C’est le film qui a donné l’envie au petit Jean-Paul Gaultier d’embrasser la profession de styliste et de couturier. Dans l’exposition CinéMode, la Cinémathèque française met d’ailleurs à l’honneur ce film peu connu de Jacques Becker, auteur des indémodables Casque d’or (1952) et Rendez-vous de juillet (1949). Restauré en 4K par StudioCanal et distribué par Les Acacias, ce récit qui met en scène la vie d’une maison de couture et le destin tragique de son patron mérite amplement une redécouverte sur le grand écran.
Le fantasque et classieux M. Clarence (Raymond Rouleau) dirige avec passion et déraison sa maison de couture, entouré de ses fidèles assistantes (dont la formidable Gabrielle Dorziat) et de ses nombreuses « petites mains », couturières d’ateliers. Séducteur invétéré, Philippe Clarence collectionne les conquêtes féminines et créé pour chacune d’elle une robe sur laquelle il renseigne les dates de rencontre et de rupture. Dans l’ascenseur d’un immeuble bourgeois, Philippe croise la promise de son ami Daniel Rousseau (Jean Chevrier), la douce Micheline Lafaurie (Micheline Presle). Ce qui devait être pour Clarence une énième conquête éphémère se transforme en une passion amoureuse dévastatrice.
Mis en scène avec élégance et flamboyance, Falbalas plonge le spectateur au cœur d’une fourmilière où le maître des lieux, caractériel et passionné, fait la pluie et le beau temps, à l’instar de Phantom thread (2018) de Paul Thomas Anderson. C’est surtout un mélo amoureux presque adultérin – le mariage entre Micheline et Daniel n’est pas encore décidé – porté par les trois protagonistes, le fiancé, la promise et l’amoureux transi. C’est enfin un formidable document sur la vie parisienne sous l’Occupation (le film tourné en 1944 sort après la Libération, le 20 juin 1945): on s’y déplace à bicyclette et on commande au restaurant un camembert, alors une denrée rare.
L’acteur Raymond Rouleau, avec sa voix de stentor et sa silhouette longiligne, est magistral dans le rôle de l’halluciné couturier.
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