Adresse: 26, avenue de la Division Leclerc (ancienne 38, rue de Flandre) au Bourget (Seine-Saint-Denis)
Nombre de salles: 1 puis 3
Alors que sa destruction semble imminente, revenons sur cette grande salle du nord de la capitale.
Au début des années 1930, la commune du Bourget se densifie sensiblement. Avec sa réputation mondiale due à l’aéronautique, Le Bourget se développe et se modernise. A cette date, le recensement fait état de 7 598 habitants.
Georges Imbert est à cette époque le propriétaire et directeur de plusieurs salles de cinéma de la banlieue parisienne : le Casino de Pantin-Aubervilliers, le Kursaal de Drancy et, au Bourget, le Bourget-Palace et le Bourget-Cinéma, une salle vieillissante. Il décide de faire démolir cette dernière et d’y faire édifier à la place un cinéma moderne.
Les architectes A.E. Brasseau fils et G. Hassan bâtissent en un temps record le nouveau cinéma : la démolition du Bourget-Cinéma débute le 7 juillet 1933, l’inauguration du nouveau cinéma a lieu le 26 octobre 1933. L’enseigne Aviatic, un rappel évident à l’aéronautique, trône désormais sur la nouvelle façade.
La Cinématographie française évoque ce nouveau cinéma dans son édition du 13 janvier 1934 : « on peut voir de la route une façade aux lignes sobres mais hardies laissant porter tout l’intérêt sur un bas-relief décoratif représentant, en une allégorie heureuse, « la pesanteur vaincue » ».
Dotée de 1 200 fauteuils, la salle possède un orchestre et un balcon. Ses imposantes proportions font état de 15 mètres de largeur pour une hauteur de 13 mètres, « sous un plafond, qui se développe sans aucun accident décoratif, sur toute le surface de la salle ».
Pour la conception de ce nouveau cinéma, les architectes ont prévu une visibilité parfaite depuis toutes les places : aucun point d’appui ne gêne la vision au parterre, la hauteur des gradins du balcon – 34 centimètres – permet un confort de projection.
Ci-dessus: la salle de l’Aviatic en 1933 à son ouverture.
La longueur de projection est de 30 mètres et, selon les premiers spectateurs, l’audition est irréprochable. La Cinématographie française commente la décoration de l’Aviatic : « Les architectes ont su composer, dans une salle d’un grand volume, une décoration moderne riche avec des moyens simples ; ils ont su allier la couleur à une utilisation rationnelle et décorative de « l’Héraclite » qui est le matériau acoustique adopté.
Et de poursuivre : « des pilastres d’une inspiration très moderne, descendent du balcon vers la scène, participant à la fois à la composition architecturale et à l’éclairage (…) Le cadre de scène procède d’un même principe décoratif : les pilastres qui le composent se superposent en écailles lumineuses qui éclairent vivement le proscenium – par leurs formes, ils rappellent les pilastres de la salle et par là même établissent une liaison avec la composition générale. L’ensemble est traité en rouge et en or. L’éclairage, très lumineux est indirect ».
La salle, qui peut rivaliser avec les grands ciné-palaces parisiens, ouvre ses portes le 27 octobre 1933. Pour la première projection, Georges Imbert a convoqué tout l’état-major de l’aviation civile et militaire.
Les cinémas de banlieue accueillent également un certain nombre d’événements locaux au cours de soirées de gala, à l’instar de la grande soirée du mercredi 6 mars 1935, organisée par l’Association Générale des Mutilés de Guerre à laquelle assistent de nombreux élus du département de la Seine.
Le 10 mars 1937, la soirée de gala est organisée par la section-Dugny des Médaillés Militaires, au profit de l’Orphelinat et de la caisse de secours de la section. De nombreuses vedettes se produisent sur la scène à l’occasion de ces soirées de gala.
Au fil des ans, les spectateurs bourgetins peuvent découvrir à l’Aviatic de nombreux films parmi lesquels Nitchevo (Jacques de Baroncelli) la semaine du 11 juin 1936, Alerte en Méditerranée (Léo Joannon) et Pénitencier de femmes (Marion Gering) projetés tous les deux la semaine du 11 janvier 1939. Également Pour qui sonne le glas (Sam Wood), le 10 décembre 1947, Route sans issue (Jean Stelli) le 26 mai 1948 ou bien Antoine et Antoinette (Jacques Becker) le 13 octobre 1948.
Ci-dessus: Nitchevo (Jacques de Baroncelli) la semaine du 11 juin 1937.
Ci-dessus: Un de la Canebière (René Pujol) la semaine du 4 janvier 1939.
Ci-dessus: le personnel de l’Aviatic en 1946.
Durant les années 1950, deux films différents sont proposés chaque semaine. Pirates, cowboys et gangsters occupent l’écran de l’Aviatic, plus rarement les productions hexagonales.
Les productions Paramount sortent systématiquement à l’Aviatic, des séries B aux superproductions : La Clé de verre (Stuart Heisler) la semaine du 19 juillet 1950, Les Conquérants d’un nouveau monde (Cecil B. DeMille) celle du 30 mai 1951, Les Furies (Anthony Mann) le 2 juillet 1952, L’Homme des vallées perdue (George Stevens) le 30 décembre 1953, Fenêtre sur cour et La Main au collet (Alfred Hitchcock) respectivement les 8 février et 13 juin 1956 ou bien l’incontournable, Les Dix Commandements (Cecil B. DeMille) le 27 mai 1959 pour 15 jours.
Ci-dessus: Manon des sources (Marcel Pagnol) la semaine du 6 mai 1953.
Ci-dessus: la façade dans les années 1960.
M. et Mme Puren, les nouveaux propriétaires de l’Aviatic, entreprennent en 1962 d’importants travaux de rénovation du cinéma durant deux mois, sans interruption de son exploitation. Il s’agit avant tout de moderniser la décoration.
La Cinématographie française commente les transformations entreprises : « un nouveau plafond en aluminium ondulé et perforé, peint dans un coloris corail, a été suspendu sous une nouvelle charpente métallique (…) Les tentures murales des parois et du devant du balcon sont en satin de verre coronisé et armuré, et plissées dans une ampleur double afin d’ajouter encore à la perfection de l’acoustique (…) Le décor de scène en même satin coronisé a été conçu pour la technique des écrans larges, dans un coloris jaune or identique aux tentures murales. Les soubassements, le fond de la salle et tous les dégagements sont marouflés en tapis rouge vermillon. Des moulures vernissées or fin délimitent ces différents revêtements ».
Ci-dessus: la salle rénovée en 1962.
La cabine de projection, rénovée, est équipée en Todd-Ao 70 mm et du son stéréophonique 6 pistes. Le nouvel écran, extrêmement lumineux, possède une surface de 100 m2.
Pour les exploitants de banlieue et des salles de quartier parisiennes, l’accès aux copies 70 mm est difficile car, lorsque la période d’exclusivité est terminée, les copies sont exploitées en province. Beaucoup de professionnels se plaignent du peu de retour sur investissement du fait de ce difficile accès.
Il n’est pas donc pas certain qu’Un monde fou, fou, fou, fou (Stanley Kramer) la semaine du 17 février 1965, My Fair Lady (George Cukor) celle du 22 septembre 1965, Le Docteur Jivago, (David Lean) celle du 15 octobre 1969 ou bien Autant en emporte le vent (Victor Fleming) celle du 25 février 1970 aient été projetés à l’Aviatic au format 70 mm.
Ci-dessus: la façade en 1968.
Ci-dessus: la façade en 1969.
Ci-dessus: Le Bon, la Brute et le Truand (Sergio Leone) la semaine du 17 septembre 1969.
À la fin des années 1960, à l’instar de nombreuses salles de banlieue, l’Aviatic et ses 1 200 fauteuils devient difficilement exploitable. Valéry Giscard d’Estaing, alors Ministre de l’Économie et des Finances, procède à la privatisation de l’UGC (Union générale cinématographique), circuit d’état depuis 1946.
C’est un groupe d’exploitants indépendants fractionné en deux G.I.E. (UFIDEX et UCIDEX) qui acquiert l’UGC. L’UFIDEX s’organise autour de 9 territoires (ceux du C.N.C.) avec à leurs têtes des exploitants locaux. Parmi eux, pour Paris, Philippe Hellmann du Rex, Jean-Charles Edeline du Cyrano de Versailles pour la banlieue ouest, Guy Verrechia du Palais du Parc au Perreux pour la banlieue Est et Michel Puren, du Carrefour de Pantin et de l’Aviatic du Bourget, pour la banlieue nord.
L’UGC s’étend rapidement en procédant à de nombreuses acquisitions de salles et en divisant les grands mono-écrans en complexes multisalles.
Ci-dessus: la façade du complexe en 1974.
Ci-dessus: plan des 3 salles – © Archives Conseil Départemental 93.
C’est dans ce contexte qu’en 1973, la grande salle l’Aviatic du Bourget est découpée en trois salles : 497 fauteuils pour la plus grande, 276 et 108 places pour les deux autres. Le complexe ouvre ses portes le 6 septembre 1973 avec à l’affiche Le Grand Bazar (Claude Zidi) avec les Charlots, Big Guns (Duccio Tessari) avec Alain Delon et Si Disney m’était conté – un montage de divers courts-métrages de Walt Disney – rassemblant respectivement 3 639, 788 et 910 spectateurs la semaine d’ouverture.
Ci-dessus: L’Emmerdeur (Edouard Molinaro) à partir du 20 septembre 1973.
Ci-dessus: Nada (Claude Chabrol) à partir du 6 février 1974.
Bénéficiant désormais de son statut de salle d’exclusivité sur son secteur et de la force de frappe d’UGC, l’activité du complexe dure 15 ans. Mais dans un contexte de baisse drastique de la fréquentation, l’Aviatic joue sa dernière séance le 19 juillet 1988.
Sont programmés pour la dernière semaine La Vie est un long fleuve tranquille (Etienne Chatiliez), Les Aristochats (Walt Disney) et Flic ou Zombie (Mark Goldblatt) qui accueillent respectivement 355, 243 et 255 spectateurs lors de la dernière semaine.
Ci-dessus: L’Aviatic fermé – © Thierry Béné.
À l’abandon, et prochainement prévue à la démolition, beaucoup s’inquiètent de la disparition du bas-relief de la façade ayant vraisemblablement été masqué lors des travaux de transformation de 1973.
Textes: Thierry Béné
Documents: La Cinématographie française, Le Film français, Archives du Conseil Départemental de Seine-Saint-Denis, CAUE 93 et France-Soir.
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