Brillante étudiante en mathématiques, Marguerite (Ella Rumpf) est une jeune femme introvertie et asociale. Suivie par son directeur de thèse à l’ENS, l’éminent Laurent Werner (Jean-Pierre Darroussin), elle doit présenter ses recherches à un parterre de chercheurs. Mais ses travaux sont remis en question par Lucas (Julien Frison), le nouveau poulain de Laurent Werner.

On rapproche souvent ce film réalisé par Anna Novion avec le récent La Voie royale (Frédéric Mermoud, 2023) qui suivait l’entrée dans une grande école d’une étudiante issue du milieu agricole. Pourtant, la réalisatrice du Théorème de Marguerite s’éloigne de la thématique sociale, même si Marguerite est une provinciale « montée » à Paris et, soit dit en passant, seule femme dans un monde d’hommes. C’est la psychologie et les obsessions de son héroïne qui intéresse la cinéaste. Avec ses tee-shirts informes, ses cheveux gras et ses lunettes, l’étudiante qui se promène en chausson dans son établissement consacre tout son temps et ses loisirs aux seuls mathématiques. Jusqu’à virer à l’obsession.

Anna Novion réussit à faire de son personnage, avec une interprétation stupéfiante d’Ella Rumpf, un être kafkaïen, à la limite de la monstruosité. Malaimable, froide, incapable d’accepter l’échec, la jeune femme a comme unique confidente sa mère (Clotilde Courau) et sa colocataire Noa (Sonia Bonny, une révélation). Cette dernière va lui ouvrir les portes de la sociabilité, l’amener vers les sentiments et la transgression (les parties clandestines de mahjong).

Entre comédie et portrait clinique d’une jeune femme antimoderne, Le Théorème de Marguerite est le récit étonnant d’une héroïne complexe à laquelle on s’attache passionnément. Ella Rumpf, découverte dans Grave (Julia Ducournau, 2016), y est tout simplement magistrale.