Adresse: 24 boulevard des Italiens à Paris (9ème arrondissement)
Nombre de salles: 1

En 1909, l’industriel Louis Aubert (1878-1944) fonde la Société des Etablissements Aubert qui remplace sa société d’alors, la Compagnie Générale Cinématographique. Avec sa nouvelle entreprise, Louis Aubert est bientôt à la tête d’une des plus importantes sociétés de distribution et de production de films en France. Parallèlement, l’homme d’affaires développe un important circuit de salles de cinéma implantées sur le territoire national.

Le 20 mai 1915 à 20 heures est inauguré au 24 boulevards des Italiens la salle du Cinéma des Nouveautés Aubert-Palace « dessinée, construite et décorée » par les établissements de Fernand Jacopozzi. Le film réalisé par Carmine Gallone d’après une pièce d’Henry Bataille, « La Femme nue » vanté comme « une exclusivité sensationnelle » est annoncé dans le programme inaugural de la salle. Les actualités prises sur le front avec l’autorisation du Grand Etat-Major complètent le film. L’ouverture des portes de l’Aubert-Palace au public a lieu le lendemain de la projection inaugurale.

Cinéma Aubert-Palace à Paris

C-dessus: les Etablissements de Fernand Jacopozzi choisis pour construire la future salle du boulevard des Italiens. 

Cinéma Aubert-Palace à Paris

Le quotidien Le Matin revient sur l’ouverture du nouveau cinéma des Grands boulevards: « Hier soir a eu lieu l’inauguration du cinéma des Nouveautés Aubert-Palace. Tout Paris était là et tout Paris a applaudi et le spectacle et la salle, véritable merveille de confort et de luxe, dans une note des plus originales. La décoration pompéienne avec ses reproductions de fresques, d’après l’antique cité, l’éclairage vraiment unique avec ses 5.000 lampes dissimulées dans la décoration et dont la teinte douce plaira à toutes les femmes, et pourtant les jeux de lumière du plafond manquent encore! La largeur des fauteuils jointes à l’élégance des loges, en fond le plus bel établissement des Boulevards ».

Pendant le premier conflit mondial, les journaux annoncent brièvement le programme des cinémas parisiens, dont les Nouveautés Aubert-Palace avec pour ce dernier la mention « programme variés et les dernières actualités du front ». La semaine du 18 février 1916, l’affiche de l’Aubert-Palace propose « Les Marraines de France » que les marraines et filleuls acclament. Suivent la comédie sentimentale « Autour d’une bague », les comédies « Bout de Zan veut s’engager » de Louis Feuillade et « La Poupée d’Olivette », le film-documentaire « Nos cousins à quatre pattes » et les films d’actualités du front « L’Artillerie sous terre » et le « Nouveautés-Journal ». Les séances sont permanentes de 14 à 23 heures.

En 1918, la revue Le Carnet de la Semaine datée du 27 janvier évoque les programmes des Nouveautés-Aubert-Palace en ces termes: « La publicité de l’Aubert-Palace se fait toute seule, c’est-à-dire par les spectateurs. Ceux-ci ravis, amusés, persuadent leurs amis et connaissances, qui contents à leur tour, envoient du monde. Ainsi grandit la renommée de ce superbe établissement ».

Durant l’Armistice, les séances sont toujours composées de divers films de court ou moyen-métrages dont des sérials comme en témoigne le programme du 25 juillet 1920: « Sur la piste sans fin », un drame interprété par Tom Mix, « La Justice de la sorcière », le 11ème épisode de « Impéria », « Jenny » une comédie dramatique jouée par Jackie Saunders », « La Venise du Nord », plein air, Nouveautés-Journal, faits divers mondiaux ». Les représentations ont lieu tous les jours, les séances étant permanentes à partir de 13h30.

Cinéma Aubert-Palace à Paris

Cinéma Aubert-Palace à Paris

Ci-dessus: le programme du Cinéma des Nouveautés Aubert-Palace.

Cinéma Aubert-Palace à Paris

Ci-dessus: ticket du Cinéma des Nouveautés Aubert-Palace.

Ci-dessus: « L’Opinion publique » de Charles Chaplin en exclusivité à l’Aubert-Palace le 18 avril 1924.

Nana de Jean Renoir

Ci-dessus: « Nana » de Jean Renoir à l’affiche le 25 juin 1926.

Ivan le Terrible

Ci-dessus: « Ivan le Terrible » de Sergueï Eisenstein en exclusivité à l’Aubert-Palace le 2 septembre 1927.

Dans les années 1920, l’Aubert-Palace devient une salle de premières exclusivités avec à l’affiche des productions de qualité comme, le 24 novembre 1922, le film réalisé par Robert Flaherty « Nanouk l’esquimau » vanté comme « le plus beau film du monde ». Suivent entre autres « Le Roi du cirque » de Édouard-Émile Violet et Max Linder, « L’Opinion publique » de Charles Chaplin à l’affiche le 18 avril 1924, « Nana » de Jean Renoir le 25 juin 1926, « Faust » de Friedrich Wilhelm Murnau le 11 mars 1927 et « Ivan le Terrible » réalisé par Sergueï Eisenstein le 2 septembre de la même année.

A l’Aubert-Palace, le premier film sonore en exclusivité à Paris.

Considéré comme le premier film sonore incluant des chants grâce au procédé par disques Vitaphone, « Le Chanteur de jazz » d’Alan Crosland est programmé en exclusivité à l’Aubert-Palace dès le 25 janvier 1929. La location est ouverte tous les jours, les représentations ayant lieu à 14h45, 17h25 et en soirée à 21h15. La critique est sévère pour ce film qui fait l’événement; cependant Jean Tedesco dans la revue Cinéa revient sur les réactions du public devant la première parole entendue au cinéma, le fameux « How do you like that mother? » : « Beaucoup l’ont entendu avec une surprise désagréable, moqueuse et bientôt dénigrante (…) De même que les images cinématographiques sont une représentation arbitraire de l’univers, la reproduction électrique des paroles transforme celles-ci et les emporte de force dans un domaine irréel. Le synchronisme du film parlant, loin de m’étonner par sa merveille scientifique, me fait croire à l’existence véritablement hallucinante de nouveaux héros dramatiques ». Qu’importe les sarcasmes des critiques et du public, « Le Chanteur de jazz » est un triomphe. Le film reste à l’affiche jusqu’au 26 décembre 1929 et cumule 48 semaines d’exclusivité au seul cinéma Aubert-Palace. C’est à cette période, au mois d’août 1929, que les sociétés Aubert et Franco-Film fusionnent.

Devant le succès de la nouvelle technologie sonore, la plupart des salles d’exclusivités de la capitale s’équipent au cours de l’année 1929 du système Vitaphone. Parmi elles, citons le Caméo, le Paramount (aujourd’hui Gaumont Opéra), le Madeleine, le Gaumont-Palace ainsi que des salles de quartier comme le Marcadet-Palace, Le Montrouge-Palace (aujourd’hui Gaumont Alésia) ou le Convention (aujourd’hui Gaumont Convention). Le 27 décembre 1929, Vitaphone sort à l’Aubert-Palace « Le Fou chantant » de Lloyd Bacon, un film « parlant, chantant et sonore » également interprété par Al Johnson. Le film est proposé en version originale avec des sous-titres français, une innovation ne recueillant pas les faveurs du grand public d’alors. Le film ne reste que treize semaines à l’affiche.

Ci-dessus: « Scarface le balafré » de Howard Hawks avec Paul Muni, co-produit par Howard Hugues, à l’Aubert-Palace le 20 janvier 1933.

La crise économique en cette fin des années 1930 favorise les prises de contrôle des sociétés en difficultés. Ainsi, le 12 juin 1930 est opérée la fusion des sociétés Aubert-Franco-Film avec Gaumont et Continsouza, une société spécialisée dans la fabrication d’appareils photographiques, de prise de vue et de projection. Cette nouvelle entité prend le nom de Gaumont-Franco-Film-Aubert (G.F.F.A.).

Le cinéma Aubert-Palace, alors considéré comme l’établissement le plus prestigieux du circuit, ferme ses portes le 6 août 1930 pour subir des travaux d’embellissements. Le quotidien L’Oeuvre du 28 septembre 1930 décrit ces transformations: « Vendredi soir a été inaugurée la nouvelle salle Aubert-Palace. Son public fidèle fut agréablement surpris des importantes améliorations qui lui ont été apportées sous l’active direction de Monsieur Paul Derval. Une décoration du choix le plus heureux ravit les yeux. De n’importe quel fauteuil la vision de l’écran est excellente. Par une habile disposition, les entrées et les sorties très vastes permettent une admission rapide des spectateurs. L’éclairage admirablement combiné est diffusé doucement par de beaux lustres. Enfin, on a eu l’impression très forte, vendredi soir, que tout avait été mis en œuvre à l’Aubert-Palace pour satisfaire les spectateurs les plus exigeants. Un programme de choix acheva de combler les assistants de cette séance inaugurale. On projeta Tarakanova, le chef d’œuvre de Raymond Bernard qui nous permit de revoir la belle interprète Edith Jéhanne ».

Le 18 février 1932, « L’Ange bleu » de Josef von Sternberg est repris à l’Aubert-Palace. Ce film qui fit connaître Marlene Dietrich dans le monde entier sort bien avant, dès le 20 décembre 1930, au seul Studio des Ursulines pour une durée d’exploitation de 46 semaines. « L’Ange bleu » est à l’affiche de l’Aubert-Palace pendant que, la même semaine, le cinéma Les Miracles situé 100 rue Réaumur, programme « Agent X 27 » du même auteur avec comme interprète la nouvelle icône Marlene Dietrich.

Cette même année 1932 voit l’ouverture d’un nouveau temple cinématographique situé à quelques mètres de l’Aubert-Palace: le Rex. « Ben-Hur » de Fred Niblo revient sur l’écran de l’Aubert-Palace le 16 décembre 1932 dans une nouvelle version que la Metro-Goldwyn-Mayer promeut largement: « Venez revoir et entendre Ben-Hur, le film éternel désormais sonore et chantant! ».

En 1933, l’Alliance Cinématographique Européenne (A.C.E.) reprend l’exploitation de l’Aubert-Palace. La salle entièrement transformée par la grande firme franco-allemande rouvre le 15 septembre 1933 avec le film « Tout pour l’amour » interprété par le ténor Jan Kiepura. L’administrateur délégué de la Société des Spectacles Nouveaux Paul Derval indique dans la presse s’être assuré pour la saison 1933-34 les meilleures productions de l’A.C.E. dans la salle de l’Aubert-Palace. La publicité massive redonne à la salle son statut de cinéma majeur de l’exploitation parisienne d’exclusivité.

Les films produits par l’A.C.E. se succèdent dans la salle de l’Aubert-Palace comme « Adieu les beaux jours » d’André Beucler et Johannes Meyer avec Brigitte Helm et le jeune Jean Gabin à l’affiche le 1 novembre 1933, « La Guerre des valses » de Ludwig Berger le 13 décembre 1933, « Caprice de princesse » de Karl Hartl et Henri-Georges Clouzot le 17 janvier 1934, « Georges et Georgette » de Roger Le Bon – la version française du film « Viktor und Viktoria » tourné dans les studios U.F.A. de Berlin – le 31 janvier 1934, « Le Congrès s’amuse » de Jean Boyer le 22 juin 1934, « IF1 ne répond plus »  de Karl Hartl le 10 août 1934 ou bien « Princesse à vos ordres » de Hans Schwarz le 3 août 1934.

Ci-dessus: façade de l’Aubert-Palace avec à l’affiche « L’Homme à abattre » de Léon Mathot , sorti le 25 février 1937. 

Ci-dessus: façade avec à l’affiche « Double crime sur la ligne Maginot  » de de Félix Gandéra, sorti le 24 septembre 1937. 

Durant les années 1930, des films importants ou au fort potentiel commercial se succèdent sur l’écran de l’Aubert-Palace comme « Notre pain quotidien » de King Vidor présenté en double programme avec « Ce n’est pas un péché » de Leo McCarey avec l’incroyable Mae West projeté en version originale à partir du 28 décembre 1934. Suivent le grand succès de l’année « Deuxième bureau » de Pierre Billon dès le 20 septembre 1935, « Lucrèce Borgia » d’Abel Gance avec Edwige Feuillère  le 20 décembre 1935, « Le Crime de monsieur Lange » de Jean Renoir le 24 janvier 1936, « Marinella » de Pierre Caron avec Tino Rossi le 27 mars 1936, « Quatre de l’espionnage » d’Alfred Hitchcock le 24 juillet 1936, « L’Homme à abattre » de Léon Mathot qui reste dix semaines à l’affiche à partir du 25 février 1937, « L’Affaire du courrier de Lyon » de Maurice Lehmann et Claude Autant-Lara le 10 novembre 1937 ou bien « L’Affaire Lafarge » de Pierre Chenal avec Erich von Stroheim et Pierre Renoir le 5 mars 1938.

Le 10 juin 1938 la Gaumont-Franco-Film-Aubert fusionne ses activités avec diverses sociétés françaises regroupées autour de l’agence de publicité Havas. La Société Nouvelle des Etablissements Gaumont (S.N.E.G.) est créée le 1er août 1938 et son secrétaire général Alain Poiré est missionné pour rénover les salles du circuit.

En 1938, des accords interviennent entre la S.N.E.G et la Compagnie Française Cinématographique (C.F.C.): cette dernière prend en charge la distribution des films de la G.F.F.A. et développe une puissante force de distribution des films. Cette année-là, le parc parisien de salles d’exclusivités de la S.N.E.G. regroupe les cinémas Colisée, Madeleine, Rex, Gaumont-Palace, Palais-Rochechouart, Gaumont-Théâtre et Aubert-Palace.

Ci-dessus: « Les Pirates du rail » à l’affiche de l’Aubert-Palace le 21 janvier 1938.

La S.N.E.G. finance le lancement des films qui lui sont confiés: les campagnes publicitaires de « La Bête humaine » de Jean Renoir au Madeleine ou « Les Aventures de Robin des Bois » au Rex sont impressionnantes. A l’Aubert-Palace, c’est le film « Alerte en Méditerranée » de Léo Joannon qui bénéficie de cet effort promotionnel et qui, dès le 1 septembre 1938 et pour sept 7 semaines, rencontre un franc succès. Suivent « Carrefour » de Curtis Bernhardt le 20 octobre 1938, « Les Héros de la Marne » d’André Hugon le 1 décembre 1938, « Le Capitaine Benoît » de Maurice de Canonge le 29 décembre 1938 pendant neuf semaines, « Le Récif de corail » de Maurice Gleize le 1 mars 1939 ou « Berlingot et Compagnie » de Fernand Rivers avec Fernandel le 27 avril 1939. « La Règle du jeu » de Jean Renoir sort le 8 juillet 1939 simultanément dans deux cinémas: au Colisée sur les Champs-Elysées et à l’Aubert-Palace. Aujourd’hui considéré comme un chef d’oeuvre, « La Règle du jeu » est un échec d’autant qu’intervient le 3 septembre la déclaration de guerre à l’Allemagne.

L’Aubert-Palace reste ouvert sous l’Occupation.

La France entrée en guerre, l’Aubert-Palace rouvre rapidement, le 13 octobre 1939, avec des programmes de reprises comme « Deuxième Bureau contre Kommandantur », un film d’espionnage de René Jayet et Robert Bibal repris le 10 novembre 1939 et préalable sorti dans la salle de l’Olympia en juin de la même année sous le titre « Terre d’angoisse ». Quand les Allemands entrent dans Paris, le film d’Alfred Hitchcock « Sabotage » avec Sylvia Sydney est à l’affiche de l’Aubert-Palace depuis le 5 juin 1940.

L’Occupation allemande met un terme momentané aux projections de films dans la salle de l’Aubert-Palace qui rouvre le 5 juillet 1940 avec « L’Etrange nuit de Noël » d’Yvan Noé accompagné du court-métrage « Reste dîner » avec Fernandel. Les semaines suivantes, les programmes de l’Aubert-Palace sont, comme dans la plupart des salles d’exclusivité, constitués de reprises.

Ci-dessus: « La Règle du jeu » de Jean Renoir, à l’affiche le 8 juillet 1939 aux cinémas Colisée et Aubert-Palace, est encore au programme lorsque éclate le conflit mondial.

Ci-dessus: « L’Éternel retour » de Jean Delannoy avec Jean Marais à l’affiche le 13 octobre 1943.

Pendant cette période d’Occupation, l’Aubert-Palace fonctionne principalement en tandem avec le Colisée des Champs-Elysées avec des films comme « Le Feu sacré » de Maurice Cloche avec Viviane Romance le 12 novembre 1942, « Macao, l’enfer du jeu » de Jean Delannoy le 16 décembre 1942, « L’Honorable Catherine » réalisé par Marcel L’Herbier le 4 février 1943, « Le Baron fantôme » de Serge de Poligny le 16 juin 1943 ou « L’Éternel retour » Jean Delannoy le 16 octobre 1943.

A la Libération, de grands succès sortent sur les écrans du Colisée et de l’Aubert-Palace, les deux salles continuent de fonctionner en tandem: « Falbalas » de Jacques Becker le 15 juin 1945, « La Cage aux rossignols » de Jean Dréville avec Noël-Noël le 6 septembre 1945, « Le Livre de la jungle » de Zoltan Korda le 20 décembre 1945 en version originale, « Au cœur de la nuit » de Robert Hamer et Alberto Cavalcanti le 8 mai 1946 en version originale, « L’Idiot » de Georges Lampin avec Gérard Philipe et Edwige Feuillère le 7 juin 1946 ou bien « Sciuscià » de Vittorio De Sica le 19 février 1947 en version originale.

Ci-dessus: « Le Livre de la jungle » de Zolta Korda avec Sabu à l’affiche le 20 décembre 1945.

L’Aubert-Palace s’associe bientôt avec Le Triomphe sur les Champs-Elysées pour des sorties comme « Le Grand sommeil » d’Howard Hawks le 13 août 1947 ou « Péché mortel » de John M. Stahl le 8 octobre 1947. La salle des Grands Boulevards fonctionne ensuite avec l’Apollo et le Gaumont-Théâtre pour des sorties de productions comme « Par la fenêtre » de Gilles Grangier le 21 janvier 1947 ou l’inédit en France « Le Retour de Frank James » de Fritz Lang le 17 mars 1948. L’Aubert-Palace retrouve le Colisée et le Gaumont-Théâtre pour la sortie du film de Jean Cocteau « Les Parents terribles » avec Jean Marais le 1 décembre 1948, « Pattes blanches » de Jean Grémillon le 13 avril 1949, « Retour à la vie » – un film à sketches d’Henri-Georges Clouzot, André Cayatte, Georges Lampin et Jean Dréville – le 14 septembre 1949 ou bien « Au-delà des grilles » de René Clément avec Jean Gabin le 16 novembre 1949.

A partir du 1er septembre 1949, Gaumont devient le propriétaire de la salle de l’Aubert-Palace au moment la firme à la marguerite abandonne l’exploitation du Marcadet-Palace à Montmartre et du Zénith de la place Gambetta. Dès les années 1950, les cinémas des Grands Boulevard entament d’importants projets de rénovations comme c’est le cas du Paramount ou du Français. La S.N.E.G. lance à son tour un plan de transformation des salles parisiennes de son circuit comme le Colisée, le Madeleine, le Saint-Paul ou l’Aubert-Palace.

La Cinématographie française du 21 avril 1951 évoque la réouverture de l’Aubert-Palace dont les travaux ont été supervisés par l’architecte Georges Peynet: « Les murs peints en crème par Del Boca sont décorés de panneaux de velours rouge de Pinton et d’appliques lumineuses timbrées de la « Marguerite » confectionnées par Kobis et Lorence. Le plafond blanc à gorge est pourvu d’un éclairage indirect au néon (…) Les fauteuils rouges de Galay sont du type spécial qui équipe la plupart des salles Gaumont. Une moquette du même ton a été posée (…) L’ensemble rouge et crème est d’une grande élégance et le public des Boulevards a désormais à sa disposition, avec l’Aubert-Palace, une salle ultra moderne et d’un très grand confort ».

Lors du cocktail d’inauguration, M. Sallard, Directeur Général de la S.N.E.G., annonce aux journalistes la transformation de la nouvelle cabine de projection de l’Aubert-Palace afin de recevoir un équipement de cinéma-télévision. En cette année 1951, Gaumont – qui considère la télévision comme un des éléments du spectacle cinématographique – installe ce même équipement technique de télécinéma au Gaumont-Palace. La Cinématographie française doute cependant de la projection télévisuelle au cinéma: « La télévision en direct, à cause de ses servitudes d’horaire qu’elle implique, est difficilement utilisable pour le spectacle cinématographique ». L’expérience est éphémère même si elle réapparaît en 1964 au Grand Rex ou au Cyrano de Versailles pour la diffusion des Jeux Olympiques de Tokyo.

Ci-dessus: la télévision au cinéma en 1957.

L’Aubert-Palace rouvre ses portes le mercredi 19 avril 1951 avec le film « Identité judiciaire » d’Hervé Bromberger qui attire 10.132 spectateurs la première semaine. Associée dans sa programmation au Gaumont-Théâtre, la salle se tourne vers une programmation résolument plus populaire avec des exclusivités comme « La Plus belle fille du monde » de Christian Stengel avec Nadine Alari et Françoise Arnoul à l’affiche le 31 octobre 1951 ou « Seul dans Paris » d’Hervé Bromberger avec Bourvil le 28 novembre 1951.

Prolongeant les succès au Colisée ou au Gaumont-Palace, l’Aubert-Palace devient une salle de seconde exclusivité avec des films comme « Adorables créatures » de Christian-Jaque avec Martine Carol, Danielle Darrieux et Edwige Feuillère à l’affiche le 14 novembre 1952, « Ivanhoé » de Richard Thorpe le 16 janvier 1953, « Manon des sources » de Marcel Pagnol le 11 février 1953, « Le Retour de Don Camillo » de Julien Duvivier le 31 juillet 1953, « Si Versailles m’était conté… » de Sacha Guitry le 7 avril 1954, « Touchez pas au grisbi » de Jacques Becker le 16 juin 1954, « Le Rouge et le Noir » de Claude Autant-Lara le 2 février 1955 ou bien « Les Grandes Manœuvres » de René Clair le 18 janvier 1956. Ces prolongations sont entrecoupées de films en exclusivité mais assez mineurs d’un point de vue commercial, à l’exception du film de Richard Pottier « Le Chanteur de Mexico » le 21 décembre 1956 pour lequel la salle est associée au Gaumont-Palace pour la première vision.

Ci-dessus: la salle de l’Aubert-Palace en 1959.

Dès 1960, l’Aubert-Palace retrouve son statut de salle d’exclusivité avec à l’affiche des films comme « Comment qu’elle est ? » de Bernard Borderie avec Eddie Constantine le 21 septembre 1960, le western « Les Sept mercenaires » de John Sturges le 1er février 1961, « Les 101 dalmatiens » de Walt Disney le 22 décembre 1961, « L’Honorable Stanislas, agent secret » de Jean-Charles Dudrumet avec Jean Marais le 4 septembre 1963 et bien sûr « Le Gendarme de Saint-Tropez » de Jean Girault avec Louis de Funès le 9 septembre 1964.

L’Aubert-Palace devient le Lumière-Gaumont.

Une nouvelle transformation du cinéma, sous la direction de l’architecte de la S.N.E.G. Georges Peynet, intervient en 1967. Le Film français relate la rénovation de l’Aubert-Palace qui change d’enseigne pour le Lumière-Gaumont: « La marquise de la façade a été maintenue mais rénovée. Son bandeau, allégé, a reçu un habillage de marbre « vert Patricia », en opposition avec les marbres de Carrare du panneau. L’ensemble Sécurit des portes et des vitrines a été traité en glace ambrée. Le hall, récupéré en partie sur l’ancienne salle, possède un volume en rapport avec cette salle de 730 places. Il est habillé de panneaux d’orme vernis. Les marbres des vitrines aux couleurs vives, mettent en valeur les dessins et la teinte de cette essence délaissée à tort depuis de nombreuses années. Quelques marches permettent l’accès pratiquement de plain-pied, à la corbeille de 150 places nouvellement crée. Deux escaliers mènent les spectateurs à un orchestre de 500 fauteuils. La Direction de la Société Gaumont a voulu faire de cette salle un grand salon: c’est pourquoi la décoration s’est inspirée de l’architecture intérieure du XVIIIème siècle. Deux entrelacements de pilastres ioniques habillent les murs latéraux et un tissu damassé est tendu entre ces pilastres. Le même tissu se retourne devant l’écran en rideau à la grecque. Le plafond, à caissons, limite le volume de la salle. Outre le caractère qu’ils donnent à l’ensemble, ces caissons servent au conditionnement et à l’éclairage de la salle. Les damas de tissu Rhovyl de couleur « Isabelle » ont été mis en valeur par des appliques de cristal et de cuivre. La moquette murale fil à fil du fond de la salle, en soubassement, est de couleur « cannelle » et les fauteuils d’un modèle approprié au style de la salle, sont habillés de jersey de nylon, choisi dans la même gamme de ton que les moquettes. Le sol, enfin est en moquette vert cyprès. La climatisation, entièrement rénovée vient renforcer l’impression de confort et de bien-être, recherché dans cette salle. La cabine a été maintenue à son emplacement actuel mais son équipement remplacé. Le son est transmis à 20 haut-parleurs d’ambiance répartis dans la salle assurant une stéréophonie parfaite. »

La presse corporative souligne que l’établissement possède un automatisme de fonctionnement absolu: « toutes les opérations de mise en marche des projecteurs, d’ouverture de rideau, etc. peuvent aussi bien se commander de la cabine que de la salle et assurent sans intervention humaine, le déroulement du programme complet ».

Ci-dessus: le hall du Lumière-Gaumont, anciennement Aubert-Palace, en 1967.

Ci-dessus: la salle du Lumière-Gaumont en 1967.

Pour inaugurer la salle qui change d’enseigne pour arborer celle du Lumière-Gaumont, la direction programme dès le 27 juin 1967 le film de réouverture « Les Chefs-d’oeuvre de Walt Disney » composé de courts-métrages oscarisés et présentés en exclusivité, suivi de la réédition de « Fantasia » de Walt Disney le 30 août 1967. La S.N.E.G. inclut le Lumière-Gaumont dans la combinaison de sorties de films en exclusivité avec les salles du Colisée et du Gaumont Rive-Gauche. Les films programmés dans cette prestigieuse combinaison de salles rencontrent un important succès comme « Les Risques du métier » d’André Cayatte le 21 décembre 1967, « Le Rapace » de José Giovanni avec Lino Ventura le 24 avril 1968, « Baisers volés » de François Truffaut avec Jean-Pierre Léaud le 4 septembre 1968 ou « La Prisonnière » d’Henri-Georges Clouzot le 20 novembre 1968. Certaines productions attendues ne rencontrent pas le succès escompté comme « Le Franciscain de Bourges » de Claude Autant-Lara le 29 mars 1968 ou « La Sirène du Mississipi » de François Truffaut avec Jean-Paul Belmondo et Catherine Deneuve le 18 juin 1969.

Alors que le film de François Truffaut « Les Deux anglaises et le continent » à l’écran du Lumière-Gaumont le 26 novembre 1971 est un échec cinglant, un film à priori anodin auquel personne ne croît arrive à l’affiche dès le 5 janvier 1972: « La Vieille fille » de Jean-Pierre Blanc avec Annie Girardot et Philippe Noiret. Cette production avec la star Annie Girardot se révèle un immense succès accueillant, au seul Lumière, 13.062 spectateurs la première semaine là où le film de Truffaut la semaine du jour de l’an, n’en accueille que 2.460.

 

Ci-dessus: « Les Mystères d’Angkor » de William Dieterle à l’affiche le 12 octobre 1960 des cinémas George V, Aubert-Palace, Gaumont-Théâtre, Les Folies, Palais-Rochechouart et Artistic.

Ci-dessus: « Le Gendarme de Saint-Tropez » de Jean Girault à l’affiche le 9 septembre 1964 des cinémas Marbeuf, Aubert-Palace, Mistral, Eldorado, Danton et Lynx.

Ci-dessus: « Fantasia » de Walt Disney à l’affiche le 30 août 1967 au Lumière-Gaumont.

Ci-dessus: « Les Risques du métier » d’André Cayatte à l’affiche le 21 décembre 1967 des cinémas Gaumont-Colisée, Gaumont-Lumière et Gaumont Rive-Gauche.

Ci-dessus: « Macadam cowboy » à l’affiche le 17 octobre 1969 des cinémas Concorde, Gaumont-Lumière, Bilboquet et Quartier Latin.

L’événement cinématographique de l’année 1972 est la sortie du film de Stanley Kubrick « Orange mécanique » le 21 avril dans deux cinémas de la capitale: en version originale au prestigieux Gaumont Champs-Elysées et en version française au Lumière-Gaumont. Le succès est immédiat: de longues files d’attente se forment pendant près de huit mois devant les deux cinémas. Grâce au succès du film de Kubrick, la salle du Lumière-Gaumont est bientôt incluse dans des combinaisons de films commerciaux comme « Le Grand blond avec une chaussure noire » d’Yves Robert avec Pierre Richard et Mireille Darc le 6 décembre 1972, « La Nuit américaine » de François Truffaut le 24 mai 1973, « Deux hommes dans la ville » de José Giovanni avec Alain Delon et Jean Gabin le 25 octobre 1973, « Que la fête commence… » de Bertrand Tavernier avec Philippe Noiret, Jean Rochefort, Jean-Pierre Marielle et Marina Vlady le 26 mars 1975. Le 26 septembre 1979, « Fantasia » de Walt Disney est repris en exclusivité au Lumière dans une projection dotée du son stéréophonique.

Alors que la salle subit une baisse de sa fréquentation, Gaumont cède en 1981 son établissement au profit de Jean-Pierre Lemoine qui, avant de créer le circuit Megarama, exploite le le cinéma George V des Champs-Elysées ainsi que le Forum Horizon dans le quartier des Halles. La salle du Lumière est transformée en un complexe de trois salles de 280, 90 et 80 fauteuils mais ne bénéficie pas d’affiches prestigieuses. Les parisiens privilégient les salles prestigieuses comme le le Kinopanorama ou les grandes salles « GaumontRama » du circuit Gaumont ou « Prestige » du réseau UGC.

C’est le soir du 30 décembre 1987, avec les films « Il est génial papy ! » de Michel Drach, « Les Noces barbares » de Marion Hänsel et « Le Nom de la Rose » de Jean-Jacques Annaud dans sa 54ème semaine d’exploitation, que l’ancien Aubert-Palace tire définitivement son rideau après 72 d’exploitation.

Voir l’article sur le cinéma Gaumont-Lumière.

Remerciements: M. Thierry Béné
Documents: La Cinématographie française, Le Film français, Gallica BnF