C’est un des thèmes les plus passionnants de la littérature et du cinéma. L’usurpation d’identité a produit des films inoubliables, Plein Soleil (1960) de René Clément évidemment mais aussi le rare et excellent Fille du diable (1946) de Henri Decoin, Le Colonel Chabert d’Yves Angelo (1994), Le Retour de Martin Guerre (1982) de Daniel Vigne ou encore récemment Madeleine Collins (2021) d’Antoine Barraud.
A son tour, la réalisatrice Aurélia Georges embarque son spectateur dans un passionnant récit sur l’identité volée, où la survie en temps de guerre et le désir d’élévation sociale mènent à une machination. A l’heure ou la Grande Guerre décime la jeunesse française, Nélie (Lyna Khoudri), fille de lingère, est enrôlée comme infirmière sur le front de l’Est. Elle y fait la connaissance de Rose (Maud Wyler), promise à un avenir plus radieux que le sien. Dans le trouble des événements, Nélie est engagée auprès de madame de Lengwil (Sabine Azéma)… et répond désormais au nom de Rose.
La Place d’une autre a l’intelligence de porter un regard social et féminin sur ses protagonistes, celui incarné par Lyna Khoudry – stupéfiante – en particulier : c’est bien pour s’extirper de sa condition que la déterminée jeune femme s’invente une identité nouvelle, à l’heure où l’ascenseur social est impossible. Outre la jeune actrice qui incarne magistralement son rôle – son impassibilité et sa voix détonnent avec la douceur de son visage -, La Place d’une autre donne l’occasion de retrouver Sabine Azéma, en veuve issue d’une haute caste , et le toujours parfait et trop rare Laurent Poitrenaux.
Si la mise en scène, soignée et sobre, d’Aurélia Georges prend le parti du classicisme, son scénario hésite entre le drame social et le thriller gothique. Pourquoi pas? Le rythme et le talent des comédiens emmènent les spectateurs dans un film passionnant tiré de The New Magdalen de Wilkie Collins.
Portée par Lyna Khoudri, la scène de la révélation finale est poignante.
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