Alors qu’il s’acharne, tel un stakhanoviste, à sa tâche quotidienne dans une usine de fabrication de pièces métalliques, Lulu Massa (Gian Maria Volonté) est victime d’un accident. En prenant conscience des cadences répétitives et des conditions de travail des ouvriers, il rejoint les mouvements de grèves et les blocages de l’usine, portés en partie par des étudiants.
Palme d’or au Festival de Cannes 1972 – ex-aequo avec L’Affaire Mattei (Francesco Rosi), également interprété par Gian Maria Volonté -, La Classe ouvrière va au paradis ressort au cinéma dans une version restaurée. Il est troublant de voir toute l’actualité de cette comédie sociale d’Elio Petri lorsqu’on on observe les luttes actuelles et ininterrompues des ouvriers pour de meilleures conditions de travail.
Le cinéaste de L’Assassin (1961) et d’Enquête sur un citoyen au-dessus de tous soupçons (1970) filme ici le quotidien d’un ouvrier de l’usine B.A.N – dont on ne saura jamais ce qu’elle fabrique – et de son avilissement: travail déshumanisé, gestes mécaniques, environnement bruyant, surveillance exacerbée des rendements, pause-déjeuners minutées… De retour après une journée harassante, Lulu s’écroule de fatigue; ce qui ne manque pas de contrarier sa compagne Lidia (Mariangela Melato). Comme une fraternité retrouvée, les grèves auxquelles il participe donnent un sens nouveau à sa vie. Il retrouve même sa libido auprès d’une jeune étudiante militante, Adalgisa (Mietta Albertin).
Elio Petri construit dans La Classe ouvrière va au paradis un univers clos et étouffant, que ce soit l’intérieur de l’usine (néons lumineux et univers clinique), à l’extérieur (barrières et surveillance qui rappellent un centre de détention) ou même dans son propre appartement, bientôt le réceptacle de ses névroses. Basculant peu à peu vers la folie, Lulu prendra-t-il le chemin d’une ancienne légende des luttes syndicales, Militina (Salvo Randone, héros des Jours comptés), désormais interné dans un asile?
Si Elio Petri emmène ses spectateurs dans une farce sociopolitique amère et hilarante, où tout le monde y prend pour son grade – syndicalistes, militants étudiants, idéologues ou socialistes à la culture du compromis -, le cinéaste interroge le monde du travail: l’absence d’implication dans un projet commun, l’abrutissement des tâches, la désincarnation des patrons. En outre, la vie familiale est minée par l’encombrement de Lulu.
Avec une mise en scène fluide, une musique d’Ennio Morricone et bien sûr l’immense interprétation de Gian Maria Volonté, qui, une nouvelle fois, est magistral, La Classe ouvrière va au paradis est un tableau corrosif du capitalisme.
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