Il était « le juif le plus haï de France » selon les mots de Serge Klarsfeld. Pourtant, Bernard Natan était l’un des plus grands producteurs de cinéma de l’entre deux-guerres. Natif de Roumanie, le fondateur de Rapid-Film est rapidement propulsé à la tête de Pathé-Consortium qu’il consolide et modernise. Sur le modèle des studios américains, il intègre toutes les étapes de la fabrication des films jusqu’à son exploitation. Il relance la firme au coq grâce à la production de longs-métrages de qualité, à la création de salles de cinéma majestueuses ou aux investissements stratégiques dans les innovations technologiques.
Mais une sombre histoire financière, jamais résolue, entraîne son éviction du conseil d’administration de Pathé en 1935 et provoque sa chute. Emprisonné, l’homme est relâché – de façon cynique – la veille de la rafle du Vel-d’Hiv. Depuis Drancy, il embarque vers Auschwitz où il est assassiné quelques jours après. Sa mémoire salie, son oeuvre au sein de la vénérable Pathé oubliée, ses biens spoliés, le film documentaire de Francis Gendron, oeuvre nécessaire pour comprendre le climat antisémite qui se propage en France dès le début des années 1930, réhabilite l’un des grands industriels du cinéma.
Les images d’archives compilées par Francis Gendron et Alain Braun illustrent parfaitement l’ascension et la descente aux enfers de Natan Tannenzapf, né en 1886 à Iassy en Roumanie au sein d’une famille de cristalliers. Amoureux du pays de Ronsard, Bernard et son frère Emile arrivent sur le sol français où, passionné de cinéma, l’aîné fonde le laboratoire Rapid-Film qu’il installe au 6 rue Francoeur dans le XVIIIème arrondissement parisien. Lors du rachat de Pathé en 1929, Bernard Natan inaugure dans ce même bâtiment les studios Pathé qui cesseront leur activité en 1990. Aujourd’hui, l’école de cinéma La Fémis loge à cette adresse historique où une simple plaque rend hommage à l’industriel.
Tous les amoureux du cinéma et de l’Histoire doivent absolument découvrir « Bernard Natan, le fantôme de la rue Francoeur » où on apprend que Pathé, dans sa politique de concentration industrielle, achète le réseau des salles Lutétia-Fournier. Bernard Natan inaugure les grands salles des cinémas Marignan et Ermitage sur les Champs-Elysées ou le somptueux Pathé Bellecour à Lyon. C’est encore lui qui initie les projets d’adaptation cinématographique de « La Merveilleuse Vie de Jeanne d’Arc, fille de Lorraine » (1929) réalisé par Marco de Gastyne et ceux parlants des « Croix de bois » (1932) et des « Misérables » (1934) de Raymond Bernard.
Ci-dessus: le cinéma Pathé Natan Marignan sur les Champs-Elysées. Collection particulière.
Ci-dessus: le scénariste Alain Braun venu présenter « Bernard Natan, le fantôme de la rue Francoeur » au cinéma Saint-André-des-Arts à Paris.
Laisser un commentaire