Mort assassiné et retrouvé en combinaison de latex… C’est la trouble fin d’Edouard Stern, une des grandes fortunes de la finance, qui avait fait grand bruit dans la paisible et taiseuse Genève. L’écrivain Régis Jauffret s’était emparé du sujet en 2010 avec son roman « Sévère » publié au Seuil. La comédienne Hélène Fillières, dont c’est le premier film derrière la caméra, s’empare courageusement de cette relation morbide « inspirée de faits réels » entre le banquier et sa maîtresse. C’est surprenant que la jeune femme, plutôt vue dans des rôles piquants, ait décidé de poser sa première caméra sur le terrain du sado-masochisme… Mais le défi valait largement le coup.
Dans « Une Histoire d’amour » – puisque c’en est une – il n’y a ni romance ni violon. L’amour est fait de jeux érotiques sado-masochistes entre un banquier acide (Benoît Poelvoorde, magistral en « prince noir de la finance » ) et sa maîtresse (Laetitia Casta, magnifiquement féline). L’homme, solitaire, ténébreux et violent, tient son monde avec son « fric »: sa maîtresse d’abord, son psy ensuite, ses « putes » et tous les employés des bars et restaurants feutrés qu’il fréquente…
La relation de ces deux amants est plus ambiguë qu’il n’y paraît: il y a ces jeux dangereux auxquels ils s’adonnent. Il y a aussi et surtout l’argent qui tient le personnage central du film: il est attirant et honteux. D’ailleurs, on ne sait pas trop comment l’un l’a obtenu, à quel point l’autre est prête pour l’avoir. Cloîtré dans sa maison, le vieillissant mari (Richard Bohringer, de retour pour notre plus grand bonheur) observe quant à lui la fin inéluctable de son couple.
Dans l’ambiance glaciale des villas épurées, la caméra d’Hélène Fillières enrobe ses personnages, les surprend dans une cuisine ou un restaurant, les scrute au plus près du corps comme le scalpel d’un médecin (légiste). De beaux travellings et la bande originale d’Étienne Daho (avec les versions instrumentales des « Liens d’Eros » et de « L’Adorer ») font d’une « Histoire d’amour » un beau film malgré des scènes assez éprouvantes. Le film devait s’appelait « Les Adorés » d’où la présence du chanteur au casting musical du film.
Benoît Poelvoorde pousse ici encore plus loin ce personnage malade, proche cousin du film d’Anne Fontaine « Entre ses mains » dans lequel il jouait un psychopathe. Son jeu de banquier névrosé est époustouflant. Face à lui, Laetitia Casta n’est pas qu’une femme pulpeuse: elle apporte un peu d’humanité trouble (est-elle une « pute » comme il le lui assène?) dans cet univers glauque.
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