Lui, c’est Yannick (Raphaël Quenard), un spectateur qui interrompt la représentation du Cocu, une obscure pièce de boulevard donnée au théâtre Dejazet. Sur la scène, le minable trio d’acteurs (Blanche Gardin, Pio Marmaï et Sébastien Chassagne) tente de raisonner cet étrange Yannick, vigile de profession, qui devient vite menaçant…

En guise de surprise estivale, Quentin Dupieux sort son douzième long-métrage depuis 2001, entre Fumer fait tousser (2022) et le prochain à venir cette année Daaaaaali! Dans Yannick, le prolifique cinéaste se veut moins potache ou étrange que ses précédents et hilarants opus. Ici, c’est une sorte de corsaire – que l’affiche inspirée de Trop belle pour toi (Bertrand Blier, 1989) montre bien – qui déboule sur l’écran et bouscule le train-train des protagonistes, acteurs comme spectateurs. Et de poser la question: a t-on le droit de critiquer une « prestation », même pour l’art vivant, pour laquelle on n’est pas satisfait? Est-on obligé de subir sans rien dire la médiocrité du monde, même à l’intérieur d’un théâtre parisien? N’avons-nous pas le devoir de nous indigner, pour reprendre le célèbre écrit de Stéphane Hessel?

Il fallait un acteur à la hauteur pour incarner pendant 1h07 cet huluberlu sorti de nulle part, dérangeant l’ordre des choses. Il s’appelle Raphaël Quenard et c’est actuellement l’acteur de plus en vue du cinéma – il avait déjà détonné dans Fumer fait tousser du même Dupieux. Avec la fougue d’un Patrick Dewaere qui aurait la gouaille du Dauphiné – Raphaël Quenard est né à Grenoble -, l’acteur est véritablement génial, passant avec brio du comique, à la poésie et à l’émotion. Un regard nouveau chez Quentin Dupieux qui réinvente à près de cinquante ans son œuvre.