Ilina est une jeune femme qui refuse les conventions: avec ses airs de garçon manqué, toujours flanquée d’une salopette de jean, elle préfère aider son garagiste de père plutôt que de poursuivre une voie plus classique. Dans cette région du nord du Caucause où l’islam est dominant, cette fougueuse rebelle s’amourache de Zalim, un garçon kabarde. Mais Ila est issue d’une petite communauté juive…
Dans ce récit où les sentiments amoureux sont contrariés par le poids religieux, le jeune cinéaste Kantemir Balagov a intégré une sordide histoire dont il a été témoin en 1998. Dans sa ville natale de Naltchik, la capitale de la République de Kabardino-Balkarie, le frère d’Ilina et sa fiancée ont été les victimes d’un enlèvement. La petite communauté juive locale et une tentative de mariage arrangé aideront à réunir la somme demandée, plutôt que de prévenir la police locale.
Derrière ce malheureux faits divers et dans le contexte d’alors (la guerre en Tchétchénie), c’est un antisémitisme larvé qui resurgit soudainement et ébranle une communauté déjà méprisée. C’est aussi l’heure où le repli identitaire s’accélère et la violence menace la concorde entre les communautés religieuses de cette république de la fédération de Russie. Une insoutenable scène vidéo-amateur de massacres perpétrés par des tchétchènes rappelle à Ilina et à ses compagnons de virées nocturnes les tensions et haines inter-communautaires.
Kantemir Balagov a donné le rôle d’Ila à Darya Zhovnar: cette jeune actrice au regard intense est une stupéfiante révélation. Elle porte « Tesnota » du début à la fin et incarne à elle-seule, malgré toute la compréhension d’un père aimant, une jeunesse qui subit les conventions et rêve d’un ailleurs utopique. Celle qui a été préféré à son frère méprise autant les traditions ancestrales de sa communauté que ses membres eux-mêmes, faussement solidaires avec sa famille.
Filmé caméra à l’épaule, « Tesnota » est un film âpre et intense. Il révèle un cinéaste russe prometteur et une comédienne magnétique.
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