Au sortir de la dernière guerre mondiale, László Tóth (Adrien Brody), juif hongrois ayant survécu aux camps d’extermination nazis, débarque à Ellis Island. Accueilli par son cousin Attila (Alessandro Nivola) et sa femme Audrey (Emma Laird), l’ancien architecte du mouvement Bauhaus conçoit une bibliothèque pour un magnat du pétrole de Philadelphie, Harrison Lee Van Buren (Guy Pearce). Ce dernier, ayant aidé au rapatriement des femme (Felicity Jones) et nièce (Raffey Cassidy) de Tóth, lui passe commande d’un complexe culturel à la gloire de sa mère.
Pratiquement inconnu en Europe, Brady Corbet déboule dans les salles de cinéma avec un film-fleuve qui, avant même sa présentation, bénéficie de tous les superlatifs. Il faut dire que la longueur (plus de 3h30 avec entracte), le procédé de tournage VistaVision sur pellicule 35 mm, les sonorités puissantes de Daniel Blumberg et la thématique ambitieuse sur les fondements de l’Amérique détonnent à l’heure de la consommation des images sur les petits écrans via les plateformes VOD.
« Monumental » est le qualificatif qui revient régulièrement pour définir The Brutalist. Pourtant, le film – superbement réalisé – de Brady Corbet adopte une forme plutôt intimiste en privilégiant les espaces clos (appartements newyorkais, demeure sombre, carrières de Carrare, etc.) et les rapports de force entre les protagonistes, notamment le wasp Van Buren et l’émigré Tóth. Le capitaliste décomplexé et l’artiste torturé; le puissant et l’humilié.
Si le trait est souvent trop forcé – la symbolique du viol de l’art par l’argent – et le rythme inégal, The Brutalist impressionne dans son ambition de se confronter aux plus grands films qui relisent l’histoire de l’Amérique sous un jour sombre, tels Il était une fois l’Amérique (Sergio Leone, 1984) ou plus récemment Killers of the Flower Moon (Martin Scorsese, 2023).
La sexualité contrariée, l’exil et la mythologie du Juif errant sont parmi les thèmes passionnants qu’aborde la grande fresque dont Adrien Brody est de tous les plans. L’acteur, comme un écho au Pianiste (Roman Polanski, 2002), incarne un Tóth détruit et névrosé, adoucissant son mal de vivre dans les opiacées. Autour de lui, Felicity Jones, Guy Pearce, impressionnant, et Isaach de Bankolé complètent une distribution dont se dégage particulièrement Joe Alwyn, qui interprète le fils dégénéré Van Buren. Avec sa sœur incarnée par Stacy Martin, ils forment les enfants victimes d’un père dévastateur. Un rappel à l’Amérique trumpiste?
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