permettant une projection d’une qualité exceptionnelle via le procédé R.C.A. Synchro Screen, d’invention anglaise. « L’avantage de ce procédé, tout en diminuant le désuet cadre noir, de donner un maximum de visibilité au centre du champ visuel et une illumination des contours immédiats de l’image évitant toute perte de visibilité ».

En 1953, les sorties du Marignan sont associées avec celles de l’immense Gaumont-Palace ainsi que du Berlitz pour des films au potentiel commercial importants comme Chantons sous la pluie (Stanley Donen et Gene Kelly) à l’affiche le 11 septembre 1953, Lucrèce Borgia (Christian-Jaque) le 23 octobre, Les Orgueilleux (Yves Allégret) le 25 novembre, Les Aventures de Peter-Pan (Walt Disney) le 23 décembre et, pour l’année 1954, Si Versailles m’était conté (Sacha Guitry) le 10 février ou bien Prince Vaillant (Henry Hathaway) le 6 août.

Ci-dessus: Les Chevalier de la Table-ronde à l’affiche du Pathé Marignan le 22 décembre 1954.

Ci-dessus: Les Misérables (Jean-Paul Le Chanois) à l’affiche du Pathé Marignan le 12 mars 1958.

La salle rejoint ensuite Le Français, installé sur les grands boulevards, pour la sortie d’œuvres comme Obsession (Jean Delannoy) le 28 octobre 1954, le film d’aventure Les Chevaliers de la Table ronde (Richard Thorpe) le 22 décembre, le polar Du rififi chez les hommes (Jules Dassin) le 13 avril 1955, Lola Montès (Max Ophüls) le 23 décembre ou bien le très sombre Voici le temps des assassins (Julien Duvivier) le 13 avril 1956.

En 1957, des travaux de rénovation, sous la direction de l’architecte Vladimir Scob, ont lieu dans le cinéma et sont détaillés par un article qui paraît dans La Cinématographie française: « des tapisseries de soie de verre et d’amiante brun rouge, brochées d’un coq Pathé heureusement stylisé, réalisées par la Société Marocaine de Constructions Mécaniques, revêtent entièrement le « Marignan 1957″. Les velours mohair grenat de la société Quinette ont habillé les fauteuils construits par Bertrand Faure. La Société Tisserand a monté et mécanisé le cadre d’écran et le rideau de velours gris, d’une ampleur majestueuse s’ouvrant à l’italienne sur un écran susceptible de donner une image cinémascopique de 13 mètres de base. Le foyer rénové complété d’un salon bar où pour la première fois sur les Champs-Elysées, le spectateur pourra, en attendant le début de la séance, profiter des programmes de la télévision sur plusieurs téléviseurs Pathé-Cinéma disposés au mieux de son confort ».

Pendant la durée des travaux, les projections se poursuivent, seuls trois jours de fermeture totale sont nécessaires pour finaliser la rénovation du Marignan. Les films à l’affiche, toujours en duo avec le Français, sont principalement des productions françaises comme Les Tricheurs, le nouveau film de Marcel Carné qui y tient l’affiche durant 18 semaines à partir du 10 octobre 1958, Marie-Octobre (Julien Duvivier) est à l’affiche du Marignan ainsi que les productions de prestige comme, durant 16 semaines, Orfeu negro (Marcel Camus) ou, pendant 18 semaines dès le 11 mai 1960 la coproduction Pathé La Douceur de vivre, le film phénomène de Federico Fellini qui arbore alors son titre francisé.

Ci-dessus: vues de la salle rénovée en 1957 avec le coq Pathé sur les tentures murales.

Ci-dessus: Goldfinger (Guy Hamilton) le 17 février 1965. 

Ci-dessus: Le Docteur Jivago (David Lean) le 30 septembre 1966. 

Au milieu des années 1960, la salle affiche des films distribués par la Metro-Goldwyn-Mayer comme Les Révoltés du Bounty (Lewis Milestone) le 21 décembre 1962, Mélodie en sous-sol (Henri Verneuil) le 3 avril 1963 et surtout Le Docteur Jivago (David Lean) proposé pendant 31 semaines en 70 mm, en tandem avec le Richelieu. Deux films de la saga James Bond avec Sean Connery sont programmés au Marignan: Goldfinger (Guy Hamilton) le 17 février 1965 et On ne vit que deux fois (Lewis Gilbert) le 20 septembre 1967.

Vers le complexe multisalles Pathé Marignan-Concorde.

Après une ultime projection le 7 mai 1968 de Reflets dans un œil d’or (John Huston), programmé depuis le 3 avril, Pathé ferme son cinéma des Champs-Elysées pour le restructurer. Deux salles distinctes de 1200 et 490 fauteuils voient le jour au sein du nouvel établissement: elles sont baptisées Marignan et Concorde. Le Film français commente les travaux effectués sous la direction des architectes Vladimir Scob et Jean Touraine: « les travaux ont consisté à ne conserver que les structures essentielles de l’ancien Marignan et de ses dépendances, puis à lancer une dalle en béton précontraint à la hauteur de l’ancien mezzanine. Ainsi furent crées deux volumes superposés : en haut le Nouveau Marignan (1200 places), en bas le Concorde (490 places). Le Marignan d’aujourd’hui comporte orchestre (700 fauteuils) et corbeille (500 fauteuils). Il offre avec un écran de 14m sur 6,50, une visibilité parfaite quelle que soit la place que l’on occupe. Le Concorde a fait l’objet, tant sur le plan technique que sur celui du confort, de soins exceptionnels. La cabine y est automatique, les lanternes à arcs étant remplacées par des lampes au xénon, et la projection est frontale avec un écran de 13m X 6,20m. Le problème de l’isolation phonique entre les deux salles a été résolu grâce à un double traitement, prenant en sandwich le plancher en béton précontraint (…) Les halls, foyers et dégagements ont été eux aussi, entièrement transformés, traités en matériaux noble où le marbre de Carrare et les miroirs s’allient à des décorations de style contemporain. La rotonde, elle a été conçue pour qu’on y trouve l’ambiance d’un bar salon ». 

Pathé Marignan

Ci-dessus: la façade inaugurale du Marignan-Concorde 19 décembre 1968 avec à l’affiche Mayerling (Terence Young) et L’Astragale (Guy Casaril).

Ci-dessus: vue de la salle Marignan, du hall et du foyer (en haut) et de la salle Concorde ainsi que du bar (en bas) en 1968.

Les deux nouvelles salles ouvrent le 18 décembre 1968 avec la première de Mayerling de Terence Young à laquelle assistent Georges Pompidou et Maurice Chevalier. Au Concorde, le premier film projeté est L’Astragale (Guy Casaril) d’après le roman d’Albertine Sarrazin avec Marlène Jobert. Le succès du cinéma Marignan-Concorde se confirme rapidement avec des films comme Erotissimo (Gérard Pirès) le 13 juin 1969, Elle boit pas, elle fume pas, elle drague pas… mais elle cause (Michel Audiard) le 17 avril 1970, Les Diamants sont éternels (Guy Hamilton) le 15 décembre 1971 ou bien Il était une fois la révolution (Sergio Leone) le 29 mars 1972.

L’heure est aux multisalles, des complexes cinématographiques de plusieurs salles sur un même site dont le concept a été initié en partie par l’exploitant et producteur Boris Gourevitch, bâtisseur de « mini-salles » Art et Essai au Quartier latin et créateur en 1969 des trois salles de l’Elysées-Lincoln. En 1974, Vladimir Scob et Jean Touraine ajoutent deux nouvelles salles dans les dépendances du Marignan, tout en conservant les deux autres volumes des salles Marignan et Concorde, mais en réduisant la surface de la rotonde d’origine.

Avec cette extension, le complexe Pathé Marignan-Concorde confirme sa position sur l’avenue des Champs-Elysées. Les travaux sont effectués sans fermer le cinéma grâce à un aménagement de camouflage provisoire des éléments d’accès au chantier que « certains ont même pris pour une nouvelle décoration définitive du hall ! ».

Ci-dessus: vue de la salle « Concorde » en 1968.

Ci-dessus: vue de la salle « Marignan » en 1968.

Pathé Marignan Champs-Elysées

Ci-dessus: vue de la salle « Marignan » en 1968.

Ci-dessus: le hall rénové du Pathé Marignan-Concorde en 1968.

Ci-dessus: le foyer rénové en 1968.

Ci-dessous: le bar en 1968.

Ci-dessous: l’accès au bar.

Pathé Marignan

Ci-dessus: le Pathé en 1972, avec ses trois salles Marignan, Concorde 1 et Concorde 2.

Ci-dessous: la salle 4 en 1974.

Ci-dessus: la façade du complexe en 1983.

Au courant des années 1970, la grande salle du Marignan est divisée en deux salles. Le complexe Pathé Marignan-Concorde compte désormais six salles et attire en masse le public grâce aux projections 70 mm de La Guerre des étoiles (Georges Lucas) le 19 octobre 1977, de Alien (Ridley Scott) ou bien Gremlins 2 (Joe Dante) le 22 août 1990.

Le Pathé Marignan-Concorde renommé Gaumont Champs-Elysées Marignan.

En raison d’un accord de cession et d’échange de salles de cinéma à Paris et en province entre les circuits Gaumont et Pathé, le Marignan-Concorde revient à Gaumont dès le mois de janvier 1992. La firme à la marguerite l’associe bientôt à son complexe Gaumont Ambassade situé en face. Le Pathé est renommé Gaumont Champs-Elysées Marignan et l’Ambassade Gaumont Champs-Elysées Ambassade.

Décoré par Christian Lacroix, l’ancien cinéma Pathé des Champs-Elysées conserve encore aujourd’hui certains de ses éléments Art déco d’origine comme les grands escaliers, les rampes en cuivre ainsi que le bar au sous-sol. Le Gaumont Champs-Elysées Marignan continue de faire l’événement grâce aux récentes projections, au format 70 mm de la grande salle du sous-sol – qui n’est autre que l’ancien Concorde – du film de Quentin Tarantino Les Huit salopards le 6 janvier 2016 et Dunkerque de Christopher Nolan le 19 juillet 2017.

Le 21 juin 2019, c’est l’acteur Christopher Walken qui, dans le cadre du Champs-Elysées Film Festival, effectue sa Master Class dans la salle du Gaumont Champs-Elysées Marignan.

Ci-dessus: l’ancien Pathé Marignan-Concorde, devenu Gaumont Champs-Elysées Marignan.

L’aventure d’un des cinémas les plus luxueux de la capitale se termine le soir du 3 décembre 2023, après 90 ans d’activité.


Portfolio.

Pathé Marignan Champs-Elysées

Ci-dessus: La Kermesse Héroïque (Jacques Feyder) du 6 décembre 1935 au 6 février 1936.

Pathé Marignan Champs-Elysées

Ci-dessus: décoration du hall pour le film La Kermesse héroïque

Pathé Marignan Champs-Elysées

Ci-dessus: décoration da la façade pour le film La Kermesse héroïque

Pathé Marignan Champs-Elysées

Ci-dessus: Le Roman d’un tricheur (Sacha Guitry) du 9 septembre au 20 octobre 1936.

Pathé Marignan Champs-Elysées

Ci-dessus: première du Roman d’un tricheur le 8 septembre 1936.

Pathé Marignan Champs-Elysées

Ci-dessus: Port-Arthur (Nicolas Farkas) du 11 au 30 décembre 1936.

Pathé Marignan Champs-Elysées

Ci-dessus: Le Messager (Raymond Rouleau) du 2 au 29 septembre 1937.

Pathé Marignan Champs-Elysées

Ci-dessus: la façade décorée lors de la visite du roi George VI à Paris du 19 au 22 juillet 1938 avec à l’affiche Blanche-Neige et les sept nains (Walt Disney).

Pathé Marignan Champs-Elysées

Ci-dessus: devant le Paramount, publicité pour la sortie au Marignan le 21 octobre 1938 du Drame de Shanghaï (Georg Wilhelm Pabst).

Pathé Marignan Champs-Elysées

Ci-dessus: Toute la ville danse (Julien Duvivier) du 10 mars au 20 avril 1939.

Pathé Marignan Champs-Elysées

Ci-dessus: Le Bataillon du ciel (Alexandre Esway) du 5 mars au 20 mai 1947 – photo Fondation Pathé.

Pathé Marignan Champs-Elysées

Ci-dessus: La Belle que voilà (Jean-Paul Le Chanois) du 19 avril au 29 mai 1950.

Pathé Marignan Champs-Elysées

Ci-dessus: Fille dangereuse (Guido Brignone) du 29 mai au 18 juin 1953 – photo Fondation Pathé.

Pathé Marignan Champs-Elysées

Ci-dessus: Obsession (Jean Delannoy) du 28 octobre au 7 décembre 1954.

Pathé Marignan Champs-Elysées

Ci-dessus: vitrine avec à l’affiche Les héros sont fatigués (Yves Ciampi) à l’affiche du 26 octobre au 29 novembre 1955.

Pathé Marignan Champs-Elysées

Ci-dessus: Crime et châtiment (Georges Lampin) du 4 au 23 décembre 1956.

Pathé Marignan Champs-Elysées

Ci-dessus: les ouvreuses en 1957.

Pathé Marignan Champs-Elysées

Ci-dessus: Toi, le venin (Robert Hossein) du 27 mars au 23 avril 1959.

Pathé Marignan Champs-Elysées

Ci-dessus: À double tour (Claude Chabrol) le 4 décembre 1959.

Pathé Marignan Champs-Elysées

Ci-dessus: Le Trou (Jacques Becker) du 18 mars au 14 avril 1960 – Fondation Pathé.

Pathé Marignan Champs-Elysées

Ci-dessus: La Nuit de l’Iguane (John Huston) du 20 novembre au 3 décembre 1964.

Pathé Marignan Champs-Elysées

Ci-dessus: Un Homme pour l’éternité (Fred Zinnemannun) du 3 mai 19 septembre 1967.

Pathé Marignan Champs-Elysées

Pathé Marignan Champs-Elysées

Pathé Marignan Champs-Elysées

Pathé Marignan Champs-Elysées

Ci-dessus: les différents formats de projection en 1954: 1.33 :1, 1.37 : 1, 1.66 : 1 et Cinémascope 2.55 : 1.

Pathé Marignan Champs-Elysées

Ci-dessus: plaque de verre publicitaire.

Voir l’article sur le Gaumont Champs-Elysées.

Voir tous les cinémas des Champs-Elysées.

Textes: Thierry Béné.
Documents: La Cinématographie française, Le Film français, Gallica BnF, revue Pathé Magazine, Fondation Jérôme Seydoux-Pathé, collection particulière.