Adresse: Cours Jean Jaurès à Avignon.
Nombre de salles: 1 (1 600 places) puis 5
L’histoire du cinéma Palace à Avignon est intimement liée à celle de la famille Pezet. Dans l’ouvrage Figures de salles obscures (Nouveau Monde éditions, 2015), Pierre Pezet revient au cours d’un entretien avec Samra Bonvoisin et Claude Forest sur la place prépondérante qu’occupa sa famille dans l’histoire de l’exploitation cinématographique.
La famille Pezet et le Palace, un destin commun
Sa grand-mère maternelle possédait un grand café à Aix-en-Provence et, derrière celui-ci, une salle de spectacle est utilisée pour le cinématographe. « À la fin des années 20, mon père (Marcel Pezet) installé comme vétérinaire à Marseille, a quitté sa profession pour rejoindre des parents à Avignon et participer à une nouvelle entreprise familiale autour du Palace. »
Ci-dessus: l’ancien Palace construit en 1910.
Le théâtre Palace existait déjà avant sa reprise par la famille Pezet. Il est construit en 1910 par un certain monsieur Pic mais, n’étant pas aux normes à la fin des années 1920, il est démoli pour être reconstruit.
Dans ces années d’avant-transformation, le Palace alterne des programmes de films muets accompagnés d’attractions. Le théâtre et le music-hall sont également à l’affiche. Très populaires, les ciné-romans sont à l’honneur avec, par exemple, Fanfan la Tulipe, réalisé en huit épisodes par René Leprince et programmé à partir du 24 septembre 1926 à raison d’un épisode par semaine. Les tournées théâtrales Charles Baret effectuent leur étape avignonnaise au Palace et proposent des pièces la plupart du temps jouées à Paris lors de la saison précédente.
Le 31 mai 1928, l’ancien Palace joue sa dernière séance après une projection de L’Épervier noir, un western américain réalisé par Emmett J. Flynn et interprété par Wallace Beery. En attendant sa reconstruction, le Palace se déplace à l’Opéra Municipal à partir du 1er juin 1928 pour poursuivre les projections cinématographiques, toujours sous la direction de Madame H. Pezet. Au moment de la reconstruction du Palace, Marcel Pezet créé la Société des Théâtres Pezet.
Ci-dessus: croquis de l’Architecte avignonnais Emmanuel Valleye.
Ci-dessus: bas-relief de Raymond Servian représentant L’Ephèbe dansant ornant la façade du Palace.
Ci-dessus: Marcel Pezet en 1937.
Il ne faudra que sept mois pour que l’ingénieur et architecte avignonnais Emmanuel Valleye fasse édifier sur l’emplacement de l’ancien Palace le nouvel établissement auquel de très nombreux artisans locaux ont été associés.
Le Palace reconstruit, bijou de l’Art déco
La façade du nouveau Palace est ornée d’une œuvre de Raymond Servian. Le Petit Provençal commente l’élégant bas-relief dans son édition du 4 décembre 1928 : « Désertant les sentiers battus par la routine ornementale, Servian a exécuté un bas-relief (nommé l’éphèbe dansant) qui symbolise la danse contemporaine (…) Il a réalisé une décoration d’un caractère inédit autant par l’originalité de la conception, que par l’originalité de la technique. La décoration intérieure est due au talent du peintre Canepa ».
Ci-dessus: scène et rideau de scène de 1928 du Palace.
Ci-dessus: le logo du nouveau Palace en 1928.
Le mercredi 5 décembre 1928, soit quatre jours après son ouverture au public, madame Pezet invite le Tout-Avignon au gala d’ouverture du nouveau Palace. Les Tablettes d’Avignon commentent : « nos compatriotes ont répondu à cette charmante attention de la part de la grande rénovatrice du Palace dont, ce soir-là, la fine tête aux cheveux argentés, était plus radieuse que jamais ».
Au cours de cette soirée de gala, le chanteur Alibert s’est déplacé spécialement de Toulon pour interpréter sur scène certains de ses succès comme Dans la main d’une femme, Le Père François ou Galéjades. « Alibert sortit grandi de cet intermède, malgré les dimensions anormales de la scène. Et des fleurs vinrent couvrir ses bras souriants » note le journal. Madame Pezet a inclut dans ce gala le groupe de Jazz Les Grégor : « pendant près d’une heure, cette cohorte d’artistes composée, de fantaisistes de l’instrument, conduit par un chef désaxé, tant ses membres galvanisés accomplissaient des prouesses d’agilité ».
Le quotidien Le Mistral, en date du 6 décembre 1928 évoque le nouveau cinéma : « Le Palace est d’aspect somptueux. La façade apparaît colossale mais l’intérieur tient de la féérie. L’on ne pouvait plus habilement tirer parti d’un emplacement tout particulièrement privilégié ». Grâce à sa reconstruction, la scène du Palace, très large et profonde, est désormais mieux adaptée aux spectacles et peut ainsi accueillir d’importantes tournées.
Le film La Veine, muet réalisé par René Barberis d’après la pièce d’Alfred Capus et interprété par Sandra Milowanoff et Rolla Norman, est présenté lors de cette semaine d’inauguration.
Ci-dessus: Le Cirque (Charlie Chaplin) la semaine du 20 décembre 1928.
Outre le Palace, les Théâtres Pezet regroupent à Avignon le Palladium – réservé aux premières visions comme le Palace – ainsi que l’Eldorado et l’Alhambra pour les secondes visions et reprises. À partir du 19 novembre 1932, un sérieux concurrent s’installe à proximité du Palace : le Capitole exploité par Max Carton.
Le Palace possède son propre orchestre qui joue chaque semaine en complément du grand film proposé ainsi que des Actualités Fox-Movietone. Fait rare et luxueux pour l’époque, la salle est réfrigérée durant l’été.
Pour la sortie de L’Aurore (Friedrich Wilhelm Murnau) la semaine du 10 mai 1929, le Palace met en avant dans sa publicité que la projection du film s’effectue la même semaine dans deux salles de Hollywood, le Carthay Center Theater et le Grauman’s Egyptian.
Les 18 et 19 février 1930, le Palace accueille sur scène, pour la première fois à Avignon, le grand Jules Berry et Suzy Prim. La publicité précise : « ces deux vedettes descendent rarement en Province (…) Par faveur spéciale, le Palace a pu les retenir ». Ils interprètent deux pièces différentes : le mardi 18, Banco et le mercredi 19, Monsieur de Saint-Aubin.
Les appareils de projection sonores Western-Electric équipent le Palace et le Palladium d’Avignon ainsi que toutes les salles du circuit Pezet. Le système sonore Klangfilm-Tobis le remplacera en 1937.
Lors du passage, la semaine du 3 juillet 1930, du film Les Misérables (Henri Fescourt), version muette qui fut présentée en quatre époques lors de sa première exploitation en 1925, le Palace le présente en version complète en une seule séance. Un curieux message à l’intention du public est dévoilé dans l’annonce publicitaire du film : « l’installation perfectionnée du Palace, ne permettant pas le passage des films en dehors de la vitesse normale, la projection des Misérables étant donné son importance commencera dès le début du spectacle ».
En effet, durant la période du muet, réalisateurs et exploitants choisissaient la vitesse de projection allant de 16 à 26 images par seconde. Lors de la reprise de ce film, le Palace est déjà équipé pour la projection de films sonores pour lesquels la vitesse standard de 24 images par seconde fut adoptée. Ce nouveau standard avait pour conséquence de projeter les films muets en accéléré. Sans le dire explicitement, la direction du Palace prévient le public de ce désagrément.
Alors que le Palace affiche le film franco-allemand Grock (Carl Boese et Joë Hamman) interprété par le célèbre clown, une naissance intervient dans la famille Pezet : le 28 octobre 1931, Pierre Pezet, une future figure majeure de l’exploitation cinématographique, voit le jour.
Cinéma et music-hall
Durant ce début des années 1930, les Avignonnais se pressent pour voir au Palace La Ruée vers l’or (Charlie Chaplin) la semaine du 27 février 1930, La Nuit est à nous (Roger Lion) celle du 17 avril 1930, Le Cirque (Charlie Chaplin) le 5 juin 1930, À l’Ouest rien de nouveau (Lewis Milestone) le 6 février 1931 ou bien Les Lumières de la ville (Charlie Chaplin) le 28 août 1931 pour deux semaines.
Pour la sortie le 17 décembre 1931 de Marius (Alexandre Korda) d’après Marcel Pagnol, la direction du Palace informe qu’en raison du triomphe obtenu au Capitole de Marseille – 1 million de francs de recettes – durant les quatre semaines d’exclusivité, le cinéma ouvre aux guichets une location spéciale de 10 heures à midi et de 13h 45.
À cette époque, des artistes foulent les planches du Palace : le « troupier comique » Fernandel se produit pour la première fois en complément du grand film la semaine du 12 avril 1929 et revient la semaine du 31 janvier 1930. Le comique Biscot joue sur scène Pomme d’amour la soirée du 24 avril 1930, le Grand Guignol de Paris joue un drame sanglant la soirée du 10 mars 1931 et le grand orchestre de Ray Ventura joue son répertoire les 12 et 13 décembre 1931. Et tant d’autres…
Ci-dessus: La Maison de la flèche (Henri Fescourt) la semaine du 21 août 1931.
Ci-dessus: Un rêve blond (Paul Martin et André Daven) la semaine du 6 janvier 1933.
À partir du 18 août 1933, afin de répondre aux exigences des divers spectacles qui y sont proposés, le Palace ferme durant trois semaines afin d’agrandir l’orchestre et la scène, modifier la décoration et d’éclairage.
La concurrence du Capitole de Max Carton qui a ouvert ses portes le 19 novembre 1932 à proximité du Palace, amène les Théâtres Pezet à moderniser le cinéma. Le Palace rouvre ses portes, le 5 septembre 1933, avec l’opérette sur scène Au pays du soleil interprété par le très populaire Alibert.
Pour la réouverture, madame Pezet annonce une prochaine innovation avec la création d’une atmosphère artificielle avec nuages et parfums, à l’instar du Rex de Paris. Aucun document n’atteste de la réalisation de cette installation.
Le Palace est le premier cinéma à présenter le film Mireille (René Gaveau et Ernest Servaes) d’après Frédéric Mistral et l’Opéra de Gounod. La première mondiale a lieu le 8 décembre 1933 et la soirée largement commentée dans la presse du Midi.
Les fameuses tournées Baret s’arrêtent au Palace le 31 janvier 1934 lorsque Raimu en personne joue sur scène son grand succès La Petite chocolatière. Ces tournées font escale au Palace durant plusieurs décennies. Le 1er septembre de la même année, c’est au tour du chanteur fantaisiste Alibert de se produire, le 7 septembre 1934, Lucienne Boyer y interprète ses succès.
En 1934, l’architecte Eugène Chirié est largement sollicité par les exploitants régionaux à la suite à ses réalisations du Pathé-Palace de Lyon et celui de Marseille. Il est surtout engagé par les exploitants indépendants pour remettre au goût du jour leurs salles : il est ainsi réclamé pour le Gyptis et le Provence à Marseille, ainsi que le Rex, l’Odéon et le Hollywood. Les Théâtres Pezet le sollicitent pour les rénovations du Majestic de Nîmes, du Palace de Béziers et des Palladium et Palace d’Avignon.
Pour la sortie, la semaine du 4 mars 1936, du film Pathé-Natan L’Équipage (Anatole Litvak) d’après Joseph Kessel, un diaporama lumineux de 10 mètres de large représentant un camp d’aviation est installé sur la façade. Comme le commente La Cinématographie Française : « Les avions obligeamment prêtés par les membres de l’A.C.V. étaient des modèles réduits des types actuels, présentant ainsi, en dehors de l’intérêt publicitaire pour le film, une intéressante propagande de l’Aviation Nationale ».
Ci-dessus: L’Equipage (Anatole Litvak) la semaine du 4 mars 1936.
Ci-dessus: Une nuit à l’opéra (Sam Wood) la semaine du 17 juin 1937.
Ci-dessus: Broadway Melody of 1936 (Roy Del Ruth) en double programme avec Les 39 Marches (Alfred Hitchcock) la semaine du 30 juin 1937.
Ci-dessus: Double Crime sur la ligne Maginot (Félix Gandéra) la semaine du 10 novembre 1937.
Ci-dessus: Toura, déesse de la jungle (George Archainbaud) la semaine du 6 octobre 1938.
Durant la seconde partie des années 1930, le Palace affiche Les Trois lanciers du Bengale (Henry Hathaway) la semaine du 3 mai 1935, Gaspard de Besse (André Hugon) celle du 1er janvier 1936, Les Révoltés du Bounty (Franck Lloyd) le 25 novembre 1936, La Belle équipe (Julien Duvivier) le 19 mai 1937 ou Un Carnet de bal du même réalisateur le 3 novembre 1937.
Suivent Les Gens du voyage (Jacques Feyder) le 21 avril 1938, Blanche-Neige et les Sept nains (Walt Disney) à partir du 31 octobre 1938, Les Aventures de Robin des Bois (Michael Curtiz) le 14 mars 1939 ou bien Bar du Sud (Henri Frescourt) le 17 août 1939.
Ci-dessus: Les Aventures de Robin des Bois (Michael Curtiz et William Keighley) à partir du 14 mars 1938.
Ci-dessus: Blanche-Neige et les Sept nains (Walt Disney) à partir du 31 octobre 1938.
Les années sombres et l’après-guerre
En septembre 1939, à l’heure de la déclaration de la guerre, les salles de cinéma d’Avignon restent portes closes : interdiction leur est faite de jouer en soirée. Après deux semaines d’ouverture début septembre, il s’avère que cette restriction rend l’exploitation déficitaire. Les exploitants avignonnais sont d’autant plus surpris que toutes les salles du Vaucluse fonctionnent en soirée, celles de Marseille jusqu’à minuit. Le Palace rouvre la semaine du 27 septembre 1939 avec le double programme de reprises Titin des Martigues (René Pujol) et Belle de nuit (Louis Valray).
L’exploitation du Palace encore en zone libre se poursuit comme avant-guerre avec des doubles programmes de films américains (la zone occupée en est privée). Parmi eux, citons Quasimodo (William Dieterle) la semaine du 21 janvier 1942, repris le 7 octobre 1942, La Vieille Fille (Edmund Goulding) celle du 18 février 1942, Les Conquérants (Michael Curtiz) le 20 mai 1942 ou bien L’École du crime (Lewis Seiler) le 30 septembre 1942.
Avec l’incendie qui va détruire le Capitole, le Palace et le Palladium sont les seules salles de première vision à Avignon. En novembre 1942, quand la zone libre est envahie par les Allemands, le Palace poursuit sa carrière avec des films français, italiens et allemands, comme Le Voile bleu (Jean Stelli) le 25 novembre 1942, Les Visiteurs du soir (Marcel Carné) le 3 mars 1943, Lumière d’été (Jean Grémillon) le 26 mai 1943, Scipion l’Africain (Carmine Gallone) le 18 août 1943, La Ville dorée (Veit Harlan) le 6 octobre 1943 ou bien Monsieur des Lourdines (Pierre de Hérain) le 17 novembre 1944.
Contrairement à la région parisienne, les cinémas d’Avignon reprennent leur activité au lendemain de la Libération, dès le lundi 4 septembre 1944. Le Palace reprend le film de la Paramount Âmes à la mer (Henry Hathaway) avec Gary Cooper et George Raft. Le film n’est proposé qu’en matinée à 15 heures, vraisemblablement du fait des restrictions d’électricité.
Début 1945, les exploitants de province rencontrent de grandes difficultés dans l’acheminement des films : la raréfaction des trains, l’impossibilité d’envoyer des colis-express engendrent de longs délais pour envoyer les copies vers chaque salle. En outre, le nombre de copies étant limité, les distributeurs n’arrivent pas à répartir les programmes de manière satisfaisante. Malgré ces aléas, le Palace propose majoritairement des films hollywoodiens durant l’année 1945 à l’instar de la reprise de Blanche-Neige et les Sept nains (Walt Disney) la semaine du 24 janvier 1945.
Suivent Pacific-Express (Cecil B. de Mille) celle du 14 mars 1945, Marie Walewska (Clarence Brown) le 13 juin 1945 ou bien La Vie privée d’Elizabeth d’Angleterre (Michael Curtiz) le 19 décembre 1945. En ce qui concerne les films français, citons Carmen (Christian-Jaque) le 3 janvier repris la semaine du 19 septembre 1945, Premier de cordée (Louis Daquin) le 4 juillet 1945 et bien évidemment Les Enfants du Paradis (Marcel Carné) dont la première époque est proposée le 3 octobre 1945 et la seconde la semaine suivante.
Un arrêté du 19 septembre 1946 vient fixer un nouveau prix en hausse des places dans les salles de cinéma. Cet augmentation fait partie du plan général établi par des commissions au Ministère de l’Information afin d’augmenter les revenus de la production française et en faciliter l’amortissement. Par ailleurs, elle est également indispensable pour équilibrer le budget de l’exploitation dont les frais de fonctionnement augmentent considérablement depuis 1939. Cette mesure prend effet le 2 octobre 1946 et représente une hausse de 30% des recettes des salles.
En 1947, on recense uniquement six salles à Avignon – 5000 places au total pour 60 000 habitants. Ce nombre peu élevé d’établissements permet une profitabilité pour chacun d’entre eux. En outre, les spectateurs qui fréquentent ces cinémas viennent de nombreuses localités situées dans un rayon de 10 à 15 km de la ville. Le Palace de son côté fait salle comble, en particulier le week-end.
Durant les années 1940, le Palace propose, entre autres Aventures en Birmanie (Raoul Walsh) la semaine du 12 juin 1946, La Symphonie pastorale (Jean Delannoy) celle du 25 décembre 1946, Les Portes de la nuit (Marcel Carné) le 2 avril 1947, Le Diable au corps (Claude Autant-Lara) le 1er octobre 1947 ou Les Raisins de la colère (John Ford) le 17 mars 1948.
Sont également à l’affiche Les Trois Caballeros (Walt Disney) le 27 avril 1949, La Beauté du diable (René Clair) le 26 avril 1950, Quand la ville dort (John Huston) le 18 avril 1951 ou bien L’Inconnu du Nord-Express (Alfred Hitchcock) le 4 juin 1952. Madame Pezet décède en 1949 à l’âge de 81 ans.
Le CinemaScope s’invite au Palace
Dans un contexte de chute drastique de la fréquentation et pout lutter contre la télévision, Hollywood développe différents formats larges. Si cette chute est sévère en France, le lancement du CinemaScope n’aura que peu d’impact pour l’enrayer.
Le Palace est la première salle du Midi, après l’Escurial à Nice, à s’équiper du CinemaScope.
Ci-dessus: La Tunique (Henry Koster) à partir du 7 avril 1954.
Ci-dessus: Capitaine King (Henry King) à partir du 8 septembre 1954.
Si La Tunique (Henry Koster) remporte un joli succès – 28 949 entrées en 4 semaines – le Palace bat des records de recettes du fait de la majoration du prix des places pour ce film. Ce n’est pas le cas d’autres productions de la Fox tournées dans ce procédé à l’instar de Comment épouser un Millionnaire (Jean Negulesco) avec une affiche de rêve – Marilyn Monroe, Laureen Bacall et Betty Grable – qui n’attire que 7 964 spectateurs en 2 semaines. La Fox imposant contractuellement une programmation de deux semaines, les productions CinemaScope ne sont pas forcément une bonne affaire pour les exploitants.
En 1956, Pierre Pezet s’engage dans l’entreprise familiale auprès de son père. Il maintient la ligne éditoriale du Palace, à savoir cinéma, music-hall, concerts classiques et conférences. Pierre Pezet s’en explique auprès de Samra Bonvoisin et Claude Forest en 2014 : « À cette époque, mon père avait envie de prendre du recul (…) j’ai été aspiré par la diversité des activités. J’aimais le cinéma, avec une salle, un écran et les réactions du public. J’aimais aussi le théâtre vivant, le music-hall. J’avais donc envie de m’engager dans l’affaire familiale, de la poursuivre dans toutes ces dimensions-là et j’ai fait mes début en 1956 aux côté de mon père ».
Cette même année, une étude du CNC sur la fréquentation des villes françaises de plus de 60 000 habitants classent les communes au-dessus de la moyenne nationale. Avignon arrive en 11ème position avec un coefficient de fréquentation 20,3% au-dessus de la moyenne nationale.
Le « Palace 1957 », une des plus belles salles de France
En 1957, une rénovation du Palace a lieu sous la direction de l’architecte Georges Peynet. Sa décoration en fait l’une des plus belles salles de France. La Cinématographie Française évoque dans son numéro 1706 les transformations : « La nouvelle ampleur donnée à l’ancien balcon, le camouflage des colonnes ont donné à la salle un cachet particulier (…) Avec le goût si sûr qui le caractérise, M Peynet, qui avait déjà à son actif, à Avignon, le Rio, considéré comme un élégant bijou vert et rouge, a conservé au Palace, les deux couleurs caractéristiques des Théâtres Pezet en les inversant ; il a porté son effort sur la qualité du matériau constitué par des revêtements complets de moquette rouge dans l’ambiance de laquelle sont mis en valeur, par un éclairage indirect parfait, les deux éléments décoratifs : les appliques et un magnifique rideau en mohair champagne, splendide dans le cadre de scène blanc ».
Ci-dessus: la salle rénovée de 1957 par l’architecte Georges Peynet.
Ci-dessus: couloir menant à l’orchestre (1957).
La salle comporte désormais 650 fauteuils à l’orchestre, 450 aux deux balcons et 500 dans les galeries, chacune des places ayant une visibilité parfaite. Le Palace continue à recevoir les grandes tournées de spectacles.
Durant cette période, le Palace affiche Quo Vadis (Mervyn LeRoy) à partir du 3 février 1954 pour deux semaines (13 547 entrées), Mogambo (John Ford) le 24 novembre 1954, L’Aigle solitaire (Delmer Daves) le 2 novembre 1955, Gervaise (René Clément) la semaine du 31 octobre 1956 (10 966 entrées), Maigret tend un piège (Jean Delannoy) le 5 février 1958 ou encore Le Pont de la Rivière Kwaï (David Lean), le 19 février 1958.
Ci-dessus: Le Pont de la Rivière Kwaï (David Lean) à partir du 19 février 1957.
Le 18 février 1960, Marcel Pezet préside, sur la scène du Palace, une cérémonie qui honore cinq de ses collaborateurs à l’ordre du mérite du travail. L’occasion pour le directeur d’évoquer devant ses collaborateurs la mémoire de sa mère, fondatrice de l’entreprise. Cet hommage, relayé par la presse locale, met en lumière le Palace et son personnel. Marcel Pezet informe également qu’il passe le relais à son neveu Jacques, créateur dès 1950 de la société de distribution et de coproduction AMLF (Agence Méditerranéenne de Location de Films) et à son fils Pierre. « Ainsi se poursuivent les dynasties du cinéma avec des conceptions nouvelles et des désirs nouveaux de réalisation » déclare dans La Cinématographie française le président régional de l’exploitation cinématographique.
Au printemps 1962, les Pezet décident d’équiper le Palace au 70 mm. Les nouvelles installations prévoient les projecteurs Cinémeccanica de type Victoria VIII et un nouvel écran avancé, réservé aux projections en 70 mm et Todd-AO.
Ci-dessus: l’inauguration du 70 mm avec Spartacus (Stanley Kubrick) à partir du 6 juin 1962.
L’écran original est conservé pour les projections au format standard et en CinemaScope. Spartacus (Stanley Kubrick) inaugure la salle 70 mm à partir du 6 juin 1962. À cette occasion, un cocktail avec les représentants de la presse et diverses personnalités locales est organisé. Par la suite, le Palace propose en 70 mm Lawrence d’Arabie (David Lean) à partir du 26 novembre 1963, Les 55 jours de Pékin (Nicholas Ray) à partir du 8 janvier 1964, My Fair Lady (George Cukor) à partir du 1er septembre 1965, West Side Story (Robert Wise) le 14 septembre 1966, Play Time (Jacques Tati) le 15 mai 1968 ou bien 2001, l’Odyssée de l’espace (Stanley Kubrick) le 22 janvier 1969.
Ci-dessus: 2001, l’Odyssée de l’espace (Stanley Kubrick) à partir du 22 janvier 1969.
Parmi les autres films à l’affiche durant les années 1960, citons Rocco et ses frères (Luchino Visconti) le 15 mars 1961, Les Canons de Navarone (Jack Lee Thompson) le 17 novembre 1961, Les 101 Dalmatiens (Walt Disney) le 14 février 1962 pour deux semaines, Les Oiseaux (Alfred Hitchcock) le 22 avril 1964, Le Corniaud (Gérard Oury) à partir du 7 avril 1965 pour 3 semaines (28 434 entrées) ou encore La Grande vadrouille du même réalisateur le 21 décembre 1966 (45 267 entrées en 5 semaines).
Sur la scène du Palace, une nouvelle génération d’artistes se produit à l’instar de Johnny Hallyday les 20 avril et 20 décembre 1961 ou bien Sheila le 6 novembre 1963. Et bien sûr, les tournées de Brel, Bécaud, Brassens, Aznavour ont pour indispensable étape le Palace…
La transformation en complexe
En 1973, la transformation du parc cinématographique, déjà bien entamée à Paris et en banlieue parisienne, gagne les régions. La multiplication des écrans rendue nécessaire par l’offre de films est enclenchée dans les circuits et chez les indépendants les plus importants. Le « Palace 1928 » termine son exploitation avec Les Professionnels (Richard Brooks) la semaine du 6 juin 1973. Ses portes ferment le 13 juin 1973. Pierre Pezet dira combien cette restructuration, qui a mis un point final à l’accueil des tournées, a été difficile pour lui.
Ci-dessus: la nouvelle façade du Palace en 1973.
La Société Nouvelle des Théâtres Pezet fait appel à l’architecte Bernard Ceyssac, connu pour l’Élysées-Lincoln ou le Saint-André-des-Arts à Paris, pour transformer l’immense Palace en un complexe de quatre salles. Une salle supplémentaire verra le jour un peu plus tard.
Pierre Pezet revient en 2014 sur cette période auprès de Samra Bonvoisin et Claude Forest : « Partout, nous avons rompu avec le mono-écran, réduit la taille des salles pour diversifier l’offre des films (…) Au moment où j’ai décidé de casser cet outil, le Palace des origines, je l’ai vécu comme un « arrêt de mort » (…) Avec ces nouveaux dispositifs, nous avons en revanche retrouvé progressivement un niveau de fréquentation presque équivalent à celui qui précédait la chute (de 350 000 à 300 000 entrées au Palace d’Avignon) ».
Ci-dessus: la salle 1.
Le complexe comporte désormais 1 150 places. Le Film Français du 7 décembre 1973 évoque les transformations : « La salle 1 (700 places) : les murs sont revêtus de cléryl, aux tons dégradés de teintes chaudes, allant du beige rosé au brun rouge. Le sol est revêtu de moquette orange. Le plafond est constitué d’éléments de staff décoratifs à relief accentué. Les sièges sont en corfeu chaudron. L’éclairage est assuré par un ensemble de luminaires sphériques de couleur noir. »
Ci-dessus: la salle 2.
Et de poursuivre sa visite : La salle 2 (230 places) : les murs sont revêtus de tissus de clévyl, aux turquoise ; le moquette de sol est d’un bleu profond. Les sièges de style « Club » comportent une coque blanche et un revêtement en corfeu couleur sable. L’éclairage est composé par un jeu de luminaires muraux assurant une ponctuation lumineuse des parois. »
Ci-dessus: la salle 3.
La revue finit par les deux plus petites salles : « La salle 3 (100 places) : est traitée dans un style « Club ». Les murs sont revêtus de corfeu de couleur mordorée, identique aux fauteuils. Un mur décoratif a été construit en pierre dite « ont du Gard ». La moquette est de couleur vert amande ».
Ci-dessus: la salle 4.
« La salle 4 (120 places) : les murs comportent un revêtement de bandes de tissus de tons dégradés dans les beige et marron et une série de photographies de vedettes de Music-hall ayant fait leur début sur la scène de l’ancien Palace. Le sol est de couleur brune tirant vers le noir et les fauteuils sont habillés de corfeu orange ».
Les salles du complexe flambant neuf ouvrent progressivement : le 2 novembre 1973, « le Palace 1 » accueille pour la première fois les Avignonnais avec Le Grand Bazar (Claude Zidi) avec Les Charlot. « Le Palace 4 » ouvre le 8 novembre 1973 avec Le Cercle noir (Mickael Winner), « le Palace 3 » le 14 novembre 1973 avec une reprise de L’Aventure c’est l’aventure (Claude Lelouch) et « le Palace 2 » le soir du 25 décembre 1973 avec Les Trois Mousquetaires (Richard Lester).
Pierre Pezet et Max Carton, exploitant du Capitole, trouvent un accord avec les distributeurs pour programmer des films différents dans chaque établissement. Mais, progressivement, la sortie de certains films dans les deux salles impacte nécessairement les rendements.
Dès 1984, la chute de la fréquentation nationale est sévère : cette année-là, le CNC recense 190,8 millions de spectateurs. Ils ne seront plus que 116 millions en 1992. C’est durant cette période décisive, de 1985 à 1988, que Pierre Pezet occupe les fonctions de président de la F.N.C.F. (Fédération Nationale des Cinémas Français).
La fin d’un cinéma
Pierre Pezet cède ses sociétés en 1992 : Pathé devient propriétaire du Palace d’Avignon, avec à sa tête Philippe Delmas, ainsi que celui de Valence. L’inauguration, en février 1995, du multiplexe Pathé au sein du centre-commercial Cap Sud modifie progressivement le paysage cinématographique avignonnais. La présence d’un parking gratuit constituer un précieux atout pour les spectateurs venant des environs.
Ci-dessus: le Pathé Palace en juillet 1998.
La fréquentation des cinémas du centre-ville chute ce qui incite le Capitole à se délocaliser au Pontet : le multiplexe Capitole-Studios est naît. La présence des deux puissants multiplexes entraîne la fermeture du Palace le 19 mars 2003. Les cinq salles du Palace (350, 160, 80, 85 et 90 places) se reconvertissent en théâtre dédié aux spectacles humoristiques.
Après deux ans de fermeture, le Palace est racheté en 2024 par le producteur avignonnais Hicham Fassi-Fihri qui propose de multiples programmes, théâtre, musiques et festival Off.
Ci-dessus: l’ancien cinéma en 2025.
Texte: Thierry Béné
Documents: La Cinématographie française, La Revue de l’écran, Les Tablettes d’Avignon, Le Film français, BnF-Gallica et collection particulière.
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