« Grâce à Dieu, les faits sont prescrits » a laissé échappé aux journalistes le cardinal Barbarin lors d’une conférence de presse condamnant les crimes pédophiles du père Bernard Preynat. Dans les années 1980, ce prêtre accompagnait les enfants de la paroisse de Sainte Foy-lès-Lyon dans des camps scouts. L’homme d’Eglise a abusé – il a reconnu les faits – de dizaines d’enfants dont les crimes ont été rapportés à l’époque à certains membres de sa paroisse et de sa hiérarchie, notamment à son plus éminent représentant Monseigneur Decourtray, le prédécesseur du cardinal Barbarin.
En 2016, trois anciens scouts accusent le prêtre pour ses actes et également sa hiérarchie pour non-dénonciation des faits. En pleine affaire judiciaire, le cinéaste François Ozon retrace avec « Grâce à Dieu » – titre qui reprend les mots malheureux du cardinal Barbarin – le parcours de ces hommes, aujourd’hui quadragénaires, qui ont brisé le silence. Dans une cité où Notre-Dame de Fourvière veille sur les âmes pieuses, l’affaire du père Preynat et du silence de l’Eglise a provoqué un véritable cataclysme.
Le film de François Ozon se penche sur quatre anciennes victimes qui décident de porter l’affaire devant les tribunaux. Pour faire entendre leurs voix, les anciens scouts, brillamment interprétés par quatre acteurs charismatiques – Melvil Poupaud en tête, créent une association et convoquent les journalistes. « Grâce à Dieu » déroule son scénario en deux temps: la parole libérée des anciennes victimes et leur combat collectif pour faire éclater la vérité. C’est certainement la première partie du film qui est la plus forte: le passé douloureux de ces hommes rejaillissant quelques vingt ou trente ans plus tard.
Sobre et délicat, François Ozon narre un récit à la façon – revendiquée – d’une enquête journalistique sur des hommes dont l’innocence a été souillée et la foi ébranlée. Il propose un film constructif où chaque protagoniste exprime sa douleur, et permet même au prédateur sexuel de livrer son point de vue. Les hommes d’Eglises, excellemment joués par Bernard Verley et François Marthouret, sont confrontés à la pugnacité et aux doutes des quatre accusateurs issus de classes sociales variées et incarnés par Melvil Poupaud, Eric Caravaca, Swan Arlaud et Denis Ménochet.
François Ozon n’a pas cédé au style grandiloquent pour son film au sujet ô combien sensible – et dont un procès est en cours d’instruction – mais a traité un portrait humaniste d’hommes blessés. Décidément, le cinéaste multiplie – et réussit – les récits cinématographiques les plus divers après ses derniers films « Frantz » (2016) et « L’Amant double » (2017).
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