Adresse: 29 avenue Ledru-Rollin à Paris (XIIe arrondissement)
Nombre de salles: 1
Le 20 mai 1930, au 29 de l’avenue Ledru-Rollin dans le XIIe arrondissement, un nouveau cinéma de 700 places ouvre ses portes : le Novelty.
À l’origine de ce nouvel établissement cinématographique, un homme : Marcel Royer qui, fait suffisamment rare pour être souligné, en est à la fois l’architecte et le directeur. Les plans que dévoilent Marcel Royer montrent une salle sur deux niveaux avec un orchestre et un balcon doté de grandes avancées.
Ci-dessus: double programme à l’affiche du Novelty la semaine du 19 décembre 1930 avec Manolesco, prince des sleepings (Victor Tourjanski) et Mélodie du cœur (Hanns Schwarz).
Dans son édition du 11 février 1932, la revue La Semaine de Paris, hebdomadaire qui publie les programmes des cinémas, annonce que désormais sera indiquée la marque de l’équipement sonore des salles. En effet, en ce début des années 1930, la sonorisation arrive à grande vitesse et les salles s’équipent massivement. Mais le public n’accueille pas immédiatement le cinéma « parlé » et, bien avant les réseaux sociaux d’aujourd’hui, le bouche-à-oreille a déjà un impact important sur la réputation d’une salle de cinéma, comme le montre une spectatrice qui envoie son courrier à La Semaine de Paris : « J’ai assisté ces jours derniers (…) à la projection d’un film dont on m’avait par ailleurs vanté les mérites. Durant près de 2 heures j’ai dû subir les nasillements inintelligibles, les bruits parasites d’un appareil franchement défectueux. À 10 reprises, au moins, la projection fut interrompue (…) et le film fut accueilli avec des sifflets unanimes ».
Ci-dessus: sortie générale de la version française de Stupéfiants (Kurt Gerron et Roger Le Bon), production de la UFA à l’affiche du Novelty le 3 février 1933.
Trois années après son ouverture, le constat est amer pour Marcel Royer : le Novelty n’a jamais pu prendre l’essor attendu, malgré sa situation géographique dans le très animé quartier de la gare de Lyon. Si d’importants efforts sont effectués au niveau de la programmation qui attire une clientèle de quartier assez fidèle, les spectateurs ne sont pas assez nombreux.
Une des raisons de cet échec est, selon la revue La Cinématographie française du 14 octobre 1933, la qualité de la reproduction sonore qui laisse à désirer. À cause de sa faible fréquentation, le Novelty abandonne ses séances de matinée pour se consacrer aux représentations en soirée. La même revue indique que pour l’année 1933, le Novelty enregistre une recette de 728 100 francs, contre 2 815 200 francs pour le Lyon-Palace et 1 634 100 francs pour le Reuilly-Palace, deux établissements concurrents du XIIe arrondissement.
En septembre 1933, l’équipement sonore du Novelty est enfin remplacé par des appareils Western-Electric, garants d’une qualité sonore. Cette amélioration technique s’accompagne de la reprise de son exploitation normale en réactivant les matinées quotidiennes. Marcel Royer en profite pour effectuer quelques travaux de réfection et de décoration afin d’optimiser les rendements du Novelty. Comme le souligne La Cinématographie française, le Novelty « est désormais en possession de l’élément fondamental d’une exploitation fructueuse : un équipement offrant la triple garantie de qualité, de régularité, de sécurité. »
La séance d’inauguration du nouvel équipement est donnée le 6 octobre 1933 avec en double programme la production des studios Warner Bros. Je suis un évadé (Mervyn LeRoy) doublé en français et la comédie française Je te confie ma femme (René Guissart). Parmi les films à l’affiche en double programme durant les années 30, citons quelques titres passés à la postérité : La Croisière du Navigator (Buster Keaton et Donald Crisp) à l’affiche la semaine du 6 juin 1930, La Tragédie de la mine (Georg Wilhelm Pabst) celle du 21 avril 1932, L’Ange bleu (Josef von Sternberg) le 5 mai 1932 ou L’Opéra de quat’sous (Georg Wilhelm Pabst) le 2 décembre 1932.
Pour les années suivantes, on peut évoquer à l’affiche du Novelty Blonde Vénus (Josef von Sternberg) le 7 avril 1933, 42e Rue (Lloyd Bacon) le 1er décembre 1933, La Reine Christine (Rouben Mamoulian) le 2 novembre 1934, Jofroi (Marcel Pagnol) le 11 janvier 1935, Liliom (Fritz Lang) le 22 février 1935, Jenny (Marcel Carné) le 11 décembre 1936, Les Bas-fonds (Jean Renoir) le 27 mai 1937, Alerte aux Indes (Zoltan Korda) le 21 décembre 1938, Bonne chance (Sacha Guitry) le 6 décembre 1939 ou encore Les 39 Marches (Alfred Hitchcock) le 17 janvier 1940.
Ci-dessus: sortie générale de La Grande Illusion (Jean Renoir) au Novelty le 16 décembre 1937.
Durant l’Occupation, les cinémas sont soumis à une autorisation de réouverture. Le Novelty, qui peut de nouveau fonctionner en octobre 1940, poursuit son activité de cinéma de quartier sous la direction d’Henri Gagnepain. Chaque semaine, un film différent est à l’affiche. Parmi eux, la comédie Montmartre-sur-Seine (Georges Lacombe) la semaine du 4 mars 1942, le film d’aventure Cartacalha, reine des gitans (Léon Mathot) le 6 mai 1942, le drame Lettres d’amour (Claude Autant-Lara) le 5 mai 1943, Les Anges du péché (Robert Bresson) le 9 février 1944 ou bien la comédie Domino (Roger Richebé) le 5 avril 1944.
Durant les deux décennies suivantes, le Novelty conserve son statut de cinéma de quartier proposant des films en sortie générale ou en reprise comme Les Aventures de Robin des Bois (Michael Curtiz, 1938) le 5 décembre 1945, La Règle du jeu (Jean Renoir, 1939) le 23 janvier 1946, Monsieur Smith au sénat (Frank Capra, 1939) le 21 août 1946, Qu’elle était verte ma vallée (John Ford, 1941) le 5 février 1947 ou Les Casse-Pieds (Jean Dréville, 1948) le 25 janvier 1950.
Ci-dessus: sortie générale de La Dernière Chance (Leopold Lindtberg) au Novelty le 22 mai 1946.
Les années 1950 sont les années décisives pour les exploitants confrontés à une vague massive d’équipement de la télévision dans les foyers français. Pour contrer cette concurrence, ils équipent leurs salles pour la projection aux formats larges. Le Novelty, qui travaille très peu avec le studio 20th Century Fox, n’installe pas tout de suite le CinemaScope. Les autres studios hollywoodiens adoptent progressivement ce nouveau procédé en payant de lourds droits à la Fox. Durant cette même décennie, les cinémas de quartier subissent plus que les salles d’exclusivité équipées du CinemaScope, une baisse de la fréquentation.
Le Novelty se dote enfin du CinemaScope le 17 octobre 1956 avec la sortie du film Les Quatre plumes blanches (Terence Young et Zoltan Korda). Parmi les films avec le procédé, citons La Mousson (Jean Negulesco) le 21 novembre 1956, La Meilleure part (Yves Allégret) le 5 décembre 1956, La Fureur de vivre (Nicholas Ray) le 9 janvier 1957, La Croisée des destins (George Cukor) le 20 mars 1957, Les Misérables (Jean-Paul Le Chanois) le 19 novembre 1958 pour la première époque et le 26 novembre pour la seconde, L’Auberge du sixième bonheur (Mark Robson) le 28 octobre 1959 ou bien Babette s’en va-t-en guerre (Christian-Jaque) le 16 mars 1960.
Ci-dessus: sortie générale de Spartacus (Stanley Kubrick) au Novelty le 4 avril 1962.
Jean Rebotier, le président de la Fédération Nationale des Cinémas Français (F.N.C.F.), obtient pour les cinémas parisiens durant l’été 1963 une détaxe de 25% pour la période d’exploitation comprise entre le 17 juillet au 17 septembre.
Mais le Novelty ne profite pas de cette mesure d’allègement fiscale obtenue de la F.N.C.F. : le cinéma ferme définitivement ses portes le 24 juillet de la même année, après une ultime projection du film d’Elia Kazan A l’est d’Eden. Cette fermeture d’une salle de quartier s’inscrit dans un mouvement déjà bien amorcé en 1963 et qui va par la suite s’amplifier et voir la disparition d’un nombre impressionnant d’écrans parisiens.
Texte: Thierry Béné.
Documents: Le Film français, La Cinématographie française, Gallica BnF, France-Soir, Gaumont-Archives, La Critique cinématographique, Les Spectacles.
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