A peine sorti, une polémique éclate autour du film d’Alain Guiraudie, à l’heure où la société française, par l’intermédiaire de ses élus, a voté la loi progressiste du mariage pour tous. Diffusé dans une petite combinaison de salles de cinéma, c’est l’affiche de « L’Inconnu du lac » qui choque plutôt que le film en lui-même, bien qu’il soit interdit au moins de 16 ans. On y voit deux hommes s’embrasser dans les fourrés, tandis que sur la plage où évoluent des corps mâles, un homme fait une fellation à un autre homme. Colorée, l’affiche est suffisamment explicite pour prévenir les spectateurs de scènes homosexuelles.
Outre une sexualité affirmée, rapide et décomplexée, le film d’Alain Guiraudie, véritable ovni comme l’était son précédent « Roi de l’évasion« , pourrait être catégorisé, mais pas seulement, dans le genre du thriller sentimental. Car, sur les bords de ce magnifique lac varois (le film a été tourné aux alentours du lac de Sainte-Croix dans le parc naturel du Verdon) où des homosexuels se donnent rendez-vous et couchent dans les buissons, un crime a été commis. L’amant de Michel (Christophe Paou) a été effectivement retrouvé volontairement noyé. Il se trouve que Franck (Patrick Deladonchamps), irrésistiblement attiré par Michel, a assisté à la scène de noyade. La police mène l’enquête: son inspecteur (Jérôme Chappatte, irrésistible) commence à y voir plus clair…
« L’Inconnu du Lac » met en scène les journées de rendez-vous amoureux de ces hommes de tous âges, de toutes classes sociales, les uns athlétiques, les autres bedonnants. Garés sur le parking, les véhicules témoignent de la présence d’untel ou untel. Les habitués côtoient les nouveaux, les baignades et les ébats amoureux ponctuent la journée. Tout est ainsi parfaitement millimétré dans la vie de ces hommes (aucune femme n’apparaît dans le film…). Jusqu’au fameux noyé repêché: la mort a touché « un des leurs » pour reprendre les mots de l’inspecteur et cela effraie Henry, le confident hétérosexuel (?) de Franck (Patrick d’Assumçao), qu’un serial-killer de gays rôde dans les parages…
Comique, le film d’Alain Guiraudie l’est certainement: le réalisateur aime, à l’instar d’un Jean-Pierre Mocky, jouer avec les codes et les clichés: un homosexuel moustachu tout droit sorti d’un film de François Ozon, un jeune Apollon, un confident grassouillet, des voyeurs aux mines inquiétantes, un inspecteur cocasse… Le cinéaste aveyronnais sait filmer comme rarement au cinéma la nature, à la fois attirante et effrayante, et dans ce film les corps dans des scènes très (trop) crues.
Inédit dans le paysage cinématographique, « L’Inconnu du Lac » mérite qu’on s’y promène sur son rivage.
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