Il est le « parfait étranger » comme le lui affirme son chauffeur de taxi new-yorkais. Il est vrai qu’Elia Suleiman, qui tient le rôle d’E.S. dans son nouveau film élaboré comme un journal intime entre Jérusalem, Paris et New-York, n’a pas tout à fait résolu la question de son identité. Ni celle de son peuple.

Né en 1960 à Nazareth, la plus grande ville arabe d’Israël, Elia Suleiman est de culture arabe et de confession catholique, autant dire une minorité dans un monde où la revendication identitaire prend une inquiétante tournure. Son passeport est israélien mais il se considère palestinien. Sortant d’un deuil qu’on pense être celui de son père, E.S. entame une quête de soi en voyageant à Paris et à New-York à la recherche de financements pour son prochain film.

Il faut aborder « It must be heaven » comme un récit fait de sagesse et de douceur pour découvrir l’autre… et soi-même. L’autre, c’est un voisin qui empiète sur sa propriété, c’est une femme qui achemine l’eau au travers des oliviers, c’est un mauvais garçon dans le métro parisien (Grégoire Colin, époustouflant) ou c’est l’acteur Gabriel Garcia Benal qui se dit son ami. Ce sont des corps jeunes et libérés dans les rues de Paris, ce sont aussi des policiers et des populations armées… Douceur et violence.

Il y a mille et une choses dans « It must be heaven » qui convergent avec malice et finesse vers la question: l’identité, ça veut dire quoi? Elie Suleiman, observateur muet de l’existence – a t’on le droit de prendre la parole quand son pays n’est pas reconnu comme un Etat? – croit néanmoins à l’espoir d’un monde meilleur, heureux, libéré: la dernière scène du film montre des jeunes dansant entre eux, tous sexes confondus, toutes sexualités acceptées pour le plus grand bonheur d’E.S.. Et du nôtre.

L’affiche du filme du talentueux illustrateur Floc’h est superbe.