Chine du Sud, 1995. Trois crimes liés entre les uns aux autres sont commis au bord de la rivière que surplombe le village de Banpo. L’inspecteur Ma Zhe (Yilong Zhu), en voie de devenir père, mène l’enquête.

Dans une atmosphère hivernale et humide à souhait, le cinéaste Wei Shujun offre avec Only the River Flows un impeccable film de genre, tourné en 16 mm, qui dérive lentement vers le portrait psychologique d’un homme fragilisé.

Polar rural adapté de la nouvelle de Yu Hua, Only the River Flows s’oriente davantage l’étude intime et psychologique de Ma Zhe, chef de la police criminelle en voie de devenir père au moment où la Chine subit des transformations économiques et politiques majeures. Face à l’irrésolution des crimes et à une bureaucratie impatiente d’en finir avec le présumé coupable idéal, un simple d’esprit, Ma Zhe s’enfonce dans une spirale démoniaque, subissant le poids de l’esprit collectif.

Magistralement mis en scène, cette œuvre noire et déroutante convoque le meilleur du polar chinois – Black coal (Diao Yinan, 2014), Une pluie sans fin (Dong Yue, 2018) – ainsi que l’univers étrange du cinéaste David Lynch avec Twin Peaks. parsemé de touches musicales empruntant à des titres de Howard Shore (la bande originale du film Crash) ainsi que le Clair de Lune de Beethoven, Only the River Flows pose un regard inquiet sur un monde qui bascule.

Si la résolution de l’énigme n’est pas seulement son unique enjeu, un homme qui s’écroule semble bien l’obsession principale de Wei Shujun. La salle de cinéma transformée en bureau de la police est la triste parabole du destin de l’art.