Quand un Fritz Lang totalement inédit au cinéma sort en version restaurée, le cinéphile ne peut que se réjouir de cette rareté d’un des grands maîtres du 7e Art. Tourné en 1950, House by the river n’est curieusement jamais sorti en salles en France, la faute probablement à son insuccès aux Etats-Unis. Pourtant, grâce à Théâtre du Temple Distribution, ce joyau du film noir mérite amplement qu’on s’y attarde, près de soixante-dix ans après, grâce à un scénario bien ficelé, une mise en scène maîtrisée, un beau grain noir et blanc et une partition de George Antheil qui donnent une ambiance tout à fait hitchcockienne – on pense à Psychose – à cette œuvre traduite en français par Au Fil de l’eau.
House by the river débute par un crime, non pas sous une douche, mais après un bain: Emily, la jeune domestique de Stephen Byrne (Louis Hayward), un écrivain sans succès, est accidentellement tuée par ce dernier. C’est en refusant ses avances au sortir de la salle de bain que la domestique est étranglée par son maître pris par la panique d’éveiller les soupçons de la voisine Mrs. Ambrose. En l’absence de sa femme Marjorie (Jane Wyatt) et avec la complicité de son frère, Byrne fait disparaître le corps dans les eaux du fleuve qui borde sa maison.
L’eau est bien l’élément déclencheur du crime. Et aussi son révélateur.
C’est en écoutant le bruit de l’évacuation de l’eau de la baignoire que la pulsion sexuelle de Byrne s’éveille. Et c’est le corps encore humide d’Emily, en peignoir descendant l’escalier, qui provoque l’irrésistible désir de l’étreindre et, finalement, de l’assassiner. Et c’est enfin l’eau de la rivière qui dissimule puis rejette aux yeux du monde le malheureux cadavre de la jeune femme aux longs cheveux blonds.
Fritz Lang décrit un homme médiocre, Byrne, qui porte beau mais qui vit au crochet de son frère John (Lee Bowman). Et qui trouve son inspiration d’écrivain dans le crime qu’il vient de commettre. Aucune once d’humanité ne transperce de cet homme veule, cynique, calculateur qui trompe non seulement sa femme Marjorie, mais également son propre frère. L’humanité n’a pas d’espoir dans ce portrait sombre d’un monstre pourtant bien humain.
Le cinéaste virtuose livre un film noir, étouffant, aux rebondissements vertigineux et à l’esthétique superbe. Une grande leçon de cinéma et une œuvre stupéfiante.
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