Adresse: 2 boulevard des Capucines à Paris (9e arrondissement)
Nombre de salles: 1 puis 7
Aujourd’hui sous l’enseigne Pathé Palace
Le cinéma Paramount est inauguré le 24 novembre 1927 en lieu et place du théâtre du Vaudeville, une salle de spectacle créée au début du XIXe siècle. C’est Adolph Zukor, cofondateur de la Paramount Pictures, qui initie l’ouverture durant les années 1920 de nombreux temples du cinéma à l’enseigne du célèbre studio.
Le Paramount, « le Ritz des cinémas parisiens ».
Le Paramount devient dès son inauguration un des plus luxueux cinémas de la capitale. Il adoptera le slogan « Le Ritz des cinémas parisiens » en référence au palace de la place Vendôme. Les proportions de la salle sont impressionnantes: sur trois niveaux l’orchestre, la mezzanine et le balcon totalisent une capacité de 1920 fauteuils. Le premier balcon est nommé mezzanine, un terme italien que les américains ont repris et qu’on nommait en France premier balcon.
L’hebdomadaire Comoedia commente alors l’ouverture de la salle: « La scène a 12 mètres de large sur 8 mètres de profondeur. L’écran d’origine à une surface de 15 m2 (5 mètres de large et 3 mètres de haut). La presse annonce que la projection se fait de face à 30 mètres. La fosse d’orchestre pour 35 musiciens est placée à 3 mètres au dessous de l’orchestre. Des orgues spécialement construites pour le théâtre peuvent à la fois exécuter des morceaux classiques et reproduire les instruments de jazz ainsi que des bruits. »
La cabine de projection est une vaste galerie spacieuse qui est située au faîte de la salle et comporte quatre appareils plongeant sous un angle de 22° ½. Les 20 000 mètres cubes d’air sont renouvelés entièrement six fois par heure grâce en partie par de l’air frais capté à 25 mètres au dessus du sol ainsi que par le renouvellement de l’air de la salle, purifié, rafraîchi en été et réchauffé en hiver. Ce système de ventilation, inconnu dans la France de 1927, sera beaucoup mis en avant sur les publicités de la salle, un atout majeur face aux cinémas concurrents.
Ci-dessus: la salle avec balcon et mezzanine en 1927.
Le film inaugural du cinéma Paramount est Chang (Merian C. Cooper et Ernest B. Schoedsack), un film d’aventures produit par le studio. Se succèdent les grands films muets de la Paramount, à l’instar du film à succès Les Ailes (William A. Wellman) sorti le 23 novembre 1928.
Le 28 juin 1929, le cinéma annonce Venez entendre Maurice Chevalier pour promouvoir la sortie de La Chanson de Paris (Richard Wallace), le premier film du chanteur tourné aux Etats-Unis et produit par le studio. Maurice Chevalier, alors une des stars du studio, voit ses films sortir dans la majestueuse salle des Grands boulevards, en particulier ceux tournés par Ernst Lubitsch tels Parade d’Amour le 28 février 1930 et Paramount en parade le 5 décembre 1930.
Les attractions qui accompagnent chaque programme sont fastueuses.
Ci-dessus: façade avec Nuits de feu (Marcel L’Herbier) en 1937.
La salle des grandes productions du studio américain.
Dès 1928, le cinéma Paramount institue le « spectacle permanent » qui débute dès 9h30 jusqu’à 2h15 du matin, soit huit représentations quotidiennes. Un spectacle sur scène est alors présenté cinq fois par jour.
La firme américaine s’installe dans les studios de Joinville dès 1930 et supervise le tournage de plans de raccords des films américains pour leur exploitation en France. De nombreux films français sont également produits par la Paramount comme en 1932 Une petite femme dans le train (Karl Anton), Compartiment de dames seules (Christian-Jaque) en 1934 et L’Ecole des contribuables (René Guissart).
Ces œuvres feront les beaux jours de la salle du boulevard des Capucines en alternance avec les productions américaines du studio: Cléopâtre et Le Signe de la croix, tous deux de Cecil B. DeMille, et Les Trois lanciers du Bengale (Henry Hathaway).
Pendant la période de l’Occupation, le nouvel exploitant Roger Richebé obtient un bail de quatre ans pour sa salle dont la gestion échappe aux Allemands alors qu’Alfred Greven, par le biais de la S.O.G.E.C., contrôle la plupart des grandes salles d’exclusivité. Fondateur de la Continental Films, Alfred Greven crée un circuit de salles qui s’appuie sur les salles spoliées ou rachetées, à l’instar du circuit de Léon Siritzky.
Les films réalisés par Roger Richebé sont à l’affiche du cinéma: Madame Sans-Gêne le 7 octobre 1941, Les Jours heureux le 24 décembre et Romance à trois le 17 juin de l’année suivante.
Ci-dessus: la façade du Paramount le 1er mars 1935 pour la sortie des Trois Lanciers du Bengale (Henry Hathaway).
Les grandes premières se succèdent dans la salle du Paramount. Dès 1935, Gary Cooper et Henry Hathaway assistent au gala de sortie des Trois Lanciers du Bengale. Deux ans plus tard, Shirley Temple provoque une émeute. Des années plus tard, les premières de Paris brûle t-il? (René Clément) en 1966 et Borsalino (Jacques Deray) en 1970 seront abondamment commentées par la presse.
A la Libération, la Paramount y programme ses films avec, le 22 décembre 1944, Les Voyages de Gulliver (Dave Fleischer) sorti aux Etats-Unis en 1939. La salle alterne les sorties maison ainsi que des productions françaises, les accords Blum-Byrnes ayant fixé des quotas de quatre semaines sur treize réservées à l’exploitation de films français.
Ainsi, Antoine et Antoinette (Jacques Becker), Messieurs Ludovic (Jean-Paul Le Chanois) alterneront avec les films de Billy Wilder Assurance sur la mort ou Le Poison.
Ci-dessus: la salle rénovée du Paramount en 1957 pour accueillir Les 10 Commandements.
Le 22 décembre 1954 débarque au Paramount l’écran large VistaVision, un procédé du studio qui concurrence le CinemaScope de la Fox. Les films d’Alfred Hitchcock tournés pour le studio sortent dans la majestueuse salle du boulevard des Capucines: Fenêtre sur cour le 30 mars 1955, La Main au collet le 23 décembre de la même année, Mais qui a tué Harry? le 7 septembre 1956 après une exclusivité au cinéma Monte Carlo des Champs-Elysées. Suivront L’Homme qui en savait trop le 12 octobre 1956, Sueurs froides le 30 janvier 1959 et enfin Psychose le 2 novembre 1960.
L’événement de cette décennie reste la sortie du film de Cecil B. DeMille Les Dix Commandements qui occupe l’affiche le 17 janvier 1958 et y reste 32 semaines.
Ci-dessus: La façade en 1951 avec à l’affiche Samson et Dalila (Cecil B. DeMille).
Ci-dessus: Brigitte Bardot à l’affiche den 1956 avec La Lumière d’en face (Georges Lacombe).
Ci-dessus: façade avec Hatari (Howard Hawks) en 1962.
Le cinéma Paramount restructuré en un complexe de sept salles.
Durant les années 1960, la fréquentation de la salle reste à un haut niveau. A l’heure où les salles mono-écran sont transformées en multisalles, le Paramount inaugure en 1972 une « salle circulaire » de 400 fauteuils. Dotée d’un écran incurvé de 11 mètres de base, elle est créée dans les sous-sols du bâtiment.
Ci-dessus: la nouvelle « salle circulaire » du cinéma.
Ci-dessus: le hall d’accès à la « salle circulaire ».
Désormais équipé de deux salles, le Paramount continue sa mutation: la grande salle ferme pour être restructurée en un vaste complexe cinématographique. Durant les travaux, seule la nouvelle « salle circulaire » reste ouverte à l’exploitation avec notamment Le Dernier Tango à Paris (Bernardo Bertolucci) qui tient l’affiche de nombreux mois.
C’est en 1974 que rouvre sous l’enseigne Paramount-Opéra le complexe flambant neuf de sept salles. La grande salle de 800 fauteuils est équipée d’un écran de 20 mètres de base: elle est créée sur les vestiges du deuxième balcon. Les salles 2 et 4 sont construites dans les anciens orchestre et premier balcon.
Trois nouvelles salles de tailles plus modestes sont ouvertes dans les dépendances de l’ancien théâtre. Enfin, la « salle circulaire » est conservée à l’identique.
Le Paramount-Opéra est alors un grand cinéma populaire, doté de qualités techniques optimales, et affichant les grands exclusivités en version française.
Ci-dessus: le nouveau hall du Paramount-Opéra en 1974.
Ci-dessus: parmi les nouvelles salles créées du Paramount-Opéra en 1974, la Salle 4.
Ci-dessus: le Paramount Opéra en 1991 avec à l’affiche Terminator 2. Photo Christophe Stoltz.
Ci-dessus: le Paramount Opéra – futur Pathé Palace – et à droite le Gaumont Opéra Français en 2007.
Ci-dessus: la façade du Paramount-Opéra en 2007.
Le Paramount-Opéra passe sous l’enseigne Gaumont.
En 2009, après quatre-vingt années d’exploitation par la Paramount, le complexe est cédé à Gaumont qui le renomme Gaumont Opéra Capucines, puis simplement Gaumont Opéra.
Les vestiges Art déco subsistent dans l’actuel cinéma notamment dans le foyer.
Exploité conjointement avec les deux autres complexes de la firme à la marguerite le Gaumont Opéra Français (fermé en 2018) et le Gaumont Opéra Premier (aujourd’hui Pathé Opéra, ancien Berlitz), l’ancien Paramount arbore dès 2024 l’enseigne Pathé Palace.
Voulu par Jérôme Seydoux, le imaginé par l’architecte Renzo Piano ouvre le 10 juillet 2024.
Photos du cinéma Paramount au fil des ans:
Ci-dessus: hall en 1948.
Ci-dessus: Le Joyeux barbier à l’affiche de la façade rénovée le 24 décembre 1948.
Ci-dessus: Les Conquérants du Nouveau Monde à l’affiche le 26 mai 1950.
Ci-dessus: Strategic Air Command à l’affiche le 7 octobre 1955.
Ci-dessus: Noël blanc (Michael Curtiz) à l’affiche en 1954 en VistaVision.
Ci-dessus: vue des balcon et mezzanine de la salle en 1957.
Ci-dessus: la salle en 1957.
Ci-dessus: l’enseigne lumineuse du cinéma.
A l’affiche du Paramount:
Ci-dessus: Alfred Hitchcock au Paramount avec L’Homme qui en savait trop le 12 octobre 1956.
Remerciements: M. Thierry Béné.
Documents: La Cinématographie française et Collection particulière.
Photo à la une: « Fedora » de Louis Gasnier (1934) avec Marie Bel à l’affiche du Paramount – collection particulière.
Bonjour Didier,
Effectivement, le Gaumont Opéra Capucines – ex-Paramount Opéra – va subir d’importantes restructurations durant 3 années. L’immeuble mitoyen, racheté récemment par la firme au coq, accueillera le nouveau siège social de Pathé.
Le cinéma Gaumont Opéra Capucines sera rebaptisé Pathé Opéra.
Espérons que les éléments Art Déco du foyer seront sauvegardés.
Bonjour,
J’ai été prévenu hier par un ami de la fermeture imminente du Gaumont-Opéra-Capucines. Renseignements pris directement auprès de la salle (c’est l’avantage de travailler à Ciné-Chiffres), voici ce qui m’a été confirmé : les Capucines fermeront bien leurs portes dimanche 13 octobre, après la dernière séance, et ce pour environ 3 ans de travaux. J’ai posé la question sur la teneur des travaux concernant l’intérieur de l’établissement (l’extérieur étant classé) et on m’a bien confirmé que tout sera détruit pour être entièrement moderniser ! Donc, adieu les escaliers et l’ensemble Art Déco d’origine… Vous avez, donc, jusqu’à dimanche pour vous rendre sur place et photographier les derniers vestiges avant qu’ils ne disparaissent à jamais !
Voilà, une nouvelle page va se tourner pour cette salle mythique…
J’ai vu les Dix Commandements au Paramount quand il est sorti. J’avais 7 ans. Woah…
Merci beaucoup Matthieu pour ces informations et ces précisions.
Thierry,
Vous avez raison, ce n’est pas la salle 3 de 900 places issue de l’ancien balcon 2ème car trop plate et sans les issues de secours de part et d’autre de la scène.
Il s’agit en fait de l’ancienne Salle 2 de 1100 places, issue de l’ancien orchestre et 1er balcon. Ensuite la salle 2 sera divisée en Salles 2 et 4 en 1978 (600 et 400 places), quatre ans plus tard. 2 salles assez longues et étroites avec chacune un balcon. Puis dans les années 90, le volume des salles 2 et 4 sera a nouveau changé. La salle 2 récupère toute sa largeur et son balcon et la salle 4 se situera au fond de l’orchestre de la salle 2 (sous le balcon de la salle 2). La salle 2 a alors 610 places et la salle 4, 240 places. Puis en 2006/2007, nouvelle rénovation avant la vente à Gaumont, et effectivement la salle 2 va être reconstruite en gradin et va perdre son orchestre et balcon. Le volume de la salle 4 (sous les gradins de la salle 2) est alors découpé en 2 salles de 150 et 120 places.
Du coup, sur la photo en question, c’est à priori le volume intact de l’ancien 1er balcon et orchestre suite au découpage en 2 de l’ancienne et unique salle du Paramount.
Ces 2 liens expliquent bien l’évolution du volume de 1974 à 2007:
http://www.silverscreens.com/paramount1.php
http://www.silverscreens.com/paramount-travaux.php
Bonjour Matthieu,
La presse corporative de l’époque ne précise pas quelle salle c’était, mais je pense qu’il s’agit de la salle 4 du rez-de-chaussée (correspondant à l’orchestre de l’ancienne salle unique) et qui avait un balcon (construit à partir de l’ancienne mezzanine).
Une autre salle jumelle (mais plus petite) avec balcon occupait le reste de l’espace de l’ancien orchestre. Cette salle 4 a été modifiée plusieurs fois et peu avant la vente par PARAMOUNT à GAUMONT. Les espaces de circulation étant modifiés, la salle a été reconstruite en gradins en supprimant le balcon. La salle du haut est beaucoup plus en gradins et on peut retrouver les portes de sorties de l’ancien balcon de chaque côté de la grande salle (ce que l’on ne voit pas sur la photo de 1974.
Je suis ému par les photos de 1974. Elles sont superbes. Je me rappelle bien de cette époque. Le Paramount était le plus fréquenté de la capitale et l’image et le son était d’un excellent niveau.
Il me semble que la photo de la « Salle 4 » en 1974 soit en réalité une photo de la « salle 3 », ancien balcon et la plus grande salle du cinéma après la rénovation de 1974. Elle avait 900 places et un écran de 20 mètres. C’est l’actuelle salle 1 du Gaumont Opéra (aujourd’hui, autour de 750-800 places), le volume est inchangé depuis 1974.
N’hésitez pas à partager d’autres photos du Paramount dans les années 70 mais aussi 80, 90 et 2000. En tant qu’éternel amateur du Paramount, je serais comblé!
Bravo pour ce bel article d’un cinéma heureusement toujours en activité!
La façade est superbe et l’actuelle grande salle magnifique avec ses cariatides qui sont l’oeuvre de Jules Salmson.
Très bel article sur ce mythique cinéma parisien avec de magnifiques photos. La façade a malheureusement perdu pas mal de sa superbe depuis son rachat par Gaumont-Pathé.