Un petit air de film d’espionnage à l’ancienne flotte dans « Argo », le dernier opus de Ben Affleck derrière et devant la caméra. L’action du film se passe à la charnière des années 1970 et 1980 alors que le Chah d’Iran Mohammad Pahlavi est renversé et que s’installe dans le pays la révolution emmenée par son guide, l’Ayatollah Khomeiny.

« D’après une histoire vraie » nous prévient d’emblée le générique avec un racourci, sous fonds d’images d’archives habilement mêlées à celles du film, pour rafraîchir nos mémoires sur la révolution islamique et sur l’événement qui fait le socle du film de Ben Affleck : la prise d’otages de l’ambassade américaine de Téhéran.

La CIA fait appelle à un spécialiste de l’exfiltration, Tony Mendez (interprété par Ben Affleck himself), pour sortir six américains réfugiés dans la demeure de l’ambassadeur du Canada. Commence alors une haletante course contre la montre pour fuir l’Iran, où une violente réaction anti-occidentale commence à poindre. Plus le pays ferme ses portes et ses aéroports, plus l’issue sera fatale pour le groupe, qui doit se faire passer (on ne va pas le dévoiler) pour tout sauf pour des ressortissants américains.

Même si le film de Ben Affleck n’évite pas le cliché « américains-gentils » contre « iraniens-méchants » (avec des visages forcément patibulaires), « Argo » reste une excellente surprise : un scénario bien ficelé, une réalisation très maîtrisée, un montage virtuose et une interprétation sans faille. De grandes pointures du cinéma ou des séries entourent Ben Affleck qui s’est accordé, avec sobriété, le rôle principal : John Goodman, Brian Cranston et Alan Arkin. Le français Alexandre Desplat a composé une bande originale assez classique mêlée à des mélodies orientalisantes pour assoir le film dans son univers culturel. A ce propos, « Argo » n’a bien sûr pas été tourné en Iran mais en Turquie. A ce titre, la reconstitution, ancrée dans le début des années 1980, est un modèle du genre.

Tony Mendez / Ben Affleck est un héros forcément solitaire, mais l’acteur y a ajouté une part de sobriété et d’humanité : nous ne sommes pas dans un blockbuster avec un héros ultra-patriote et testostéroné comme l’Amérique aime nous les vanter.

« Argo » est ainsi un film d’espionnage crédible (seule la fin du film à l’aéroport est romancée) et divertissant, comme les studios américains savaient encore les fabriquer, de façon artisanale, dans les années 1970.