Mère de quatre filles, Olfa Chikahoui se confie devant la caméra de la réalisatrice Kaouther Ben Hania: ses deux aînées Rahma et Ghofrane, parties rejoindre les troupes de Daech, sont emprisonnées en Libye. Quant aux deux benjamines, Eya et Tayssir, elles retracent avec leur mère sur leurs enfances respectives marquées principalement par la peur de la transgression et la domination masculine.

Cinéaste tunisienne de La Belle et la meute (2017), Kaouther Ben Hania propose avec Les Filles d’Olfa une œuvre étonnante qui dépasse le simple documentaire. En effet, la réalisatrice fait revivre auprès d’Olfa et de ses deux filles restées en Tunisie ses autres sœurs absentes, interprétées ici par des actrices professionnelles: Nour Karoui joue Rahma tandis qu’Ichraq Matar interprète Ghofrane. Ce dispositif audacieux et fragile est complété par l’interprétation de la comédienne Hend Sabry, révélée en 1994 avec Les Silences du palais (Moufida Tlatli), qui joue Olfa dans les scènes difficiles ainsi que Majd Mastoura pour toutes les figures masculines.

Dans le décor unique d’une simple maison, de la salle de séjour à la chambre en passant par la terrasse, ce huis clos bouleversant n’aurait pu qu’être un simple et brillant exercice de style. Il dépasse son sujet – une mère en quête de ses deux aînées – en proposant une réflexion sur la société tunisienne et la condition des femmes avec toutes les zones d’ombres propres à l’Histoire. Si les femmes aspirent à la liberté et à l’égalité, certaines favorisent néanmoins et de manière inconsciente – c’est le cas d’Olfa – le patriarcat par la crainte du qu’en-dira-t-on et, surtout, le poids du religieux et la peur du rejet.

Sorte de thérapie familiale qui semble s’être immiscée dans ce qui ne devait être à l’origine que le témoignage désespéré d’une mère, Les Filles d’Olfa est illuminé par les femmes avec leurs colères et leurs cris d’espoirs. Véritable film féministe dans le sens noble du terme et dans la nuance bienvenue dans ce type d’exercice, on n’oubliera pas les beaux regards, les sourires rayonnants, les larmes aussi, de ces combattantes magnifiques.