Adresse: 4 boulevard de Strasbourg à Paris (IVe arrondissement)
Nombre de salles: 1
Aujourd’hui: Théâtre Libre
Dès les années 1920, de grands palaces cinématographiques sont inaugurés dans la capitale. Parmi eux, le Louxor en 1921, le nouveau Gaumont Palace en 1931, le Rex en 1932 et l’Eldorado en 1933. Avec son enseigne qui renvoie à la contrée mythique du Nouveau Monde, l’Eldorado est bâti à l’emplacement d’un ancien local de cirque – dont la construction est antérieure à la création du boulevard – qui est transformé par la suite en café-concert. Les artistes les plus célèbres de l’époque se produisent sur la scène du café-concert de l’Eldorado.
Lorsque le projet d’aménagement d’un cinéma est statué par la Compagnie Générale des Cinémas Family-Palace, la démolition totale du café-concert est décidée. Les plans d’origine prévoient que l’opération incluent des logements installés au-dessus de la salle. Ceux-ci ne seront finalement réalisés que trente ans plus tard, dans les années 1960.
L’architecte retenu pour imaginer la nouvelle salle du boulevard de Strasbourg est Paul Dubreuil qui officie au Syndicat Français des Directeurs de Cinématographes et qui est également à l’origine du cinéma parisien le Secrétan-Palace. Pour concevoir l’Eldorado, Paul Dubreuil reprend le triptyque propre aux établissements de spectacles – une scène, une salle et une réception – en imaginant une scène de 3 mètres de profondeur en prévision des futures attractions, une salle avec deux balcons d’une capacité de 1.500 fauteuils et un vaste hall.
L’Eldorado, une salle Art déco de 1500 places.
Le nouvel établissement ne prévoyant qu’une unique issue pour réguler le flux des spectateurs entrant et sortant sur le boulevard, la Préfecture de Police impose une jauge maximale de 1.500 places. La revue La Construction moderne du 4 mars 1934 évoque sous la plume de Charles-Edmond Sée les caractéristiques du cinéma en revenant sur l’historique du site: « Pour placer ces 1.500 spectateurs, force fût d’avoir recours à deux galeries. Une seule aurait été insuffisante. Le Parterre est de plain-pied avec la rue, ce qui réalise à tous égards la meilleure disposition (…) Il convenait, d’autre part de limier la hauteur de la salle afin de pouvoir surbâtir la façade du plus grand nombre d’étages d’appartements. Les plans de la salle montrent que l’on fait converger les parois vers la Scène ». L’article poursuit sur les espaces communs imaginés par l’architecte: « Le vestibule devait procurer des issues aux diverses parties de la salle (Parterre, première et deuxième galeries) dans les mesures prescrites par les règlements (…) Le Vestibule d’entrée au lieu d’être comme d’habitude, compris en hauteur, entre le sol et le premier étage, a été monté de fond jusque et y compris la deuxième galerie. Il forme ainsi un grand hall de proportions inaccoutumées. N’étant fermé de la rue que par un cloisonnement de verre, il est inondé de clarté (…) Au devant de la façade et bien en vue le nom « Eldorado » en lettre de toute la hauteur de l’étage flamboie la nuit de ses lueurs au néon ».
Ci-dessus: vues de la scène et l’écran de l’Eldorado en 1933.
Ci-dessus: vues de l’orchestre et des deux balcons de l’Eldorado en 1933.
Ci-dessus: vues du hall de l’Eldorado en 1933.
Matériau phare en ces premières décennies du XXè siècle, le béton armé est entièrement utilisé pour la construction du cinéma. Seule la toiture de la salle est métallique. Le plafond de la salle permet tant au son qu’à l’éclairage une excellente répartition. La cabine de projection est située au dessus de la deuxième galerie.
La Construction moderne se penche sur la décoration de l’Eldorado: « On a revêtu d’une mosaïque d’or la frise qui surmonte la rangée des portes d’entrée. La haute verrière à redents angulaires de la façade est en vitraux modernes d’un dessin géométrique dont les verres blancs porcelaine, jaunes, noirs forment des oppositions de tons. Les parties pleines de la façade sont en marbre ou en pierre polie, couronnements de mosaïques noire et or… Les portes d’entrée sont en fer martelé et laiton et garnies de glaces. Le Hall Vestibule est peint en vert d’eau au-dessus d’un soubassement en acajou. Ce soubassement s’arrête à une frise en glaces gravée d’ornements en forme de films stylisés formant entrelacs (…) Le sol est en carreaux de grès cérames disposés par bandes depuis l’entrée jusqu’à les divers accès et conduisant en quelque sorte le public (…) La salle a reçu elle-aussi une décoration sobrement moderne. Le plafond se conforme à la forme générale de la salle en plan et par ses ondulations étagées, il diffuse une lumière douce grâce à de multiples lampes dissimulées dans des gouttières. Un autre élément important de la décoration est le cadre de scène. Ce cadre est ajouré en claustra dont la surface simule des files de sequin d’or en staff également. L’ensemble de la salle est traité dans une tonalité générale ivoire, sauf les deux longs côtés dont les panneaux se détachent en couleur terre cuite. Ces panneaux sont subdivisés en lignes parallèles par des ornements moulés dans du staff. Ils ont une allure d’ornements Égyptiens, mais vu de près ils représentent des motifs empruntés au cinéma. La scène ne comporte d’autre machinerie que le dispositif permettant de faire monter l’écran (lors de l’utilisation de la scène pour les attractions). Le rideau de scène est en velours rouge; il en est de même des fauteuils et des mains-courantes recouvrant les garde-corps. Les portes en sont également revêtues. Le tapis qui recouvre les circulations est d’un rouge plus foncé».
Ci-dessus: coupe longitudinale en 1933 (La Construction moderne).
Ci-dessus: plan de la salle et des balcons (La Construction moderne).
Ci-dessus: plans du hall (La Construction moderne)
Au moment où le Rex accueille Jeanette MacDonald sur sa scène, l’Eldorado propose pour son inauguration le 3 février 1933 le film documentaire Congorilla réalisé par Martin et Osa Johnson suivi de la comédie sentimentale Paris-Soleil de Jean Hémard avec Fred Pizella, Jane Marny et Claude Dauphin.
L’Eldorado est un cinéma de quartier affichant des films en sortie générale, c’est-à-dire après être programmés en exclusivité dans une ou plusieurs salles de la capitale, en particulier sur les Champs-Elysées ou sur les Grands boulevards. La salle du boulevard de Strasbourg joue un double programme dans lequel les spectateurs ont la possibilité, pour le prix d’un billet, d’assister à deux longs-métrages lors des séances fixées tous les soirs à 20h30 et les samedi, dimanche et jours fériés en matinée à 14h30. Quelques mois plus tard, l’Eldorado devient permanent en matinée avec une soirée séparée à 20h30.
Parmi les films en sortie générale proposés à l’Eldorado, citons Mater dolorosa d’Abel Gance la semaine du 10 mars 1933, Les Vingt-huit jours de Clairette d’André Hugon le 5 mai 1933, Maurin des Maures du même réalisateur avec Antonin Berval le 26 mai 1933 ainsi que sa suite L’Illustre Maurin le 9 février 1934, Fanny de Marc Allégret avec Orane Demazis et Raimu le 3 novembre 1933, La Guerre des valses – tourné à Berlin dans les studios de la UFA par Ludwig Berger et Raoul Ploquin – à l’affiche la semaine du 23 février 1934 ou encore Un Fil à la patte de Karl Anton avec Spinelly le 8 juin 1934.
Au mitan des années 1930, de belles productions ont les honneurs de la salle de l’Eldorado comme la production Bernard Natan Tartarin de Tarascon de Raymond Bernard avec Raimu le 1er février 1935, Zouzou de Marc Allégret avec Joséphine Baker et Jean Gabin le 22 février 1935, Les Trois lanciers du Bengale de Henry Hathaway avec Gary Cooper le 19 avril 1935, Golgotha de Julien Duvivier avec Jean Gabin, Harry Baur, Edwige Feuillère et Robert Le Vigan le 6 septembre 1935, La Kermesse héroïque de Jacques Feyder avec Françoise Rosay et Jean Murat le 21 février 1936, Mayerling d’Anatole Litvak avec Charles Boyer et Danielle Darrieux le 27 mars 1936, Les Jumeaux de Brighton de Claude Heymann d’après la pièce de Tristan Bernard avec Raimu le 18 décembre 1936, Mon père avait raison de et avec Sacha Guitry le 29 janvier 1937, La Grande illusion de Jean Renoir avec Jean Gabin, Erich von Stroheim et Pierre Fresnay le 8 décembre 1937, Un Carnet de bal de Julien Duvivier le 2 février 1938, Regain de Marcel Pagnol avec Fernandel le 16 février 1938, Le Schpountz du même auteur le 14 septembre 1938, Le Quai des brumes de Marcel Carné avec Jean Gabin, Michèle Morgan et Michel Simon le 9 novembre 1938, Blanche-Neige et les Sept Nains de Walt Disney le 7 décembre 1938 ou bien Mon oncle et mon curé de Pierre Caron avec Pauline Carton le 14 avril 1939. Quand la conflit mondial éclate, c’est le chef d’oeuvre de Jean Renoir La Bête humaine avec Jean Gabin et Simone Simon qui est à l’affiche de l’Eldorado.
Ci-dessus: Blanche-Neige et les Sept Nains de Walt Disney à l’Eldorado le 7 décembre 1938.
Le spectacle continue sous l’Occupation.
Alors que la France entre en guerre, les cinémas restent ouverts mais sont soumis à un couvre-feu. En cette année 1939 et pour les fêtes de fin d’année, la Préfecture de Police et le gouverneur militaire de Paris autorisent l’ouverture des salles de spectacle, des restaurants et des cafés jusqu’à 2 heures du matin pour les 24 et 31 décembre. Les mêmes autorités accordent une ouverture exceptionnelle de ces lieux jusqu’à minuit du 25 au 30 décembre. Le public peut ainsi voir ou revoir à l’Eldorado et en double programme deux succès de la RKO proposés à partir du 27 décembre 1939: Panique à l’Hôtel réalisé par William A. Seiter avec les Marx Brothers ainsi que Gunga Din de George Stevens avec Cary Grant, Victor MacLaglen et Douglas Fairbanks Jr.
Malgré ces temps d’incertitudes, l’Eldorado propose, via son nouveau directeur M. F. Lallemant, un programme différent chaque semaine comme la reprise de La Bête humaine la semaine du 7 février 1940, Les Aveux d’un espion nazi d’Anatole Litvak avec Edward G. Robinson celle du 13 mars 1940, Fric-Frac de Maurice Lehmann et Claude Autant-Lara avec Fernandel, Arletty et Michel Simon le 20 mars 1940 ainsi que Mademoiselle et son bébé de Garson Kanin avec Ginger Rogers et David Niven le 22 mai 1940.
Peu de temps avant l’entrée des Allemands dans Paris, La Cinématographie française titre « Le cinéma reste le spectacle de détente indispensable à la nation » et évoque les conditions difficiles et souvent déficitaires du maintien de l’exploitation des cinémas et précise « en ces jours où la fermeté du pays se nuance de souffrance, nous pensons que le cinéma s’affirme comme le spectacle type de ces temps cruels, le spectacle non de distraction, mais de détente indispensable aux nerfs et au moral ». Le 14 juin 1940, jour où les troupes ennemies prennent la capitale, l’Eldorado donne un double programme issu des studios de la Fox, Café Métropole (1937) d’Edward H. Griffith avec Loretta Young et Tyrone Power et Un Taxi dans la nuit (1937) d’Eugène Forde.
L’Eldorado fait partie de ces salles parisiennes qui rouvrent rapidement sous l’Occupation. Dans son premier numéro, le journal corporatiste de propagande Le Film évoque la reprise de la fréquentation de la vingtaine de salles ayant fait leur réouverture dès le 19 juin 1940, comme si presque rien n’avait changé: « Les recettes naturellement faibles pendant la période chaude, se relèvent normalement, faisant prévoir de bons succès hebdomadaires semblables à ceux des années antérieures. L’autorisation d’ouverture jusqu’à 23 heures, le fonctionnement du métro et la circulation jusqu’à minuit favoriseront ce développement du commerce cinématographique ».
Durant ces années d’Occupation, la formule de l’Eldorado reste la même qu’avant-guerre, à savoir un changement de programme chaque semaine avec des films en sortie générale ou de nombreuses reprises. On peut ainsi se rendre tous les jours, sauf le mardi jour de relâche, dans la salle du boulevard de Strasbourg et découvrir des œuvres aussi variées que Titin des Martigues de René Pujol sur une musique de Vincent Scotto la semaine du 25 septembre 1940, Pièges de Robert Siodmak celle du 2 octobre 1940, Le Dernier tournant de Pierre Chenal le 6 novembre 1940, la production de la Tobis Film Les Trois Codonas d’Arthur-Maria Rabenalt le 11 décembre 1940, Les Musiciens du ciel de Georges Lacombe avec Michèle Morgan et Michel Simon le 17 septembre 1941, La Fille du puisatier de Marcel Pagnol avec Raimu et Fernandel le 8 octobre 1941, Narcisse d’Ayres d’Aguiar avec la vedette Rellys le 29 octobre 1941, Romance de Paris de Jean Boyer avec Charles Trenet le 14 janvier 1942, L’Appel du bled de Maurice Gleize avec Madeleine Sologne le 23 décembre 1942, la production Continental-Films L’Assassin habite au 21 de Henri-Georges Clouzot avec Pierre Fresnay le 13 janvier 1943, Picpus de Richard Pottier d’après Georges Simenon – un autre film Continental – avec Albert Préjean le 19 mai 1943, Adémaï bandit d’honneur de Gilles Grangier avec Noël-Noël le 15 décembre 1943 – exceptionnellement pour deux semaines, la production Continental Le Corbeau de Henri-Georges Clouzot avec Pierre Fresnay le 8 mars 1944 ou bien Le Voyageur de la Toussaint de Louis Daquin d’après Simenon et avec Assia Noris et Jules Berry le 14 juin 1944.
Dans l’immédiate après-guerre, l’exploitant F. Lallemant est à la tête de plusieurs salles parisiennes: La Palais des Arts, les deux cinémas du Palais des Fêtes, le Picardy, le Monge-Palace, le Danton, le Palais des Glaces, le Clignancourt-Palace, le Fantasio, l’Ornano-Palace, le Floréal, le Cocorico et le Ménil-Palace. A cette liste s’ajoute l’Eldorado qui accède enfin au statut de cinéma de première exclusivité et qui intègre pour les sorties de ses nouveaux films la combinaison de salles constituée avec l’Impérial sur les Grands boulevards, Les Portiques sur les Champs-Elysées et le Cinécran de la rue Caumartin.
Lors de l’hiver 1945, le Syndicat Français des Directeurs de Théâtres Cinématographique présidé par M. Lissiez, multiplie les démarches afin d’obtenir l’attribution de charbon et de mazout nécessaires au chauffage des salles de cinéma. Malgré les difficultés, l’Eldorado propose des exclusivités comme l’oublié Bifur 3 de Maurice Cam avec Martine Carol le 29 août 1945, Seul dans la nuit de Christian Stengel avec Bernard Blier et Sophie Desmarets le 21 novembre 1945, l’adaptation d’un roman de Léo Malet 120, rue de la gare de Jacques Daniel-Norman avec René Dary et Sophie Desmarets le 6 février 1946, Rome, ville ouverte de Roberto Rossellini avec Anna Magnani le 13 novembre 1946, Destins de Richard Pottier avec Tino Rossi le 18 décembre 1946 ou bien Pas si bête d’André Berthomieu avec Bourvil en vedette principale le 19 mars 1947.
Ci-dessus: Service secret de Harold French à l’Eldorado et aux Portiques le 19 décembre 1945.
Ci-dessus: Antoine et Antoinette de Jacques Becker à l’Eldorado, au Colisée, au Paramount et au Lynx le 1er novembre 1947.
Ci-dessus: Les Gosses mènent l’enquête de Maurice Labro à l’Eldorado, à l’Impérial, au Cinécran et aux Portiques le 25 juin 1947.
L’Eldorado intégré aux grandes sorties en exclusivité.
Pour la sortie du film Antoine et Antoinette de Jacques Becker le 1er novembre 1947, une combinaison inédite de salles d’exclusivité est créée intégrant le Colisée des Champs-Elysées, le Paramount, le Lynx – anciennement American Cinéma transformé par M. Lallemant – et enfin l’Eldorado.
En 1947, la société Paramount intègre l’Eldorado pour les sorties des films du studio incluant la grande salle du boulevard des Capucines ainsi que le Ritz et l’Elysées-Cinéma. On peut y voir les productions maison comme L’Aventure vient de la mer de Mitchell Leisen d’après Daphne du Maurier le 17 décembre 1947, le musical La Blonde incendiaire de George Marshall le 17 mars 1948, Mabok, l’éléphant du diable d’Alfred Santell le 3 juin 1948, Espions sur la Tamise (Le Ministère de la peur) de Fritz Lang le 10 décembre 1948 ou Les Naufrageurs des mers du sud de Cecil B. DeMille le 1er avril 1949.
Le 21 octobre 1949, l’Eldorado sort en exclusivité On demande un assassin d’Ernst Neubach avec en vedette Fernandel conjointement avec le Normandie, l’Impérial, les Vedettes et le Lynx. Alors que le prestigieux Normandie des Champs-Elysées enregistre 36.335 entrées en deux semaines, l’Eldorado accueille 36.242 spectateurs sur la même période, confirmant ainsi l’attrait de la salle du boulevard de Strasbourg dans la capitale.
Ci-dessus: Sergil chez les filles de Jacques Daroy à l’Eldorado, au Lynx, au Palace et au Naopéon le 6 juin 1952.
Ci-dessus: La Bagarre de Santa Fe d’Irving Pichel à l’Eldorado, au Lynx, au Caméo et au Napoléon le 10 octobre 1952.
Ci-dessus: Maison de rendez-vous de Ferdinando Merighi à l’Eldorado, au Lynx, au Dejazet, au Palace et au Corso le 23 janvier 1953.
Ci-dessus: l’Eldorado en 1953 avec à l’affiche Panique à Gibraltar de Duilio Coletti.
Durant les années 1950, l’Eldorado est intégré au Lynx dans diverses combinaisons d’exclusivité avec le Parisiana du boulevard Poissonnière ou le Triomphe des Champs-Elysées. Parmi les films qui bénéficient de cette combinaison, on peut relever la comédie Uniformes et grandes manœuvres de René Le Hénaff avec Fernandel et Andrex à l’affiche le 22 décembre 1950, Saboteur sans gloire de Raoul Walsh avec Errol Flynn et Paul Lukas le 24 janvier 1951, le western La Révolte des dieux rouges de William Keighley avec Errol Flynn le 28 octobre 1951, Mara Maru de Gordon Douglas avec Errol Flynn et Ruth Roman le 5 décembre 1952, Les Aventures du capitaine Wyatt de Raoul Walsh avec Gary Cooper et Mari Aldon le 17 décembre 1952, le film d’aventures Alerte au sud de Jean Devaivre avec Jean-Claude Pascal et Gianna Maria Canale le 25 décembre 1953, Le Port des passions d’Anthony Mann avec James Stewart et Joanne Dru le 5 mars 1954, le désormais classique L’Homme qui n’a pas d’étoile de King Vidor avec Kirk Douglas et Jeanne Crain le 28 octobre 1955 ou encore L’Homme de la plaine d’Anthony Mann avec James Stewart le 2 décembre 1955.
Ci-dessus: la salle de l’Eldorado en 1955 avec son nouvel écran Cinémascope.
Ci-dessus: La Terre des pharaons de Howard Hawks à l’Eldorado, au Triomphe, au Parisiana et au Lynx le 10 novembre 1955.
Ci-dessus: l’élection du « le plus beau cow-boy de Paris » à l’Eldorado pour la sortie de Cow-boy de Delmer Daves.
Ci-dessus: Les Aventuriers du Kilimandjaro de Richard Thorpe à l’Eldorado, au Napoléon, au Caméo et au Lynx en 1959.
En 1956, M. Lallemant initie des travaux de rénovation de la salle qui sont effectués par Paul Dubreuil, celui-là même qui créa l’Eldorado vingt ans auparavant. La salle s’équipe un an plus tôt d’un nouvel écran pour les projections en Cinémascope pour un grand nombre de productions hollywoodiennes comme le péplum La Terre des pharaons de Howard Hawks avec Jack Hawkins et Joan Collins à l’affiche le 10 novembre 1955, Le Fils prodigue de Richard Thorpe avec la séduisante Lana Turner et Edmund Purdom le 18 janvier 1956 ou encore le musical Les Pièges de la passion de Charles Vidor avec Doris Day et James Cagney le 13 avril 1956.
La Grande Quinzaine du Cinéma est organisée en mai 1957 et inclut le concours de la meilleure exploitation. Si cette année-là, le cinéma Monte-Carlo des Champs-Elysées remporte le premier prix, l’Eldorado accède au quatrième prix; son propriétaire M. Lallemant et son directeur M. Liban se voient récompenser de la somme de 50.000 francs (en espèces!).
Durant les années 1950, des campagnes publicitaires souvent originales sont déployées pour mobiliser l’attention du public sur la sortie d’une grande production. Pour celle, programmée le 26 septembre 1958, de Cow-boy de Delmer Daves avec Glenn Ford et Jack Lemmon, le studio de la Columbia Films organise en collaboration avec France 1 l’élection du plus beau cow-boy de Paris. La presse relaye l’événement assuré un dimanche matin et note « la grosse affluence et le gros succès d’enthousiasme. On a vu des candidats au titre, dont les costumes rivalisaient d’authenticité ». Le public désigne par des applaudissements celui qui représente « le plus beau cow-boy de Paris » et qui se voit remettre par Fernand Raynaud un scooter. L’Eldorado est une des salles de prédilection avec le Caméo pour les sorties des films produits ou distribués par les studios de la Columbia comme 3 h 10 pour Yuma de Delmer Daves avec Glenn Ford le 15 novembre 1957, La Revanche de Frankenstein de Terence Fisher avec Peter Cushing le 12 septembre 1958, Le Septième voyage de Sinbad de Nathan Juran le 12 décembre 1958, Les Voyages de Gulliver de Jack Sher le 23 décembre 1960, le western Les Deux cavaliers de John Ford avec James Stewart et Richard Widmark le 6 octobre 1961 ou bien le thriller de Blake Edwards Allô, brigade spéciale le 7 septembre 1962.
Durant les années 1960, la programmation de l’Eldorado privilégie les films grand public avec l’intégration dans la combinaison de sorties du cinéma Paramount, notamment pour La Taverne de l’Irlandais de John Ford le 2 octobre 1963 ou bien pour la comédie Docteur Jerry et Mister Love de Jerry Lewis le 23 octobre 1963. Durant la seconde partie des années 1960, l’Eldorado assure la sortie en reprise des productions Walt Disney comme Vingt Mille Lieues sous les mers (1954) de Richard Fleischer le 23 mars 1966, La Belle et le Clochard (1955) le 14 décembre 1966, Cendrillon (1950) le 13 décembre 1967 ou encore Le Désert vivant (1953) le 5 avril 1968. Ce film documentaire est la dernière production Disney à sortir à l’Eldorado, le Rex obtenant avec la sortie du Livre de la jungle l’exclusivité des sorties issues du studio. La salle du boulevard Poissonnière bat dès lors tous les records de fréquentation grâce notamment à la Féerie des eaux qui complète les sorties annuelles des productions Disney.
Ci-dessus: La Soupe aux poulets de Philippe Agostini à l’Eldorado, aux Vedettes, au Napoléon, à La Royale, au Danton et au Lynx le 14 juin 1963.
Ci-dessus: la ressortie de Vingt Mille Lieues sous les mers (1954) de Richard Fleischer le 23 mars 1966.
Ci-dessus: Les Treize Fiancées de Fu Manchu de Don Sharp à l’Eldorado, au Lynx et à l’Artistic Douai le 24 mars 1967.
Ci-dessus: la ressortie de Cendrillon (1950) de Walt Disney le 13 décembre 1967.
Kung-fu et érotisme dans la salle déclinante de l’Eldorado.
A partir des années 1970, l’Eldorado perd son statut de salle d’exclusivité et voit sa fréquentation baisser. Quelques films rencontrent tout de même un beau succès comme le western distribué par Alpha-France Cache ta femme, prends ton fusil, voici les scavengers de Lee Frost qui sort également au cinéma Monte-Carlo sur les Champs-Elysées et au Latin sur le boulevard Saint-Michel. L’Eldorado s’oriente ensuite vers les films érotiques et pornographiques à l’instar du cinéma la Scala situé de l’autre côté du boulevard et d’autres salles du circuit Lallemant comme le Monte-Carlo et le Lynx.
Des films aux titres cocasses mais interdits aux mineurs sont programmés dans la grande salle de l’Eldorado comme Coups fourrés (The Pick-up) de Lee Frost avec Wes Bishop le 6 novembre 1970, La Maffia du plaisir de Jean-Claude Roy le 1er janvier 1971, Aime-moi vite le jour se lève de Hans Billian le 29 septembre 1971, Hôtel de la bricole d’Alfred Weidenmann avec Karin Jacobsen le 16 août 1972, Rapport sur la vie sexuelle de la ménagère de Eberhard Schröder avec Astrid Boner, Sybil Danning et Doris Arden le 13 septembre 1973, Les Obsessions sexuelles d’un veuf de Giovanni Grimaldi avec Carlo Giuffre, Françoise Prévost et Katia Christina le 6 décembre 1973, Suce pas ton pouce de Eberhard Schröder avec Birgit Bergen le 20 février 1974, Les Culbuteuses de Eberhard Schröder et Quirin Steiner avec Puppa Armsbruster le 3 septembre 1975, Les Travaux pratiques de l’amour de Frank Sürth avec Rick Lutz et Cyndee Summers le 14 avril 1976 ou bien Au doigt et à l’oeil le 23 novembre 1977.
Ci-dessus: Dossier prostitution de Jean-Claude Roy à l’Eldorado, au Monte-Carlo, au Danton, au Lynx, au Royal-Haussmann et au Cinévog le 3 avril 1970.
Ci-dessus: Pour 1 dollar d’amour à l’Eldorado, au Monte-Carlo et au Ritz le 3 juin 1970.
Ci-dessus: Le Pharaon de Jerzy Kawalerowicz à l’Eldorado en 1980.
Depuis 1976, mesdames Morisot-Lallemant et Rebotier gèrent la Société Nouvelle de l’Eldorado qui revient à une programmation plus traditionnelle, notamment à cause de la nouvelle législation du classement X et le décret du 31 octobre et la loi du 30 décembre 1975, et de l’attrait des spectateurs, depuis le renouveau du Kinopanorama, pour les grandes salles équipées d’un écran géant. Pour s’adapter à cette tendance, un écran courbe qui dépasse le cadre de scène est installé dans la salle de l’Eldorado qui affiche des films à grand spectacle comme la continuation de La Guerre des étoiles de George Lucas à partir du 15 septembre 1978 ou des films qui ont rencontré un succès au Kinopanorama à l’instar de la reprise du chef d’oeuvre de Carol Reed Le Troisième Homme (1949) le 22 novembre 1978 ou du péplum polonais Le Pharaon (1966) de Jerzy Kawalerowicz. Mais les spectateurs ne se déplacent pas en masse pour voir un film en version originale jusqu’au populaire boulevard de Strasbourg comme ils le feront quelques décennies plus tard au Louxor.
L’Eldorado se cherche. En cette fin des années 1970, les films de Kung-fu ont le vent en poupe notamment grâce au producteur René Chateau qui, dans les trois salles du boulevard Montmartre où se situe son cinéma Hollywood Boulevard fait découvrir en 1974 Bruce Lee avec La Fureur du dragon. La salle du boulevard de Strasbourg se lance à son tour dans le cinéma de genre avec des films programmés en collaboration avec le Gaîté-Rochechouart et le Saint-Antoine comme L’Implacable Yung Chen de Chan Siu-pang le 25 juillet 1979 ou L’Arme secrète de Shaolin de Chang Peng-i le 7 novembre 1979. Ces titres alternent avec des films musicaux comme Rockers de Theodoros Bafaloukos à l’affiche en version originale le 3 octobre 1979 avec l’Entrepôt, le Balzac et le Luxembourg ou Reggae Sunsplash de Stefan Paul avec les grands artistes de la musique jamaïcaine comme Bob Marley, Peter Tosh ou Burning Spear le 19 décembre 1979 en combinaison avec les cinémas Saint-Séverin, le Bonaparte et le Gaîté-Rochechouart.
Au début des années 1980, un nouvelle exploitant est à la tête de l’Eldorado, la société Bagatelle, qui remet les films en exclusivité dans son programme comme Hulk revient de Kenneth Johnson avec Lou Ferrigno le 30 janvier 1980 ou Inspecteur la bavure de Claude Zidi avec Coluche et Gérard Depardieu le 3 décembre 1980.
Mais le public parisien délaisse la salle Art déco du boulevard de Strasbourg. La dernière séance est annoncée pour le 7 juillet 1981 avec un double programme à l’affiche comprenant Les Monstres du Kung-Fu de Kei Law et Les Ruses diaboliques du kung–fu de Chin Sheng-en. Quelques 2.572 spectateurs se déplacent cette dernière semaine pour assister aux ultimes projections de l’Eldorado.
Grâce au combat mené par l’Association Française de Recherche sur l’Histoire du Cinéma fondée par l’historien d’art Francis Lacloche, l’Eldorado est préservé d’une destruction et obtient l’inscription à l’inventaire supplémentaire des Monuments Historiques le 5 octobre 1981. Repris par le producteur Jean-Marc Dumontet – qui a également transformé en théâtre le cinéma Bienvenüe-Montparnasse du circuit Rytmann, la salle est désormais connue sous le nom de Théâtre Libre. Avant cela, l’ancienne salle de cinéma a également arboré l’enseigne Théâtre de l’Eldorado puis Théâtre Comoedia. Si les projecteurs de l’Eldorado sont définitivement éteints, la salle Art déco reste miraculeusement préservée.
Ci-dessus: la salle du Théâtre Libre (Photo: Théâtre Libre).
Ci-dessus: la façade du théâtre de l’Eldorado avec à l’affiche Jean Lefebvre dans Pauvre France.
Ci-dessus: la façade du théâtre de l’Eldorado avec à l’affiche Jean-François Balmer dans Le Faiseur.
Ci-dessus: la façade du théâtre Libre avec à l’affiche Richard Berry dans Plaidoiries.
Textes: Thierry Béné
Documents: Gallica-Bnf, La Construction moderne, La Cinématographie française, Le Film français, Pariscope, France-soir et collection particulière.
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