Dans une usine milanaise, Nullo et Carmela se rencontrent et s’aiment. Bien qu’appartenant tous deux à la même classe sociale, ils doivent néanmoins surmonter leurs différences: la jeune femme, sicilienne, est issue d’une famille catholique; le jeune homme est un communiste, athée venant du Nord de l’Italie. Mais ce n’est pas tant le poids familial qui contrarie leur amour: la difficile condition ouvrière et les dérives du capitalisme anéantiront les possibilités d’une vie commune.
Luigi Comencini, réalisateur de célèbres comédies transalpines, réalise en 1974 Un Vrai crime d’amour, qui débute comme une comédie romantique et se termine en drame social. Grâce aux Films du Camelia et le goût affiné de Ronald Chammah pour le cinéma italien, Delitto d’amore – peu connu de parmi les films du cinéaste et tourné avant Casanova, un adolescent à Venise (1969) – ressort en version restaurée sur le grand écran.
Sur une musique du grand compositeur Carlo Rustichelli, Comencini anticipe dès cette époque les scandales écologiques et les conséquences sur les humains des industries qui seront dénoncés sous l’ère du néolibéralisme effréné. Visionnaire, le cinéaste pointe une extrême-gauche dont l’idéologie de la lutte des classes tombe en désuétude (une certaine classe modeste s’embourgeoise) et une extrême-droite qui s’immisce dans les classes populaires (les ouvriers du Sud sont traités de « Marocains »).
Carmela, c’est la belle Stefania Sandrelli qui lui prête sa moue boudeuse et espiègle: l’actrice de Divorce à l’italienne (1963) de Séduite et abandonnée (1964) ou de Je la connaissais bien (1965) illumine ce mélodrame tourné dans les brumes matinales et les fumées des usines, comme si la fin d’un monde approchait.
Sombre, le constat que fait Comencini d’une société qui mise sur le rendement au profit de l’humain et qui se heurte aux différences culturelles ou spirituelles. Le cinéaste et son scénariste Ugo Pirro avaient malheureusement un temps d’avance.
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