Adresse: 36 rue Saint-Ferréol et 3 rue du Jeune Anacharsis à Marseille (Bouches-du-Rhône)
Nombre de salles: 1 puis 4

Dans les années 1980 à Paris, le Hollywood Boulevard, le mythique cinéma du producteur René Chateau, marque une génération de cinéphiles qui découvrent les films de Bruce Lee. Quelques dizaines d’années plus tôt dans le centre-ville de Marseille, c’est une autre salle de cinéma qui prend le nom du célèbre quartier de Los Angeles. Le Hollywood marseillais, avec ses 1200 fauteuils répartis dans le balcon et l’orchestre, ouvre ses portes le 13 février 1939. La salle est dirigée par un certain M. Garnier qui, avant d’en prendre les commandes, avait donné un nouveau souffle au prédécesseur du Hollywood, le Régent.

La presse met beaucoup en avant, parmi les innovations que le nouveau cinéma de la cité phocéenne apportent en ce début de l’année 1939, les deux accès situés sur deux artères différentes – la rue Saint-Ferréol et la rue du Jeune Anacharsis – menant au hall du Hollywood ainsi qu’une buvette ouverte aux passants.

Jusqu’en 1938, le Régent – l’ancien Hollywood – est alors un cinéma de quartier vétuste qui disparaît bientôt sous le pic des démolisseurs. C’est sur ce même emplacement qu’est édifiée la nouvelle salle évoquée dans le quotidien « Le Radical » daté du 14 février 1939: « Hier soir a eu lieu le gala d’ouverture du beau cinéma Hollywood au 36 rue Saint-Ferréol, qui a adopté, dès son ouverture la formule du permanent à 5 francs. Au préalable, hier matin à 11 heures ; la direction d’Hollywood, MM Gardanne et Garnier en tête avait convié la presse à assister à la visite de la nouvelle et splendide salle. Est-il besoin de dire que les journalistes furent unanimes à convenir du modernisme de la salle, de la belle organisation des installations, du luxe, du bon goût, sans oublier l’urbanité de cette réception. A l’issue de cette visite, un lunch fut servi au buffet-bar (…) Notons que ce bar donnant sur la rue Saint-Ferréol est non pas réservé aux seuls clients d’Hollywood, mais il est public, c’est-à-dire que tout passant pourra venir s’y désaltérer en même temps qu’il admirera le splendide hall d’entrée qui est une merveille de modernisme, d’originalité et de bon goût. Cette prise de contact avec « Hollywood » laisse à chacun le plus agréable et la meilleure des impressions. Bon augure… Et le soir, ce fut le gala d’inauguration à guichets fermés en présence d’un public sélect et nombreux. Le coup d’œil dans la salle était féerique et le public manifesta durant le déroulement du programme son entière satisfaction. Quant au programme en lui-même, il tint ce qu’il promettait. Avec les Actualités mondiales, on vit « Son meilleur ami » film très intéressant joué par un chien : et puis une bande en couleurs « Hollywood Party » et puis une trépidante et sentimentale opérette américaine « Rosalie » interprétée par Eleanor Powel et Nelson Eddy. Et puis ce fut a réception au bar-Hollywood, et la sortie. Nous ne pouvons que féliciter bien sincèrement la direction de Hollywood qui vient de doter notre ville-et de l’embellir-d’un splendide établissement, d’une salle attrayante et luxueuse en même temps que d’un cinéma à la formule heureuse et à la portée de toutes les bourses. Ajoutons enfin que le spectacle est permanent de 14 heures à minuit, sans interruption que d’un petit entr’acte avant 21 heures et que le programme passe entièrement de 21 heures à minuit ».

Ci-dessus: façade du cinéma Hollywood avec à l’affiche « Madame et son clochard » de Norman Z. McLeod, sorti le 2 mars 1939.

Ci-dessus: vue du vaste hall et du bar du nouveau cinéma Hollywood en 1939.

Ci-dessus: à gauche, pavé de presse du Régent (ancien Hollywood) le 6 mars 1935 avec à l’affiche « La Reine de Barritz » de Jean Toulout. A droite, la promotion du film « La Piste du nord » de Jacques Feyder à l’affiche du Hollywood le 9 septembre 1942.

Le Hollywood, « le plus somptueux permanent de Marseille ».

Le Hollywood, dont le slogan est alors « le plus somptueux permanent de Marseille » diffuse sporadiquement des films en première vision, les secondes visions figurent en fait l’essentiel de sa programmation. La revue La Cinématographie française souligne combien les recettes des premiers mois sont importantes. On peut y voir le 23 février 1939 en seconde vision « Prison de femmes » de Roger Richebé avec Viviane Romance, un grand succès d’avant-guerre. Suivent le 9 mars 1939 « Entrée des artistes » de Marc Allégret, le 16 mars « Amanda » de Mark Sandrich avec Fred Astaire et Ginger Rogers, le 16 juin le chef d’œuvre de Jean Grémillon « L’Etrange monsieur Victor » avec Raimu ou bien le 19 juillet « Adrienne Lecouvreur » de Marcel L’Herbier avec Pierre Fresnay et Yvonne Printemps.

Quand la guerre éclate, l’affiche du Hollywood depuis le 30 août 1939 est « Le Récif de corail » de Maurice Gleize avec Jean Gabin et Michèle Morgan. Durant toute la période de guerre et pendant l’Occupation, le Hollywood maintient une programmation de films en seconde vision ainsi que des reprises, la zone libre ayant des difficultés dans l’approvisionnement de productions nouvelles. A l’instar des salles implantées dans cette partie de la France non encore occupée, le Hollywood diffuse des productions issues des studios américains comme, le 2 avril 1941, « Mademoiselle et son bébé » de Garson Kanin avec Ginger Rogers ou le 13 février de la même année « Les As d’Oxford » d’Alfred J. Goulding avec Laurel et Hardy.

Le Hollywood devient la salle de seconde vision des grands films auparavant sortis dans les salles du Rex et du Pathé Palace. Avec ses prix attractifs, l’affiche du Hollywood propose le 9 septembre 1942 « La Piste du Nord » de Jacques Feyder, le 25 novembre « La Loi du printemps » de Jacques Daniel Norman, le 6 janvier 1943 « Pontcarral Colonel d’Empire » de Jean Delannoy ou bien le 26 janvier 1944 « L’Éternel retour » du même réalisateur.

Les bombardements alliés sur le port de cité phocéenne provoquent des dommages sur plusieurs immeubles, dont les salles de cinéma. Le 27 mai 1944, le Rex qui appartient également à M. Gardanne, est entièrement détruit. Le Hollywood prend le relais des premières exclusivités qui doivent sortir au Rex et affiche ainsi le 7 juin 1944, en exclusivité à Marseille, « L’Inévitable monsieur Dubois » de Pierre Billon, « Vautrin » du même réalisateur le 21 juin ou bien « Donne-moi tes yeux » de Sacha Guitry le 28 juin de cette même année.

Au sortir de la guerre, la situation de l’exploitation cinématographique est critique à Marseille comme dans la plupart des villes de France. Si à la Libération des milliers de soldats américains fréquentent les salles de cinéma, leur départ entraîne une baisse significative des entrées. Les recettes restent correctes durant les séances de l’après-midi, mais les marseillais ne fréquentent pas les cinémas en soirée.

A Marseille dans ces années d’après-guerre, la projection de films français est plus importante que celle des films étrangers, surtout dans les grandes salles du centre. Les revues corporatives soulignent l’insuffisance de salles de première vision ce qui constitue un handicap sérieux pour l’exploitation. Ainsi, avant le conflit, sept cinémas seulement permettent la sortie à Marseille de films en première vision: l’Odéon, le Capitole, le Studio, le Pathé-Palace, le Rex, le Rialto et le Majestic.

Après le conflit, le nombre de salles de première vision est réduit: le Capitole est réquisitionné, le Rex détruit et l’Odéon programme régulièrement des productions scéniques. En 1945, les grandes salles marseillaises enregistrent une baisse de 15 à 20% des recettes. Cette même année, la meilleure sortie de la région revient au film « Les J3 » de Roger Richebé sorti en tandem au Pathé-Palace et au Hollywood pendant deux semaines durant les fêtes de fin d’année. Les succès se succèdent dans ces deux salles: « Untel père et fils » de Julien Duvivier le 9 janvier 1946, « Lunegarde » de Marc Allégret le 16 janvier, « Madame et son flirt » de Jean de Maguenat le 23 janvier, « La Part de l’ombre » de Jean Delannoy le 30 janvier 1945 ou encore « Les Voyages de Gulliver » de Dave Fleischer le 6 février 1946.

Le 22 mai 1946, le Hollywood entièrement rénové par Eugène Chirié (1902-1984) rouvre son rideau. L’architecte à l’origine de l’édification de plusieurs temples du cinéma à Marseille, dont le Pathé-Palace, le Rex, l’Odéon, l’Eldorado, le Ciné-Madeleine, le Royal et l’Olympia, œuvre aussi dans d’autres villes de la région. La Cinématographie française commente cette transformation due à Eugène Chirié: « Cette salle dirigée par M. Garnier a été restaurée en un temps record: 7 jours et 7 nuits de travail ininterrompu. Il faut surtout remarquer les superbes tissus des revêtements muraux en tissu de verre or clair, produits incombustibles qui en ont entièrement modifié l’acoustique ».

Vers un cinéma de premières exclusivités.

En 1947, Marseille compte, sur les quatre-vingt existantes, quinze salles de première vision. Un an plus tard, le Hollywood programme ses films en combinaison avec le Pathé-Palace ou Le Français. En tandem avec le Pathé-Palace, on assiste à la sortie du « Bal des sirènes » et de « La Belle et la bête » de Jean Cocteau ou encore, en 1948, du film de René Clair « Le Silence est d’or ». Cette même année, Le Hollywood programme conjointement avec Le Français et parmi d’autres films, « En marge de l’enquête » de John Cromwell avec Humphrey Bogart, « La Duchesse des bas-fonds » de Mitchell Leisen avec Paulette Goddard ou « Brève Rencontre » de David Lean.

Ci-dessus: « Le Secret des Incas » à l’affiche du Hollywood le 8 juin 1955.

A partir de 1950, le Hollywood devient une salle de première vision pour des films policiers, d’aventures ou des westerns. On peut y applaudir le 13 décembre 1950 « La Corde » d’Alfred Hitchcock, le 28 mars 1951 « Les Chevaliers du Texas » de Ray Enright ou bien le 23 mai 1951 « Christophe Colomb » réalisé par David MacDonald.

Le Hollywood s’associe bientôt avec le cinéma Le Studio, une des trois salles de La Canebière. L’affiche annonce ainsi le 19 décembre 1951 « La Révolte des dieux rouges » de William Keighley ou bien le 12 novembre 1952 « L’Aigle rouge de Bagdad » réalisé par Lew Landers. C’est avec le Cinévog et les Variétés que le Hollywood noue par la suite ses accords de programmation.

Ci-dessus: la salle rénovée du cinéma Hollywood en 1956. 

Ci-dessus: vue de la salle en 1956. 

Le 5 juin 1956, le Hollywood ferme ses portes pour plusieurs semaines en vue d’une transformation complète par les architectes Georges Peynet, Joseph Lajarrige et Potou. Ces derniers, qui viennent d’achever les transformations du Rialto, veulent faire du Hollywood un des plus beaux théâtres cinématographique de Marseille. Quant à Georges Peynet, son œuvre foisonnante de création ou de transformation de salles de cinéma lui vaut le surnom de « l’architecte des salles de cinéma ». La revue Le Film français revient sur la salle transformée: « en opposition au Rialto, le Hollywood a été modernisé avec la volonté de réaliser une décoration actuelle. En encadrement de scène sous un auvent cintré, se développe un rideau de soie de verre à la Grecque. Ce rideau donne de l’ampleur à la salle en se prolongeant de part et d’autre du cadre. Les murs ont été recouverts de tissu d’amiante avec surimpression de sillone brillante. Enfin, une applique audacieuse développe sur les murs une arabesque de lumière. Les tons de ce cinéma sont gris parme pour les soubassements moquette, gris foncé pour la moquette au sol, rouge et gris pour les fauteuils et jaune deux tons pour les tentures. Le hall d’entrée a été entièrement rénové. Un plafond en staff recevant des tubes luminescents longitudinaux dirige le public au foyer de l’orchestre où l’on accède par des batteries de portes sécurit. De larges panneaux publicitaires meublent le hall ».

Le Hollywood modernisé programme ses films en tandem avec le Pathé-Palace. L’accord de programmation avec la prestigieuse salle de La Canebière est inauguré avec « La Fille sur la balançoire » de Richard Fleischer. Suivent le 29 août 1956 « Sept ans de réflexion » de Billy Wilder, le 19 septembre de la même année « Il Bidone » de Federico Fellini, le 10 octobre « Gervaise » de René Clément, le 5 novembre 1958 « Taxi, roulotte et corrida » d’André Hunebelle, le 14 octobre 1959 « Certains l’aiment chaud » de Billy Wilder, le 10 février 1960 « La Mort aux trousses » d’Alfred Hitchcock ou le 25 avril 1962 « Les Quatre cavaliers de l’apocalypse » de Vicente Minnelli.

Ci-dessus: « Gigi » de Vincente Minnelli à l’affiche du Hollywood le 18 février 1959.

Ci-dessus: « Les Quatre cavaliers de l’Apocalypse » de Vincente Minnelli à l’affiche du Hollywood le 15 avril 1962.

Ci-dessus: « L’Or de Mackenna » de Jack Lee Thompson à l’affiche du Capitole et du Hollywood le 9 avril 1969.

Malgré sa transformation en un complexe de quatre salles, la fin du Hollywood est proche.

En mai 1963, les distributeurs de Parafrance Jo et Samy Siritzky concluent un accord avec M. Gardanne, président de la société Régent, qui prévoit, à partir du 15 août, de programmer les grandes exclusivités leurs films en tandem avec Les Variétés. Les frères Siritzky envisagent même l’installation du 70MM aux Variétés et au Hollywood, une technologie déjà installé à l’ABC et à l’Odéon. Pour la sortie du futur succès historique de « La Grande vadrouille » de Gérard Oury, le Hollywood est intégré dans la combinaison de programmation avec le Studio, le Ciné-Madeleine et le César.

Les mêmes salles marseillaises sont choisies pour programmer le 13 décembre 1967 « Les Grandes vacances » de Jean Girault et le 27 mars 1968 « Le Petit baigneur » de Robert Dhéry. A la fin des années 1960, le Hollywood s’associe avec le Capitole ou l’Odéon. « Borsalino » de Jacques Deray est le dernier gros succès dans la salle unique du Hollywood. Le film qui réunit Alain Delon et Jean-Paul Bemondo est également à l’affiche le 25 mars 1970 du Capitole (134 La Canebière), du Majestic (53 rue Saint-Ferréol), du Meilhan (138 La Canebière) et du Drive-in (boulevard Desplaces).

Ci-dessus: une des quatre salles du cinéma Hollywood en 1973. 

Ci-dessus: façade du Hollywood, côté rue Saint-Ferréol, en 1981. Le cinéma possède désormais quatre salles. 

Le 21 novembre 1973, la salle ferme ses portes en vue de la transformation de la salle unique en un complexe de quatre salles. Le nombre total de fauteuils passe de 950 dans l’ancienne salle à 640 répartis dans les quatre nouvelles salles. La grande salle, aux murs blancs et au plafond de couleur verte, compte désormais 220 fauteuils. La programmation du Hollywood inclut les films sortis dans le circuit Parafrance. Ce qui devait impulser une nouvelle dynamique au complexe modernisé ne porte pas ses fruits: le Hollywood, avec ses petites salles dotées d’une isolation acoustique médiocre, perd des spectateurs.

En 1985, la fréquentation des salles de Marseille chute de 17%: les marseillais délaissent pour leurs sorties le centre-ville, où l’insécurité est pointée du doigt, au profit des cinémas situés hors du centre historique. Les salles du Pathé Madeleine, du Prado ou du Chambord, implantées sur des artères prévoyant des parkings, ont le vent en poupe.

La fin est proche pour le Hollywood. Après le Pathé-Palace et le Rex de la rue de Rome, c’est au tour du cinéma inauguré en 1939 de baisser définitivement son rideau. A la fin de l’année 1987, le cinéma au nom mythique joue ainsi sa dernière séance.

Remerciements: M. Thierry Béné.
Documents: Le Film français, La Cinématographie française, Gallica – BnF.