Le grand film d’espionnage « Five fingers » (1952) – son titre original – de Joseph L. Mankiewicz est de retour dans les salles de cinéma, distribué par l’indispensable Swashbuckler Films dans une superbe version restaurée 4k. Tourné à Ankara et Istanbul pour la Twentieth Century-Fox, ce chef d’oeuvre de Mankiewicz retrace l’extraordinaire et véridique histoire, en plein conflit mondial, d’une taupe infiltrée à l’ambassade du Royaume-Uni dans la capitale turque.

« L’Affaire Cicéron » – le nom de code du mystérieux espion – se déroule en 1944 à Ankara dans la Turquie neutre et plus précisément dans les appartements privés de l’ambassadeur du Royaume-Uni. Diello alias Cicéron (James Mason), son élégant et distingué domestique albanais, entreprend un business florissant en photographiant des documents secrets rangés dans le coffre de l’ambassade. En les vendant à l’ennemi nazi, l’homme est motivé non par admiration du Troisième Reich mais par simple appât du gain. Surtout, cette fortune amassée permettra au valet d’entrevoir la possibilité de s’extraire définitivement de sa condition sociale et d’accéder au monde qu’il servait auparavant. Enfin, les centaines de milliers de pounds lui permettront d’avoir les faveurs de son ancienne patronne, la désargentée comtesse Staviska (Danielle Darrieux).

Adapté du roman de L.C. Moyzisch, qui travaillait lui-même à l’ambassade britannique, ce thriller passionnant co-écrit par Mankiewicz et Michael Wilson, est une totale réussite. Suspense haletant, rythme effréné, dialogues sarcastiques, musique du grand Bernard Hermann… « L’Affaire Cicéron » est une oeuvre jubilatoire: l’ouverture du coffre qui détient les documents, les séances de photographies des dossiers, les poursuites dans les souks d’Istanbul… autant de scènes mythiques que le beau noir et blanc transcendent et impriment dans nos mémoires.

D’une redoutable finesse d’esprit, Mankiewicz distille dans son « Affaire Cicéron », qu’aurait du réaliser Henry Hathaway, une savante étude psychologique des troubles Diello et la comtesse déchue Staviska: leur opportunisme, leur cynisme, leur égocentrisme, le mépris de classe qu’ils ont l’un pour l’autre rendent impossible une parfaite conclusion de leurs projets.

James Mason et Danielle Darrieux sont au sommet de leur art.