Hirayama (Koji Yakusho) a mis en place un rituel bien rôdé durant ses journées de travail: ce quinquagénaire solitaire, employé méticuleux dans les toilettes publics de Tokyo, a en effet réglé sa vie comme du papier à cigarette, depuis son réveil à l’aube jusqu’au soir où il s’accorde quelques pages de lecture. Des rencontres avec des inconnus et des retrouvailles avec sa nièce vont bouleverser la vie d’Hirayama.
Quelques semaines seulement après la sortie de son impressionnant documentaire Anselm, Wim Wenders revient à la fiction avec un film en forme de haïku, ces petits poèmes japonais qui parlent avec philosophie des choses simples de l’existence. D’ailleurs, le héros du film du cinéaste allemand, nettoyeur de lavabos et de cuvettes pour The Tokyo Toilet, semble être surtout poète et philosophe, épris de littérature et de musique anglo-saxonne (Patti Smith, Nina Simone, Lou Reed, The Velvet Underground, Otis Redding ou encore Van Morrison) et de l’artiste japonaise Sachiko Kanenobu. Malgré la pénibilité de son travail et l’humiliation qu’il pourrait ressentir en curant les latrines publiques, Hirayama conserve un sourire radieux, s’émerveillant des dons que lui donne la vie, immortalisant avec son appareil photo argentique les fulgurances de la nature.
On ne saura rien, ou si peu, sur le passé de ce mystérieux employé, égaré d’une société de consommation, qui semble s’être « dématérialisé » pour se consacrer aux richesses de l’esprit et aux sensations. Le cinéaste insert entre ses journées, répétitives mais toujours uniques, des belles images oniriques en noir et blanc.
De tous les plans, l’acteur japonais Koji Yakusho, auréolé du Prix d’interprétation masculine à Cannes en 2023, livre une impressionnante composition. Comédien dans les derniers films du maître Shōhei Imamura, on l’avait également remarqué dans le plus récent The Third murder (Hirokazu Kore-eda, 2018). La réalisation à la fois sophistiquée et légère de Wim Wenders ainsi que le récit qu’il élabore avec des moments banals et ordinaires de la vie de cet homme extraordinaire, font de Perfect days un passionnant et inoubliable poème cinématographique. Le générique de fin propose une sublime version au piano de Perfect day de Lou Reed.
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