La face cachée de Venise, loin des touristes, c’est aussi celle de la rencontre improbable entre un pêcheur à la retraite et une femme chinoise exploitée par sa communauté. Nous sommes à Chioggia, un port de pêche situé au sud de la lagune de Venise, où cohabitent des italiens à la retraite, certains sans-emplois, et une communauté chinoise dans laquelle les membres, surveillés, travaillent dans des usines de textiles ou, comme l’héroïne, dans un bar. Une amitié douce et forte va naître entre le « poète » Bepi (Rade Serbedzija) et Shun Li (Zhao Tao), une mère loin de son enfant restée en Chine, qui verse dans les verres, outre sa mélancolie, de la Grappa et autre café à la prune. Italiens et Chinois ne vont pas forcément voir d’un bon œil la naissance d’une amitié affective…
Sur le papier, cette histoire à la fois simple et étonnante aurait pu donner un film emprunt de pathétisme, voire sirupeux. Mais ce n’est pas le cas. Le réalisateur Andréa Segre, venu du documentaire et dont c’est le premier long-métrage de fiction, déroule son histoire avec pudeur et émotion, dans une lagune brumeuse. Rarement on aura vu Venise avec ce regard-là: blanchâtre, froid, nostalgique, loin des cartes postales. Le charme de « La Petite Venise » doit beaucoup aux deux interprètes principaux: le grand acteur Rade Serbedzija, célèbre pour sa prestation de marchand de costumes dans « Eyes Wide Shut » de Stanley Kubrick et Zhao Tao, vue dans « Still Life ».
« La Petite Venise », c’est aussi et surtout un beau regard sur le déracinement et la nostalgie: loin des leurs (Bepi vient de Yougoslavie, Shun Li de Chine), dans un espace entre eau et montagne, nos deux apatrides vont (nous) faire vivre de sensibles moments d’émotion.
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