Rome, quartiers populaires. Maddalena (Anna Magnani) et son mari ouvrier (Gastone Renzelli) sont les parents d’une petite fille, Tina. Lorsque la mère entend à la radio l’organisation d’un casting de « la plus jolie fillette de Rome » pour le prochain film d’Alessandro Blasetti, elle se lance à corps perdu à Cinecittà, usant de tous les stratagèmes pour décrocher le rôle.

Troisième réalisation de Luchino Visconti (1906-1976), cette comédie douce-amère détonne quelque peu dans l’univers du réalisateur de Nuits blanches (1957) et Mort à Venise (1971). Dans Bellissima, sorti en 1951, la pure comédie à l’italienne, que le personnage volcanique d’Anna Magnani incarne démesurément, glisse vers une fine critique des systèmes de pouvoirs, que les studios romains représentent.

Rêvant de gloire, projetant ses désirs contrariés, cette drôle de Madame Sans-Gêne envisage une nouvelle condition sociale pour sa progéniture. Pressent-elle les futurs laissés-pour-compte du capitalisme galopant?

Jouant des coudes, enfonçant des portes, payant des pots-de-vin à un assistant véreux afin d’approcher le grand réalisateur – interprété par le cinéaste Alessandro Blasetti lui-même -, Maddelena conserve sa fierté. Digne et déterminée, bercée par les illusions du cinéma dont elle se nourrit grâce aux projections en plein-air depuis sa terrasse, cette tornade de femme parcourt le Rome de l’immédiate après-guerre, dépensant le peu d’argent pour une séance de photo ou une robe.

Luchino Visconti, fasciné par la présence démesurée de son actrice, brosse dans Bellissima le portrait magnifique d’une prolétaire qu’Anna Magnini, entre rire et émotion, personnifie sublimement. Laissé sur le bas-côté, le mari impuissant – mais violent – semble écrasé par Maddalena/Magnani, tout comme le prétendant Alberto (Walter Chiari). Dans un noir et blanc sublime, cette œuvre peu connue du néoréalisme, que Les Films du Camélia sortent en version restaurée, est une ode aux combattantes du monde.