Réalisé en 1975, Hester Street, une des redécouvertes provenant du catalogue de Charles Cohen, ressort sur les écrans de cinéma grâce au distributeur Splendor Films. Présentée en version restaurée dans un beau grain noir et blanc, cette première fiction de la réalisatrice Joan Micklin Silver (1935-2020) suit l’arrivée à la fin du XIXe siècle en Amérique d’une famille juive de Russie.
Etats-Unis, 1896. Yankel Bogovnik (Steven Keats) est installé depuis trois ans dans le quartier juif de New York, sur Hester Street. Pour subvenir à ses besoins, il travaille dans un atelier de couture, « payé 12$ par mois ». Lorsque sa femme Gitl (Carol Kane) et son fils débarquent à Ellis Island, Yankel – qui a entretemps anglicisé son prénom en Jack et rasé sa barbe – leur impose les usages de la vie newyorkaise, loin de ce qui se pratiquait au shtetl.
Adapté du récit Yekl : Une histoire du ghetto de New York d’Abraham Cahan publié en 1896, Hester Street est le passionnant portrait d’une famille d’ashkénazes, passant d’un ghetto – russe où les pogroms y sont courants – à l’autre, le quartier juif de Lower East Side. Sur le sol américain, le principe d’assimilation perturbe quelque peu Gitl, pour qui les traditions orthodoxes sont plus fortes que tout. Mais la jeune femme, face à l’attitude volage et irresponsable de son mari, va suivre le chemin de l’émancipation.
Avec pour seuls décors la rue, les appartements et l’atelier de confection, Joan Micklin Silver fait d’Hester Street le petit théâtre des premières communautés juives qui peuplent l’Amérique. Tandis que le dehors, espace de liberté, ouvre vers l’avenir et l’émancipation, l’intérieur, où l’on parle encore yiddish, renvoie aux traditions et aux survivances d’une Russie déjà lointaine. Avec un humour que ce cher Woody Allen ne renierait pas, Hester Street est aussi une passionnante réflexion sur l’immigration, faisant un écho certain à la situation actuelle en Europe et dans le monde.
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