Journaliste frustré, Alfredo Gasper (Carlos Cores) aspire à s’élever socialement. Un soir, il rencontre un exilé hongrois, Liudas (Vassili Lambrinos), barman au Maygar. Père de famille qui veut faire venir ses enfants en Argentine, Liudas a également besoin d’argent. Les deux hommes montent une école bidon de journalisme par correspondance. Cette arnaque va faire tourner la tête de Gasper.

Un meurtre pour rien fait partie d’une trilogie de films noirs argentins des années 1950 – avec Que la bête meure (Roman Viñoly Barreto, 1952) et Le Vampire noir (Roman Viñoly Barreto, 1953) – que Les Films du Camélia ressortent en version restaurée. Ici, le cinéaste Fernando Ayala (1920-1997) emprunte le vocabulaire du film criminel, avec ses tensions, ses flashbacks et son atmosphère étouffante (l’été caniculaire s’installe à Buenos Aires).

Si le criminel est embarqué par la paranoïa et la peur d’être floué par son colistier, il est un homme qui a été castré par son père. Une étonnante scène qui tend vers l’expressionnisme allemand revient sur son enfance dans l’ombre écrasante paternelle, héros de guerre. Son fantasme le plus cher est de dépasser cette figure tutélaire qui le hante et le mène au crime.

Fernando Ayala compose avec efficacité le terrible portrait psychologique d’un homme médiocre et veule, criminel en puissance. Mise en scène au cordeau, plans énergiques, interprètes excellents, musique d’Astor Piazzolla… Les ingrédients d’Un meurtre pour rien composent un film noir d’une grande subtilité, à découvrir absolument.