Tout a changé pour Muraki (Ryô Ikebe), un yakuza qui vient de purger en prison sa peine de trois ans et qui revient dans un Tokyo méconnaissable: son clan s’est allié à une bande rivale, sa maîtresse n’est plus l’élue de son cœur et, surtout, sa rencontre dans un cercle de jeux clandestin avec Saeko (Mariko Kaga) va quelque peu bouleverser sa vie.

Prolifique réalisateur de la Nouvelle Vague japonaise, le cinéaste Masahiro Shinoda est à l’honneur avec la version restaurée 4K de Fleur pâle, superbe polar crépusculaire tourné en 1964. L’auteur de Silence (1971) – dont Martin Scorsese a produit un remake en 2017 – et l’étonnant L’Etang du démon (1979) nous plonge ici dans la nuit désespérée et envoutante du Tokyo des années 1960. Au cœur de ses échappées nocturnes, le solitaire Muraki est rapidement fasciné par l’énigmatique Saeko, joueuse compulsive de hanafuda, ou « jeu des fleurs », un jeu de hasard dont le clapotis des petites cartes en bois est si caractéristique. Bientôt, les deux flambeurs, âmes solitaires et malheureuses, se retrouveront et s’enfonceront ensemble dans la spirale de la nuit.

Ce film de yakuzas, dont on se demande si Jean-Pierre Melville s’en est inspiré pour son Samouraï (1967), est d’une beauté noire absolue: les rues désertes de Tokyo nocturne, les cercles de jeux fréquentés par la pègre, les petites frappes des clans adverses et, au milieu de tout ça, l’éclatante et fragile beauté de la jeune femme, interprétée par Mariko Kaga.

Dans une mise en scène tranchante et avec une musique du grand compositeur Toru Takemitsu (Hara-kiri de Masaki Kobayashi ou Ran d’Akira Kurosawa), Masahiro Shinoda nous offre un beau diamant noir, sublimé par une tragique scène finale sur fond de Hnery Purcell.

Fleur pâle de Masahiro Shinoda