Adresse: 65 rue Saint-Didier à Paris (XVIème arrondissement)
Nombre de salles: 1
Une des salles de quartier les plus emblématiques du XVIème arrondissement de Paris est créée par la société Pathé-Natan au début des années 1930 au sein d’un immeuble situé à l’angle de la rue Saint-Didier et de la rue des Belles-Feuilles, face à l’actuelle place Jean Monnet que traverse l’élégante avenue Victor-Hugo. Le Victor-Hugo Pathé, à ne pas confondre avec le cinéma Saint-Didier ouvert en 1937, est intégré au sous-sol de l’étonnant immeuble de béton imaginé par les architectes Jean Charavel et Marcel Melendès, la salle étant l’œuvre d’Eugène Bruyneel, architecte en chef chez Pathé-
Le quotidien culturel Comœdia du 18 janvier 1931 revient sur l’ouverture du Victor-Hugo Pathé dans un article de Jean-Pierre Liausu: « Il s’agissait d’utiliser un terrain triangulaire, au demeurant assez réduit, si réduit même que les établissements Pathé-Natan n’avaient pas songé primitivement que ce terrain pût servir à la construction d’un immeuble contenant un cinéma (…) Notre surprise fût grande en entrant dans la salle de voir les fauteuils d’orchestre. Ceux-ci vont en pente de l’écran vers l’orchestre: le sol a été remonté du côté de l’écran, le point bas se trouvant au fond de la salle. C’est la première fois qu’une disposition de cet ordre est prise dans un cinéma; elle donne à la salle un aspect particulier, extrêmement curieux (…) La décoration de la salle est volontairement simple, ce qui ne diminue pas son aspect luxueux, l’effet décoratif ayant été recherché dans des oppositions de nuances et des proportions harmonieuses. Du plafond en coquille une lumière indirecte tombe et semble s’amalgamer aux choses afin de concentrer l’intérêt sur le cadre de scène. La disposition des fauteuils fait croire à l’existence de deux salles: les fauteuils d’orchestre et le balcon. Le balcon est une autre salle, avec sa gracieuse corbeille et l’étage qui la suit. Les murs sont revêtus d’une couche de simili cuir, étudiés pour l’acoustique. Sur leur fond vert-mastique se détachent et brillent les rampes de cuivre aux aériennes géométries. Le cadre de scène placé dans la pointe du terrain se trouvait un peu étriqué; on a remédié à cet aspect, qui aurait pu être désagréable, par la forme courbe des rideaux qui donnait plus d’ampleur à ce motif: cette forme courbe donne également la place nécessaire pour ouvrir le rideau: on a tenu cependant à laisser une partie visible du rideau pour l’aspect décoratif tout en démasquant l’écran pour la projection. Un second rideau portant un coq brodé rend moins brutale l’ouverture du rideau de velours sur l’écran blanc et noir ».
Ci-dessus: la nouvelle salle Pathé-Natan paraît dans Comœdia le 17 janvier 1931.
Ci-dessus: la salle du Victor-Hugo Pathé en 1931.
Ci-dessus: la salle et son rideau brodé à l’effigie du coq Pathé.
Ci-dessus: le hall avec l’escalier menant à l’orchestre en sous-sol.
Pour lancer le cinéma de l’avenue Victor-Hugo, la direction choisit L’homme qui assassina, une production des Établissements Braunberger-Richebé réalisée par Jean Tarride et Curtis Bernhardt et interprétée par Marie Bell et Jean Angelo. Ce « grand film parlé français » est présenté en tandem avec le Marivaux-Pathé, le prestigieux cinéma des Grands boulevards.
La quotidien La Liberté du 24 janvier 1931 commente la visite d’inauguration organisée pour la presse par la société de Bernard Natan: « Au Victor-Hugo Pathé, une réception intime a eu lieu dans cette salle à la fois sobre et riche, où les représentants de la maison Pathé-Natan ont reçu les journalistes, tant corporatifs que quotidiens. MM Charavel et Melendès, les architectes, ont réussi à caser 809 excellentes places dans une superficie de 480 mètres carrés, ce qui constitue un joli tour de force. Insistons aussi sur la beauté des lignes de cette salle, qui laisse voir pour notre grande joie des lignes nerveuses rehaussées de belles couleurs, et sa structure intime qui affronte victorieusement la redoutable épreuve de la nudité. « Ce qui est utile est beau » dit un aphorisme moderne. Le Victor-Hugo Pathé ne cherche pas la beauté dans des « enjoliveuses », mais dans la richesse de la matière et la sobre et puissante harmonie de sa coupe. On fit entendre aux invités un morceau de musique « interprété » par le pick-up et nous assistâmes à la projection des actualités Pathé-Natan de la semaine. Ce qui nous permit de juger de l’excellence de la vision, de la reproduction sonore et de l’acoustique de cette salle. Une coupe de champagne au bar termina agréablement cette visite ».
De son côté, le quotidien illustré Excelsior du 18 janvier 1931 commente brièvement le gala d’inauguration présidé par M. Aimé Berthod sous-secrétaire d’Etat aux Beaux-arts: « Une élégante assistance se pressait ce vendredi soir dans la nouvelle salle du Victor-Hugo Pathé dont c’était l’inauguration (…) L’Homme qui assassina, le film d’ouverture de ce théâtre a été fort bien accueilli et Mme Marie Bell, de la Comédie Française, M. Jean Angelo, M. Gabriel Gabrio et M. Maxudian, furent longuement applaudis.
Ci-dessus: L’Homme qui assassina, le premier film projeté au Victor-Hugo Pathé en exclusivité avec le Marivaux-Pathé.
Ci-dessus: Les Amours de minuit coréalisé par Augusto Genina et Marc Allégret, une production des Etablissements Braunberger-Richebé.
Le Victor-Hugo Pathé, une salle de quartier et des films de seconde exclusivité.
Malgré le film inaugural diffusé en sortie exclusive, le Victor-Hugo Pathé demeure une salle de seconde exclusivité: les films arrivent à l’affiche le lendemain du dernier jour d’exclusivité d’une grande salle des Champs-Elysées ou des Grands boulevards, parfois durant la dernière semaine d’exclusivité. Le Mystère de la chambre jaune de Marcel L’Herbier, qui sort au Marivaux-Pathé le 10 février 1931, est programmé au Victor-Hugo Pathé le 6 mars alors que le film entame sa quatrième et dernière semaine d’exploitation dans la salle du boulevard des Italiens. Par la suite, dès le 20 mars, la sortie générale de l’adaptation cinématographique de Gaston Leroux a lieu dans les salles de quartier du circuit Pathé: le Mozart, le Louxor, le Lyon, le Saint-Marcel, le Métropole et le Sélect.
Plus tard, Azaïs de René Hervil interprété par Max Dearly, l’une des grandes vedettes des années 1930, sort conjointement aux Max-Linder Pathé et Victor-Hugo dès le 13 novembre, après une exclusivité dans la salle du prestigieux Colisée des Champs-Elysées.
Le Victor-Hugo propose également les productions des studios Pathé-Natan, en seconde exclusivité ou, parmi les autres salles du circuit, en sortie générale. Ainsi, lorsqu’on pousse les portes du cinéma de l’avenue Victor-Hugo, on découvre à cette période sur son écran, entre autres, Mon gosse de père de Jean de Limur le 10 avril 1931, Monsieur le duc du même réalisateur le 3 juillet 1931, Lévy et Cie d’André Hugon le 4 septembre 1931, Le Rêve de Jacques de Baroncelli le 25 septembre 1931, Gloria de Hans Behrendt et Yvan Noé avec Brigitte Helm et le jeune Jean Gabin le 27 novembre 1931, la superproduction Les Croix de bois de Raymond Bernard le 1er juillet 1932, l’adaptation de Georges Simenon La Tête d’un homme par Julien Duvivier le 15 juillet 1932, Les Gaîtés de l’escadron de Maurice Tourneur le 2 décembre 1932 ou bien l’adaptation de Victor Hugo Les Misérables par Raymond Bernard dont les trois parties sont proposées les 16, 23 et 30 mars 1934.
Ci-dessus: programme des théâtres Pathé-Natan la semaine du 27 février 1931. Les salles Max Linder, Moulin-Rouge Cinéma, Ermitage, Royal, Victor-Hugo, Omnia et Lutetia sont intégrées au circuit Pathé-Natan.
En ces premières années de la décennie 1930, le Victor-Hugo Pathé joue également un certain nombre de films produits par Les Films Osso, une société de production créée par Adolphe Osso: Circulez ! de Jean de Limur le 4 décembre 1931 ou Le Chanteur inconnu de Victor Tourjanski le 8 janvier 1932. La production musicale de la UFA (Universum Film AG) Le Chemin du paradis de Wilhelm Thiele et Max de Vaucorbeil, dont la chanson Avoir un bon copain interprétée par Henri Garat est un succès, bénéficie également de l’écran du Victor-Hugo Pathé le 10 juillet 1931.
En 1933, le quotidien Excelsior du 8 octobre annonce la prolongation d’exclusivité de Lady Lou de Lowell Sherman dont le rôle-titre est incarné par le sex-symbol Mae West: « Après avoir fourni à l’écran du Raspail-216 une merveilleuse carrière de 24 semaines d’exclusivité, Lady Lou passe maintenant au Victor-Hugo Pathé en version originale avec sous-titres français. Ce film qui a valu à son interprète Mae West tous les suffrages du public, retrouve dans la jolie salle de l’avenue Victor-Hugo la faveur des spectateurs ». D’autres films étrangers sont à l’affiche de la salle comme A l’Ouest, rien de nouveau de Lewis Milestone, Cœurs brûlés (Morocco) de Josef von Sternberg avec Marlene Dietrich et Gary Cooper le 5 février 1932 ou bien La Vie privée d’Henry VIII d’Alexander Korda le 27 avril 1934.
Au mitan des années 1930, les jeunes spectateurs sont déjà les bienvenus au cinéma: le Victor-Hugo conçoit un programme assez précurseur et qui, trente ans plus tard, sera comparable aux « Matinées Jeunesse & Famille ». Ainsi, le jeudi 7 février 1935 à 14h30, « le cinéma des écoliers donne une matinée gaie, réservée aux jeunes spectateurs. Au programme, un film de neige documentaire, un comique et un Mickey ». Le vendredi 29 mars 1935, les actionnaires de la Société Pathé-Cinéma, le nouveau nom des Etablissement Pathé-Frères, sont convoqués en assemblée générale annuelle dans la salle du Victor-Hugo. Il est précisé que « tous les actionnaires propriétaires de 25 actions au moins de la catégorie A ou de la catégorie B ont le droit d’assister à cette assemblée. Les propriétaires d’un nombre d’actions de même catégorie, inférieur à 25 peuvent se réunir pour former ce chiffre et se faire représenter par l’un d’eux ».
A partir de 1936, alors qu’il est intégré pour les sorties générales aux autres cinémas du circuit Pathé, le Victor-Hugo propose, à l’instar d’un grand nombre de salles de quartier, une affiche avec un double programme. La plupart du temps, ce double programme comporte un film français et un film anglo-saxon en version originale sous-titrée. Parmi eux, nous pouvons retenir Vogue, mon cœur de Jacques Daroy programmé avec Les 39 Marches d’Alfred Hitchcock, Le Mioche de Léonide Moguy avec Sur les ailes de la danse de George Stevens le 15 janvier 1937, Adieu Paris, bonjour New York de Leigh Jason avec Pépé le Moko de Julien Duvivier le 8 octobre 1937, L’Impossible Monsieur Bébé de Howard Hawks avec Le Petit Chose de Maurice Cloche le 16 septembre 1938.
Ci-dessus: à gauche, la sortie générale des Enfants du Paradis la semaine du 6 février 1946. A droite, quelques années plus tôt, Le Mystère de la chambre jaune sort au Victor-Hugo 6 mars 1931.
Ci-dessus: Les Perles de la couronne coréalisé par Sacha Guitry et Christian-Jaque à l’affiche du Victor-Hugo Pathé le 15 octobre 1937.
La guerre éclate. Cette semaine-là, l’affiche du Victor-Hugo Pathé annonce Jules Berry et Pierre Larquey donnant la réplique à Betty Stockfeld dans Son oncle de Normandie réalisé par Jean Dréville. Alors que les heures sombres de l’Occupation commencent et que la plupart des cinémas restent ouverts, la loi du 26 octobre 1940 ne permet plus le double programme. Le Victor-Hugo maintient sa spécificité de salle de quartier avec une programmation de films en sortie générale.
Intégrée aux autres salles de quartier du réseau Pathé, le Victor-Hugo joue, parmi d’autres, la production allemande Les Mains libres de Hans Schweikart le 26 février 1941, Battement de cœur de Henri Decoin avec Danielle Darrieux le 24 septembre 1941, La Fille du puisatier de Marcel Pagnol avec Raimu et Fernandel le 8 octobre 1941, Madame Sans-Gêne de Roger Richebé avec Arletty le 11 février 1942, Remorques de Jean Grémillon avec Jean Gabin et Michèle Morgan le 22 avril 1942, le grand succès Pathé Pontcarral, colonel d’Empire de Jean Delannoy avec Pierre Blanchar le 28 avril 1943 ou bien Le Corbeau de Henri-Georges Clouzot pour la Continental-Films le 22 mars 1944.
A la Libération, le Victor-Hugo Pathé conserve son statut de salle de quartier pour la sortie générale des films Pathé comme, bien sûr, Les Enfants du paradis de Marcel Carné le 6 février 1946 dont les deux époques sont données au cours d’une séance avec un prix de place doublé, ou bien La Symphonie Pastorale de Jean Delannoy le 7 décembre 1946. Les productions américaines, invisibles durant l’Occupation, occupent une part importante de la programmation des salles de cinéma. Parmi les films dont la sortie générale est effectuée au Victor-Hugo comme dans les salles du circuit Pathé, sont annoncées Fantasia de Walt Disney le 19 mars 1947, Saludos Amigos des studios Disney présenté avec le documentaire Farrebique de Georges Rouquier le 20 mai 1947, le premier film américain d’Alfred Hitchcock Rebecca le 28 janvier 1948 et Les Enchaînés du même réalisateur le 12 mai 1948.
Ci-dessus: line-up des productions Pathé pour la saison 1943-1944 avec notamment Premier de cordée et Les Enfants du paradis.
Ci-dessus: les salles du circuit Pathé en 1942.
Ci-dessus: La Maison du Docteur Edwardes d’Alfred Hitchcock avec Gregory Peck et Ingrid Bergman en sortie générale au Victor-Hugo ainsi que dans les salles Radio-Ciné Montmartre, Pereire-Palace, Mozart, Lutetia, Sélect, Louxor, Chezy et Palais des Arts.
Durant les années 1950, les productions des studios français occupent de nouveau l’écran du Victor-Hugo comme Les Anciens de Saint-Loup de Georges Lampin le 7 mars 1951, Le Château de verre de René Clément avec Jean Marais et Michèle Morgan le 21 mars 1951, La Môme vert-de-gris de Bernard Borderie avec Eddie Constantine le 28 octobre 1953, L’Air de Paris de Marcel Carné avec Arletty et Jean Gabin le 29 décembre 1954, Michel Strogoff de Carmine Gallone le 6 mars 1957 ou Le Triporteur de Jacques Pinoteau avec Darry Cowl le 12 mars 1958.
Pendant un mois, du 23 juillet au 20 août 1958, le Victor-Hugo Pathé baisse son rideau pour effectuer des travaux de rénovation, dont la modification de l’éclairage de la façade et l’installation de nouvelles enseignes. La revue Pathé-Magazine dans son numéro 18 évoque ces transformations: « L’immeuble du cinéma se trouve en retrait par rapport à l’avenue Victor-Hugo et se présente comme la proue d’un navire. Il a semblé intéressant de faire porter l’effort maximum d’attraction lumineuse sur le pan coupé arrondi de la façade. L’installation comporte un texte « Victor-Hugo Pathé » en lettres d’un type nouveau réalisées en Plexiglas. Les faces des lettres sont en plexiglas blanc opale et les épaisseurs de couleur jaune. Ces inscriptions sont rendues lumineuses d’une façon parfaitement uniforme au moyen de tubes fluorescents blancs épousant à l’intérieur la forme des lettres. Le texte « Victor-Hugo Pathé » repose sur un bandeau lumineux réalisé également en plexiglas jaune pour la face et blanc pour l’épaisseur. Ce bandeau, qui accuse l’architecture arrondie de la façade, se prolonge sur les deux côtés jusqu’aux extrémités limitant la façade. Surmontant le tout, le « Coq Pathé », réalisé en tubes fluorescents blancs, la crête étant en rouge, est entouré d’un cercle en tubes fluorescents jaune d’or, disposés dans une moulure en plexiglas jaune, en harmonie avec le bandeau lumineux de la marquise ».
Ci-dessus: nouvel éclairage de la façade en 1958.
Ci-dessus: Le Monocle rit jaune de Georges Lautner avec Paul Meurisse et Robert Dalban à l’affiche du Victor-Hugo pour les fêtes de fin d’année en 1964.
Un nouveau film chaque semaine est proposé aux spectateurs du cinéma de l’avenue Victor-Hugo dans les années 1960. On retient, en seconde exclusivité, Les Tricheurs de Marcel Carné le 20 janvier 1960 après une exclusivité au Marignan-Pathé, La Vache et le Prisonnier de Henri Verneuil le 30 mars 1960, La Belle au bois dormant des studios Disney le 20 avril 1960, Exodus d’Otto Preminger le 4 octobre 1961, Léon Morin, prêtre de Jean-Pierre Melville avec Jean-Paul Belmondo le 4 janvier 1962, Le Crime ne paie pas de Gérard Oury le 24 octobre 1962, Hatari ! de Howard Hawks avec John Wayne et Elsa Martinelli le 13 janvier 1963, Lawrence d’Arabie de David Lean le 14 février 1964, La Cuisine au beurre de Gilles Grangier avec Fernandel et Bourvil le 1er avril 1964, La Poursuite impitoyable d’Arthur Penn le 19 octobre 1966, La Grande vadrouille de Gérard Oury le 31 mai 1967, Les Grandes vacances de Jean Girault le 5 avril 1968, Quand les aigles attaquent de Brian G. Hutton le 11 juin 1969 ou La Sirène du Mississipi de François Truffaut le 14 octobre 1969.
Le Pathé Victor-Hugo, un cinéma d’exclusivité dans une salle rénovée.
Lorsque la presse corporative annonce au printemps 1970 la création du groupement d’intérêt économique des salles Gaumont et Pathé, le Victor-Hugo semble s’orienter vers une fermeture définitive: la salle programme alors des reprises de films déjà sortis depuis plusieurs mois, voire plusieurs années comme Mélodie en sous-sol de Henri Verneuil (1963) le 18 février 1970, La Grande Évasion (1963) de John Sturges le 25 février 1970, Vivre pour vivre (1967) de Claude Lelouch le 8 avril 1970, La Planète des singes (1968) de Franklin J. Schaffner le 25 mai 1970 ou Les Aventuriers (1967) de Robert Enrico le 10 juin 1970. Une ultime projection de la reprise du film de Denys de La Patellière Le Tonnerre de Dieu (1965) a lieu le mardi 23 juin 1970, avant la fermeture du cinéma qui subit d’importantes transformations.
Cinq mois plus tard, le duo d’architectes Vladimir Scob et Jean Touraine dévoile le nouveau cinéma Victor-Hugo Pathé. Œuvrant déjà avant-guerre à la construction ou rénovation de cinémas parisiens comme l’Olympia, le Biarritz, le Max Linder et le Marivaux, Vladimir Scob est également à l’origine de la reconstruction du cinéma Rialto à Nice à la fin des années 1950 et de la rénovation du Pathé Wepler en 1969. Quant à Jean Touraine, il participe, avec Vladimir Scob, à la restructuration en 1968 des deux salles du Pathé Marignan-Concorde des Champs-Elysées et, en 1970, du Pathé Paris à Nice.
En décembre 1970, le Pathé Victor-Hugo rouvre ses portes: la salle rénovée de 300 fauteuils possède désormais le statut de salle d’exclusivité et intègre la combinaison des sorties de films aux cinémas Pathé Marignan-Concorde, Richelieu, Montrouge du quartier Alésia, Danton et Pathé Wepler. Le film de Terence Young De la part des copains avec Charles Bronson inaugure le nouvel écran. Le Film français du 18 décembre de la même année revient sur les transformations du cinéma: « Le Victor-Hugo avait une capacité de 500 places réparties sur deux niveaux: orchestre et balcon; ce dernier étant de plein pied avec les rues Saint-Didier et des Belles Feuilles. C’est cette dernière donnée qui, précisément, a motivé tout le parti de composition. C’est ainsi qu’un plancher armé a été établi au niveau des voies extérieures, ce qui a permis de libérer tout le volume supérieur. La salle nouvelle n’occupant que le volume inférieur correspondant à l’ancien orchestre. C’est là un exemple d’une bonne utilisation des surfaces jugées excédentaires. Le Victor Hugo ainsi rénové comporte, outre la salle proprement dite, un bar, un foyer et un hall d’entrée (dont le sol est traité en marbre Perlatto) qui fait pour ainsi dire, partie de la rue (…). La salle a été traitée dans les tons châtaigne pour les murs et les fauteuils et tilleul pour les revêtements de sols et plafonds. Les parois latérales sont très largement perforées et assorties d’une doublure lumineuse qui fait baigner la salle dans un éclairage indirect très doux, et uniformément réparti ».
Ci-dessus: la salle rénovée du Victor-Hugo Pathé en 1970. Ramenée à une capacité de 300 fauteuils, le balcon est supprimé.
Alors que le film de truands Comptes à rebours de Roger Pigaut est à l’affiche du Victor-Hugo, la presse annonce qu’un cambriolage a lieu dans la nuit du 7 février 1971 au Victor-Hugo ainsi que sur les Champs-Elysées, dans les salles du Pathé Marignan-Concorde et du Mercury. Ce qui n’empêche en rien la salle de l’avenue Victor-Hugo de poursuivre sa programmation de films en exclusivité comme Le Souffle au cœur de Louis Malle avec Lea Massari le 5 mai 1971, Boulevard du rhum de Robert Enrico avec Brigitte Bardot et Lino Ventura le 12 octobre 1971, Les Diamants sont éternels de Guy Hamilton avec Sean « 007 » Connery le 17 décembre 1971, Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil de Jean Yanne le 5 mai 1972, Le Magnifique de Philippe de Broca avec Jean-Paul Belmondo le 29 novembre 1973, Vincent, François, Paul… et les autres de Claude Sautet le 2 octobre 1974, L’Aile ou la cuisse de Claude Zidi le 27 octobre 1976, L’Animal du même réalisateur le 5 octobre 1977 ou bien Robert et Robert de Claude Lelouch le 14 juin 1978.
Au courant des années 1970, le développement des complexes cinématographiques dotés de plusieurs salles favorise une diffusion plus large des films que ce soit à Paris ou en banlieue. Les cinémas mono-écran comme le Pathé Victor-Hugo, moins attractifs que les multisalles, subissent mécaniquement une baisse de leurs spectateurs. Certains succès du box-office permettent cependant d’assurer aux salles de quartier la poursuite de leurs activités. Au Victor-Hugo, ils s’appellent Le Guignolo de Georges Lautner le 26 mars 1980, La Banquière de Francis Girod le 27 août 1980, Le Professionnel de Georges Lautner le 21 octobre 1981 ou bien L’Été meurtrier de Jean Becker le 11 mai 1983. Mais le nombre des entrées chute progressivement et des films comme La Vengeance du serpent à plumes de Gérard Oury le 28 décembre 1984, Witness de Peter Weir le 22 mai 1985 ou bien Out of Africa de Sydney Pollack le 2 avril 1986 ne tiennent pas leurs promesses dans la salle du Victor-Hugo.
La fermeture définitive du cinéma est décidée. Au soir de la dernière projection, le 29 juillet 1986, avec la reprise de Barry Lyndon de Stanley Kubrick, le rideau du Pathé Victor-Hugo est tiré. Et ne rouvre pas le lendemain, après cinquante-cinq ans d’images projetées et d’émotions partagées. Un commerce alimentaire occupe l’ancienne salle de l’avenue Victor-Hugo. Depuis que le Saint-Didier voisin et le Mayfair-Pathé ont également fermé leurs portes, le premier en 1960 et le second en 1988, et que le Ranelagh est désormais consacré au théâtre, un seul cinéma subsiste dans l’arrondissement, le Majestic Passy.
Ci-dessus: aujourd’hui, la salle de cinéma en sous-sol est occupée par un commerce; le bar à l’étage par une banque.
Ci-dessus: les architectes Jean Charavel et Marcel Melendès ont dessiné l’immeuble du 65 rue Saint-Didier.
Remerciements: M. Thierry Béné.
Documents: L’Architecture d’aujourd’hui, La Cinématographie française, Le Film, Le Film français, revue Pathé-Journal, Gallica-BnF, France-Soir, Collection particulière.
Oui lieu et immeuble exeptionnel ! Le temps de PATHE NATAN est bien loin !
Article très riche en photos et annonces de films !
Je retrouve des noms de salles que j’ai fréquentées dans les années 60 et 70 et qui ont disparu
( Omnia , Demours , Moulin Rouge , Excelsior )
Nostalgie de toutes ces salles de quartier
Bonne continuation pour toutes ces salles disparues et souvent transformées en supermarchés
Superbe article.
Cet immeuble est vraiment une merveille architecturale; quel dommage que ce soi un commerce de surgelés à la place de la salle…
Jean-Charles