On avait découvert le cinéaste Kantemir Balagov grâce à son très beau premier film « Tesnota« . Sorti en 2018, il retraçait un sordide faits divers survenu au sein de la communauté juive de la République russe de Kabardino-Balkarie. A seulement 28 ans, le cinéaste originaire de Naltchik revient avec un projet ambitieux se déroulant à Leningrad au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.
« La Girafe » – le titre russe du film – est le surnom donné à Iya (Viktoria Miroshnichenko) : l’infirmière, au teint diaphane et à la silhouette longiligne, officie dans un dispensaire qui accueille les blessés du front. Elle y retrouve son amie Masha (Vasilisa Perelygina), qu’elle a justement connu au front et qui revient chercher l’enfant qu’elle lui a confié. Le garçon mort, l’influente Masha devenue stérile scelle un pacte avec sa timide compagne.
« Une Grande fille » confine à l’étouffement dans une atmosphère âpre et morbide. Les souvenirs des morts de la guerre hantent l’esprit des deux jeunes femmes qui soignent les blessés et les estropiés sous la direction d’un chef affable. Masha, malgré sa stérilité, s’évertue à vouloir donner la vie, à espérer un futur radieux et à croire à des lendemains qui chantent. Kantemir Balagov évoque avec sensibilité le besoin de maternité de ces femmes revenues de toutes les immondices des hommes. « Une Grande fille » rend ainsi un bel hommage à ces combattantes, ces partisanes bousculées par la vie mais qui se tiennent toujours debout.
Malgré sa dureté et le sentiment d’oppression ressenti par le spectateur, « Une Grande fille » est une oeuvre magnifique qui rappelle les grands traumatismes de la guerre évoqués notamment dans « Requiem pour un massacre » (1985) de Elem Klimov. Le traitement du film, avec sa photographie en sépia et sa longueur (2h17) permettent une immersion totale dans ce presque hui-clos se déroulant dans un appartement communautaire (kommunalka) dans un Leningrad apocalyptique.
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