Adresse: 102 avenue des Champs-Elysées à Paris (8ème arrondissement)
Nombre de salles: 1
Parmi les cinémas mono-écran qui jalonnaient l’avenue des Champs-Elysées, le Mercury tient une place privilégiée. C’est un luxueux cinéma qu’ouvre en 1959 son propriétaire M. Rigal au sous-sol d’un nouvel immeuble de neuf étages construit en remplacement d’un des derniers hôtels particuliers de l’avenue.
La création de la salle du Mercury est confiée à Georges Peynet, « l’architecte des cinémas » qui imagine une belle salle de 500 fauteuils. L’inauguration du Mercury est annoncée pour le 18 mars 1959. C’est la comédie – aujourd’hui tombée dans les oubliettes – Bobosse avec Micheline Presle et François Périer qui ouvre le bal.
La revue La Cinématographie française décrit ainsi la façade du Mercury: « encadrée de deux contreforts de bleu turquin et couronnée par une marquise en métal doré dont l’envers formant le ciel est constellé de points lumineux. Elle est finement soulignée d’une rive lumineuse portant l’enseigne Mercury en laiton verni. Quelques marches de blanc de Grecque mènent à l’orchestre. Dans cet escalier les spectateurs peuvent découvrir une remarquable tapisserie de Jean-Denis Malclès d’après une scène de la Commedia dell’arte où Pierrot, Colombine et Arlequin conduisent le spectateur vers la salle ».
Il est à noter que le peintre et décorateur Malclès est célèbre pour ses affiches de cinéma dont celle de La Belle et la bête (1946) de Jean Cocteau.
Après le Richelieu et la même année que l’Ambassade, c’est donc Georges Peynet qui est à l’œuvre du Mercury et qui commente sa nouvelle création: « la salle est un vaste salon s’ouvrant sur une scène extérieure. Le plafond de la salle semble être un immense velum qui s’accroche aux points hauts des tentures en laissant voir le ciel entre ses découpes. Cet ensemble a été traité en tonalités chaudes de jaune or et rouge oriental. Le gris des fauteuils à grand confort s’harmonise heureusement aux moquettes rouge oriental foncé recouvrant le sol ».
Enfin, les luminaires ont été confiés au maitre-verrier Max Ingrand qui a réalisé les fontaines des Champs-Elysées. L’écran du Mercury est masqué par un rideau à la grecque qui s’ouvre sur un écran panoramique de 8 x 3,50 mètres
Ci-dessus: vues de la salle, du hall, des lustres et de la cabine de projection du cinéma Mercury en 1959.
Le film du jeune Jean-Pierre Mocky Les Dragueurs est un triomphe: il tient dix-neuf semaines à l’affiche du seul Mercury. La programmation du cinéma est couplée pour les exclusivités de prestige avec celle du cinéma Madeleine. Ainsi, le 19 septembre 1960, La Garçonnière de Billy Wilder est joué dans les deux cinémas. tout comme, dès le 2 décembre 1960, Zazie dans le métro de Louis Malle.
Le Mercury affiche au fil des ans de grands succès commerciaux tels La Belle américaine de Robert Dhéry qui est joué dix-sept semaines à partir du 30 septembre 1961. Suivent notamment La Grande évasion de John Sturges le 23 août 1963, L’Homme de Rio de Philippe de Broca le 26 avril 1964, Le Corniaud de Gérard Oury le 24 mars 1965 et Le Tonnerre de Dieu de Denys de la Patellière le 8 septembre 1965.
Ci-dessus: à l’affiche du Mercury, Et Satan conduit le bal de Roger Vadim en octobre 1962.
Ci-dessus: à l’affiche du Mercury, Les Animaux de Frédéric Rossif en décembre 1963.
Ci-dessus: à l’affiche du Mercury, La Dernière bagarre de Ralph Nelson en juin 1964.
Le 70 mm débarque au Mercury le 30 novembre 1964 avec le film de John Ford Les Cheyennes puis Le Plus grand cirque du monde réalisé par Henry Hathaway le 9 décembre de la même année.
Les salles des Champs-Elysées organisent de grandes premières au cours des années 1960. Aussi, le 16 mai 1963, Bette Davis assiste-t-elle au Mercury à la soirée de gala du film de Robert Aldrich Qu’est-il arrivé à Baby Jane?.
Dans le courant des années 1970 le Mercury perd de son prestige avec une programmation de films moins importants. La salle est finalement reprise par le circuit Parafrance des frères Jo et Samy Siritzky, ceux-là même qui exploitent les cinémas Paramount ainsi que d’autres salles comme le Publicis Saint-Germain.
Le Mercury prend le nom de Paramount-Mercury mais la salle amorce cependant son lent déclin. Au début des années 1980, des films pour le jeune public comme Journal d’une maison de correction (Georges Cachoux) avec la jeune Eva Ionesco à l’affiche au Mercury le 4 juin 1981 ou bien la comédie Une Glace avec deux boules de Christian Lara programmé le 17 mars 1982 trouvent leur public dans d’autres quartiers parisiens.
Ci-dessus: le Mercury en 1982.
La salle tente néanmoins de surfer sur le nouvel attrait du 70 mm lié au triomphe du Kinopanorama en programmant dans ce format Poltergeist de Tobe Hooper le 20 octobre 1982 ou bien L’Emprise de Sydney J. Furie le 23 février 1983.
Le Mercury ne résiste pas au démembrement de l’exploitant Parafrance et baisse définitivement son rideau le 23 juin 1987 après une ultime projection du chef d’œuvre de Jean-Jacques Annaud Le Nom de la rose.
La salle est transformée en boîte de nuit: le Queen, inauguré en 1992, devient un des hauts lieux des soirées parisiennes jusqu’à sa fermeture le 31 août 2015.
Remerciements: M. Thierry Béné.
Documents: La Cinématographie française, Cinémas de France.
Ci-dessus: ce soir là de 1965 au Mercury, on fête le 500 000ème spectateur parisien du Tonnerre de Dieu.
Ci-dessus: Le Tonnerre de Dieu de Denys de la Pattelière au Mercury ainsi qu’au Madeleine, à l’ABC, au Mistral, au Bosquet et au Publicis Orly. Outre Les Images (intégrée au Pathé Wepler), aucune de ces salles n’existe encore.
Ci-dessus: Les Dragueurs, le premier film de Jean-Pierre Mocky à l’affiche du Mercury, « la nouvelle salle des Champs-Elysées ».
Ci-dessus: Soudain l’été dernier au Mercury et au Madeleine.
Ci-dessus: La Grande évasion au Mercury en août 1963.
Ci-dessus: les grandes premières des Champs-Elysées : Bette Davis le 16 mai 1963 pour Qu’est-il arrivé à Baby Jane?
Bonjour Thierry,
Oui, effectivement, les journaux/revues que vous citez communiquaient pas mal d’infos concernant la programmation des salles. Principalement « Comoedia » (« Ciné-Mondial » était plus commun quant aux salles qu’il traitait, hormis quelques rares exceptions de salles introuvables ailleurs. Je pense notamment au Davout-Palace). Ce qui était intéressant avec « Comoedia », c’est qu’il proposait les programmes de salles qu’on ne trouvait pas dans « La semaine à Paris » (ce qui permettait de corriger les erreurs de programmes qu’il pouvait y avoir dans l’un ou l’autre périodique !). Malheureusement, même en combinant les données de « La semaine à Paris », de « Comoedia », de « Ciné-Mondial » et des autres journaux/revues déjà cités auparavant, il y encore des « trous » de la programmation d’une bonne centaines de salles (110 en moyenne par semaine) !!! Cela fait un sacré paquet d’entrées « orphelines » de titres de films !
A ce propos, j’ai envoyé un mail à Axel pour qu’il vous le transmette. Vous verrez l’ampleur des « dégats » sur une semaine type. N’hésitez pas lui demander mes coordonnées. Nous pourrions échanger nos infos…
Bien cordialement,
Didier
Bonjour Didier,
Je vois que nous avons des préoccupations communes!
En ce qui concerne la programmation parisienne des salles de quartier, vous avez sur GALLICA le journal COMOEDIA qui la donne d’une manière quasi exhaustive. Pas pour toutes les années mais en particulier pour 1943 et 1944 jusqu’à la libération. Sinon sur certains CINE-MONDIAL sur CINE-RESSOURCES mais je pense que vous connaissez ces titres. Par contre pour les salles de banlieue c’est plus compliqué.
Voici le lien pour COMOEDIA: https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb32745939d/date
Cordialement,
Thierry Béné
Bonjour cher Thierry,
Tout d’abord, désolé pour cette réponse (trèèès) tardive (2 mois, déjà !!!), suite à votre commentaire sur les programmations des salles ! Donc, avec beaucoup de retard, permettez-moi de vous remercier de votre réponse…
Effectivement, je connais très bien tous les périodiques/journaux/revues que vous mentionnez. Comme vous, je suis aller pêcher tout ça sur Gallica (« La semaine à Paris », « Paris-Soir », « Le Petit Parisien », etc…), mais aussi dans les périodiques originaux (« La semaine à Paris » (sur microfilms), « La Cinématographie Française », « Le Film », « Le Film Français », ainsi que d’autres journaux spécialisés dans le recensement des programmes des salles de l’époque), mais concernant la période des années 1940-1944 – qui est celle sur laquelle je travaille actuellement, pour justement reconstituer la programmation et fréquentation hebdomadaire des salles et des films -, si il est relativement facile de retrouver la trace des programmes des salles d’exclusivités et grosses salles de quartiers, en ce qui concerne les petites salles de quartiers de l’époque, c’est une autre paire de manches ! Surtout concernant les salles excentrées (11ème, 12ème, 13ème, 14ème, 15ème, 18ème, 19ème ou 20ème arrondissements)…
Alors, évidemment, par manque d’informations, on aurait tendance à croire que ces salles étaient fermées, puisqu’elles ne communiquaient pas/plus leurs programmes. Seulement, grâce aux « cahiers comptables » de plus de 250 salles parisiennes que j’ai pu récupérer, j’ai bien le détail mensuel (voire quotidien) des entrées/recettes de ces salles, qui prouvent qu’elles étaient bien en activité ! D’où mes recherches constantes pour trouver trace des programmes de ces salles précisément. Si j’ai beau avoir des chiffres (entrées/recettes) de ces salles parisiennes (mais aussi de province), j’ai toutes les difficultés d’y apposer un titre de film en face…
Encore un très bon et très riche article qui nous transporte au temps où la salle de Cinéma était digne d’un temple !
Merci à tous ceux qui partagent et embellissent nos connaissances.
Bonjour Didier,
Merci pour ces précisions montrant l’évolution de la fréquentation du MERCURY au fil des ans. On voit bien la chute de la fréquentation au début des années PARAFRANCE! Pour les sources concernant la programmation, LE FILM FRANCAIS et la CINEMATOGRAPHIE FRANCAISE sont des références incontournables pour les salles d’exclusivité comme le MERCURY. Pour la période de l’occupation LE FILM (rempli de propagande!) est une source d’informations sur la programmation des salles. Pour la période d’avant guerre, la presse quotidienne ou bien UNE SEMAINE DE PARIS sont incontournables. Merci à GALLICA/BNF. Mais aussi bien sûr comme vous l’indiquez PARISCOPE, l’OFFICIEL, mais aussi FRANCE SOIR… sont des titres remplis d’informations sur l’exploitation des films.
Encore, merci à vous,
Thierry
Cher Axel,
Comme d’habitude, bravo à vous – et aussi au travail de recherches effectué par Mr Thierry Béné – pour ce nouveau très bel article concernant le Mercury !
Les détails des différents programmes qui jalonnent vos commentaires sont très intéressants ! Puis-je vous demander à partir de quelle(s) source(s) vous vous basez pour reconstituer une partie de la programmation ? (L’Officiel, des spectacles, Pariscope, autres ?).
Pour compléter votre article, voici quelques données chiffrées, récoltées au cours des 20 premières années de la salle :
1959 : 298 000 entrées (depuis le 17 mars, soit 41 semaines d’exploitation)
1960 : 291 000 entrées
1961 : 331 000 entrées
1962 : 308 000 entrées
1963 : 340 000 entrées
1964 : 345 000 entrées
1965 : 393 000 entrées
1966 : 344 000 entrées
1967 : 295 000 entrées
1968 : 255 000 entrées
1969 : 197 000 entrées
1971 : 234 000 entrées
1972 : 257 400 entrées
1973 : 277 400 entrées
1974 : 214 241 entrées
1975 : 201 047 entrées
1976 : 241 996 entrées
1977 : 164 755 entrées
1979 : 175 316 entrées
etc., etc…
Cordialement,
Didier Noisy