Mais comment a-t-on pu passer à côté de « L’Enfer dans la ville » , ce film de Renato Castellani tourné en 1958? Grace à un distributeur passionné, Les Films du Camélia, ce chef d’oeuvre du cinéma transalpin ressort sur le grand écran dans une version restaurée et inédite. Dix minutes de film jamais diffusées et un montage fidèle aux instructions du cinéaste sont ainsi proposés aux amoureux du Septième art. Et quand deux actrices époustouflantes, Anna Magnani et Giulietta Masina, en sont les têtes d’affiche, le désir ne pouvait plus attendre que de découvrir cette rareté.

Lina (Giulietta Masina) est une nouvelle détenue qui débarque dans un monde jusqu’ici inconnu à ses yeux: une prison de femmes en plein cœur de Rome. La timide et naïve domestique est injustement accusée d’avoir ouvert la maison de ses patrons à des cambrioleurs, parmi lesquels son récent compagnon. D’abord perdue au milieu des ces détenues, Lina est prise sous l’aile d’Egle (Anna Magnani), une charismatique prostituée. Dans cet univers carcéral ou des religieuses font régner l’ordre, Lina va découvrir une solidarité parmi ces femmes blessées. Mais l’expérience de la prison peut déterminer sa vie future et, comme le dit la religieuse, l’important est de ne jamais y revenir.

Tourné en noir et blanc, « L’Enfer dans la ville » est un huis-clos magnifique. A la fois dramatique et comique, le réalisateur conte un récit juste et sensible adapté d’un roman d’Isa Mari « Roma, Via delle Mantellate » paru en 1953. La vie organisée de la prison ponctue le film qui se déroule sur quelques jours de la détention de Lina: les visites, les confrontations, la messe. Mais c’est surtout l’intimité des cellules qui y est narré: les femmes se chamaillent autant qu’elles se consolent, rêvent d’un inconnu réel ou imaginé, envisagent l’avenir hors les murs…

Ce qui subjugue le spectateur qui découvre le film de Renato Castellani, c’est l’interprétation incroyable de ses deux actrices principales, « la Magnani » écrasant littéralement l’égérie de Fellini. Telle une lionne en cage, Anna Magnani est, avec sa stature, sa voix rauque, ses excès et ses larmes, une inoubliable Egle, prostituée grande gueule et désillusionnée. L’actrice a d’ailleurs reçu pour ce film le prix d’interprétation féminine de l’Académie du cinéma italien. « L’Enfer dans la ville » est co-scénarisé par la grande Suso Cecchi D’Amico, celle-là même qui collabora à l’écriture du « Voleur de bicyclette » et du « Guépard »: un gage de qualité supplémentaire pour découvrir ou redécouvrir cette incroyable prison pour femmes.