Adresse: 60 avenue de la Motte-Piquet à Paris (15ème arrondissement)
Nombre de salles: 1
Fermeture définitive en 2002

Avec le Gaumont-Palace, le Kinopanorama était une des salles de cinéma les plus emblématiques de la capitale. C’est aussi, encore aujourd’hui, un souvenir amer pour les cinéphiles quand, au début des années 2000, sa fermeture définitive est annoncée par son dernier exploitant Gaumont.

A l’emplacement de l’immeuble où le cinéma logeait, une salle ouverte en 1919 existait déjà: le Splendid-Palace. Rachetée à la fin des années 1950 par Pierre Pinton, l’entrepreneur et futur exploitant imagine l’intégration d’une nouvelle salle de cinéma dans un immeuble d’habitation de standing. L’architecte Raymond Nicolas est aux commandes de l’agencement de la salle qui comptabilise 868 fauteuils répartis dans l’orchestre (593 fauteuils), la corbeille (189 fauteuils) et le balcon (86 fauteuils) avec une visibilité parfaite, quelque soit l’emplacement de la salle. Le nouveau cinéma de l’avenue de la Motte-Piquet ouvre ses portes le 25 septembre 1959: le Kinopanorama est né.

Ci-dessus: la façade du Kinopanorama en 1959.

Ci-dessus: l’immense écran du Kinopanorama à son ouverture en 1959.

La naissance du Kinopanorama et de son procédé triple écran.

Outre sa capacité, le cinéma se distingue par un nouveau procédé technique découvert par Jean-Pierre Mauclaire à l’exposition universelle de Bruxelles: un système de projection sur triple écran importé d’Union Soviétique et concurrent du Cinérama américain. Le système permet la diffusion de trois images sur un écran fortement incurvé pour correspondre au champs visuel du spectateur.

Ci-dessus: la cabine de projection du Kinopanorama.

Ci-dessus: derrière l’écran du cinéma se dévoilent les hauts-parleurs.

L’écran du Kinopanorama mesure 20 sur 7,45 mètres. La salle comporte 98 hauts-parleurs pour la reproduction sur 9 pistes stéréophoniques. La cabine de projection occupe toute la largeur de la salle, c’est-à-dire 20 mètres de long. Une console est placée à l’arrière de l’orchestre, visible des spectateurs, permettant un réglage irréprochable de la projection et du son.

La façade du cinéma voit grand: l’enseigne lumineuse Kinopanorama se découpe au fronton sur une longueur de 9 mètres. Cette nouvelle salle fait beaucoup parler la presse, dont Le Film français qui décrit l’ensemble: « Le hall dallé de carreaux beige est traité en 2 tons: rouge vif et turquoise, dont l’éclatante opposition est mise en valeur par la lumière fluorescente diffusée par de puissants spots aménagés dans le plafond. C’est une chaude harmonie que l’on retrouve à l’intérieur de la salle dont les murs sont revêtus de « pégulan » plissé vieil or, tandis que les soubassements sont tendus de velours de laine « riber blue ». Les fauteuils particulièrement confortables, se découpent en orange et or sur un tapis de sol gris anthracite en accord avec le plafond gris également. Un immense rideau jaune de Naples masque l’écran donnant par son éclat une suprême note d’élégance ».

Ci-dessus: 2 heures en U.R.S.S. projeté au Kinopanorama en 1960.

Le pari d’une salle d’exclusivité loin des quartiers traditionnels des cinémas comme les Grands boulevards ou les Champs-Elysées est résolument audacieux. A grand renfort de publicité, le premier programme du Kinopanorama est lancé avec le film 2 heures en U.R.S.S. réalisé par Roman Karmen. La location des billets est ouverte au sein du cinéma ou, à l’instar des programmes de théâtre, auprès d’agences. Le succès est rapidement au rendez-vous grâce à cette œuvre de qualité là où les films du Cinérama sont alors vilipendés par la critique. La revue Le Film français annonce 627.284 entrées en 55 semaines pour la première sortie du film.

Le deuxième film projeté au Kinopanorama, intitulé Un Français à Moscou, sort le 14 octobre 1960 pour 31 semaines d’exclusivité suivi de L’URSS à cœur ouvert le 18 mai 1961 puis de Kinochoc,  le premier film narratif du procédé le 28 février 1962. Le 21 novembre de la même année sort Volga Volga, le dernier film tourné pour le triple écran. Le 70MM prend le relais avec des films comme La Loi de l’Antarctique ou La Tragédie optimiste de Samson Samsonov.

Ci-dessus: le festival Kinopanorama en 1962.

Le 27 avril 1966 est une date-clé dans l’histoire de la salle: le très attendu Guerre et paix de Serguei Bondartchouk est projeté en version originale et 70MM au seul Kinopanorama avec sa première partie Austerlitz. Quelques mois après ce grand succès, la deuxième partie Natacha est à l’affiche en alternance dès le 21 novembre 1966. La version française et intégrale en 70MM arrive au Gaumont-Palace le 19 décembre et impacte la carrière du film au Kinopanorama qui en avait la totale exclusivité. La troisième partie qui s’intitule Borodino sort le 17 mai 1967 et enfin la dernière partie L’Année terrible le 20 janvier 1968, ces deux films sortant conjointement avec la salle de la place Clichy.

Après le décès de Jean-Pierre Mauclaire en 1966 et suite à la fin de l’exclusivité de Guerre et Paix, le propriétaire de la salle se tourne vers un nouveau programmateur. Le 11 octobre 1968, le distributeur Parafrance assure la sortie en exclusivité et pendant une semaine de L’Affaire Thomas Crown de Norman Jewison au seul Kinopanorama. Suivent Barbarella de Roger Vadim le 25 octobre et Astérix et Cléopâtre réalisé par René Goscinny et Albert Uderzo le 19 décembre.

L’expérience du Cinérama.

La salle change d’enseigne au début de l’année 1969 et arbore celle de Cinérama Rive-Gauche. La reprise du film de John Frankenheimer Grand prix inaugure cette nouvelle période du cinéma qui diffuse ses œuvres avec une combinaison de salles regroupant l’Empire-Cinérama et le Gaumont-Palace. A l’affiche du Cinérama Rive-Gauche se succèdent Krakatoa à l’est de Java de Bernard L. Kowalski, Hello Dolly de Gene Kelly le 19 décembre 1969 et la réédition de Autant en emporte le vent en 70MM le 15 avril 1969. Pas moins de 110.235 spectateurs assistent en vingt-six semaines au film de Victor Fleming dans la salle de l’avenue de la Motte-Piquet. Mais les films à grand spectacle sont de moins en moins prisés par les spectateurs en cette fin des années 1960 et c’est après la sortie de Jules César de Joseph L. Mankiewicz gonflé au 70MM que s’achève la période Cinérama.

Ci-dessus: Autant en emporte le vent à l’affiche du Cinérama Rive-Gauche en 1969.

La salle, qui reprend son enseigne Kinopanorama, est programmée par UGC à partir du 16 mars 1971 avec une alternance des films en exclusivité et de prolongations à succès comme Les Aristochats. Une version revue par Abel Gance lui-même de Napoléon sort le 10 septembre 1971 sous le titre Bonaparte et la révolution. Produite par Claude Lelouch et soutenue par André Malraux, cette réédition tient quinze semaines à l’affiche mais n’accueille que 24.717 spectateurs. La fréquentation devient atone et le propriétaire du Kinopanorama obtient un permis de construire pour remplacer la salle par une surface commerciale.

Ci-dessus: la salle rénovée du Kinopanorama en 1974.

Le Kinopanorama, la salle de référence des grandes sorties parisiennes.

C’est à ce moment que le réalisateur Reynald Bassi obtient l’accord de la salle pour lancer dès le 20 mars 1974 un festival de films à grand spectacle  combiné à une programmation jeune public en matinée. C’est avec la ressortie le 18 avril, en 70MM et en version originale, du chef d’œuvre de Stanley Kubrick 2001, l’Odyssée de l’espace que le public retrouve la salle du Kinopanorama avec 31.803 entrées enregistrées en cinq semaines.

La salle rénovée avec une capacité réduite à 610 fauteuils rouvre le 16 octobre avec l’exclusivité Kid blue de James Frawley. Le classique de David Lean Lawrence d’Arabie y est projeté le 24 décembre 1974 puis le 25 juin de l’année suivante. West side story de Robert Wise ressort avec succès au Kinopanorama le 29 octobre 1975.

Ci-dessus: Tremblement de terre à l’affiche le 1er octobre 1975.

Ci-dessus: Voyage au centre de la terre projeté le 19 mars 1975.

Pierre Pinton assure seul l’exploitation du cinéma et ressort en 70MM et en version originale Autant en emporte le vent le 26 mai 1976 puis de nouveau Guerre et paix le 15 juin 1977. D’autres films occupent l’affiche du cinéma comme Orfeu negro de Marcel Camus ou la reprise en 35MM du film de Jerzy Kawalerowicz Le Pharaon.

La sortie exclusive et en 70MM de la Palme d’or de Volker Schlöndorff Le Tambour a lieu le 19 septembre 1979. Ce film, ainsi que The Rose de Mark Rydell, sorti le 4 juin 1980 et à l’affiche pendant quarante-huit semaines, sont de grands succès pour le Kinopanorama.

Ci-dessus: la salle dans les année 1980.

La salle devient incontournable pour les grands sorties nationales attirant les spectateurs désireux d’assister à un expérience cinématographique unique. Ainsi, La Guerre du feu puis Le Nom de la rose de Jean-Jacques Annaud ont les faveurs de l’écran du Kinopanorama, tout comme E.T. l’extra-terrestre de Steven Spielberg, Pink Floyd The Wall d’Alan Parker, Out of Africa de Sydney Pollack, Carmen de Francesco Rosi, Greystoke de Hugh Hudson, La Forêt d’émeraude de John Boorman, Le Dernier empereur de Bernardo Bertolucci qui occupent pendant de nombreuses semaines l’affiche.

L’année record en terme de fréquentation pour le Kinopanorama est 1986 avec quelques 450.118 spectateurs comptabilisés. C’est l’époque où les distributeurs s’évertuent à sortir leurs films dans cette salle. En 1988, Le Grand bleu de Luc Besson puis L’Ours de Jean Jacques Annaud sont auréolés de succès. Mais les échecs commerciaux de Valmont de Milos Forman à l’affiche le 6 décembre 1989 puis du film de Bernardo Bertolucci Un Thé au Sahara plombent la fréquentation de la salle. C’est avec le film d’Oliver Stone The Doors que le procédé Cinema Digital Sound (CDS) est installé au seul Kinopanorama.

Ci-dessus: la reprise de Ben-Hur de William Wyler à l’affiche du Gaumont Kinopanorama en 1998.

Le Kinopanorama racheté par Gaumont.

La salle entame en août 1991 une nouvelle ère lorsque Pierre Pinton revend son cinéma à Gaumont qui lance d’importants travaux de rénovation. C’est avec le film de Clint Eastwood Impitoyable le 23 septembre 1992 que le Gaumont Grand Ecran Grenelle, sa nouvelle enseigne, ouvre ses portes au public. Quelques mois plus tôt, le 12 juin de la même année, l’enseigne à la marguerite inaugure sa majestueuse salle du 13ème arrondissement le Gaumont Grand Ecran Italie.

Ci-dessus: Impitoyable inaugure la reprise du cinéma en octobre 1992 par Gaumont sous l’appellation Grand Ecran Grenelle.

L’écran courbe du Gaumont Kinopanorama – la salle reprenant rapidement son enseigne d’origine – est réduit et les projections sont majoritairement au format 35MM. A l’instar du cinéma de la place d’Italie, un laser show est proposé avant la séance. La salle connaît de beaux succès comme L’Amant de Jean Jacques Annaud, La Belle et la bête des studios Disney, proposé en 70MM le 21 octobre 1992, Titanic de James Cameron ou bien In the mood for love de Wong Kar-Waï.

Ci-dessus: Alien 4 au Kinopanorama en novembre 1997.

Ci-dessus: la reprise de Rencontre du troisième type (1977) de Steven Spielberg en 2001.

Ci-dessus: la reprise de Amadeus (1984) de Milos Forman en 2002.

La sortie du film musical d’Alan Parker Evita en exclusivité le 10 janvier 1997 au seul Gaumont Kinopanorama aurait pu redonner du prestige à la salle mais le succès mitigé du film en France voit son affiche retirée au bout de treize semaines. La salle est alors intégrée à des combinaisons massives de blockbuster américains ou de films grand public français. Quelque peu banalisé, le Kinopanorama décline inexorablement.

Le coup de grâce intervient le 8 juillet 2002 lorsque Europalaces (la société des Cinémas Gaumont Pathé) ferme la salle après un sursaut du public pour la reprise en version restaurée du film de Milos Forman Amadeus. C’est avec une production mineure des studios Disney Lilo & Stich que le Kinopanorama vit ses derniers coups de projecteurs.

Ci-dessus: le dernier jour d’exploitation du Kinopanorama le 9 juillet 2002 avec à l’affiche Lilo & Stich

Malgré l’émotion du public, les interventions de personnalités pour la sauvegarde de la salle et une possibilité de reprise par le producteur Claude Berri, le Kinopanorama ne rouvre pas son rideau. Jack Lang adresse une lettre au ministre de la culture Jean Jacques Aillagon dans laquelle il évoque le cinéma « un lieu symbolique de l’aventure cinématographique qui appartient au patrimoine cinématographique de Paris ». 

Remerciements: M. Thierry Béné.
Documents: La Cinématographie française, Le Film français
Photos en couleurs du Gaumont Kinopanorama: collection particulière.