Paul (Michael Banks Repeta) est le petite dernier des Graff, une famille juive ukrainienne établie dans le Queens. Collégien dissipé et rêveur, le jeune adolescent voue une admiration sans borne pour son grand-père Aaron (Anthony Hopkins). A l’école, Paul fait les 400 coups avec son copain Johnny (Jaylin Webb), un adolescent noir élevé par sa grand-mère. Envoyé dans l’établissement privé de Kew-Forest, administré par la famille Trump, Paul ne s’adapte pas à cet environnement conservateur et raciste.

Avec ce film autobiographique assumé, le cinéaste newyorkais James Gray (Little Odessa, 1994; The Yards, 2000; La Nuit nous appartient, 2007; etc.) suit le parcours d’un jeune garçon, élevé dans une famille juive du Queens et choyé par sa mère (Anne Hathaway) et son grand-père. Ultrasensible et doué au dessin, Paul se révolte silencieusement contre l’ordre établi, malgré la sévérité de son père (excellent Jeremy Strong) et la menace d’être scolarisé au collège privé.

Plus qu’une simple chronique adolescente, Armageddon Time est l’affirmation d’un jeune adolescent à une étape de sa vie: la prise de conscience du racisme, la découverte de ses origines, la mort de la figure patriarcale. Avec une mise en scène très classique, le cinéaste de The Lost city of Z (2016) nous immerge dans une famille ashkénaze à une époque charnière des Etats-Unis: l’ascension de Ronald Reagan au pouvoir et le conservatisme. Cette fin de l’insouciance plonge la famille Graff dans l’inquiétude, d’autant qu’on comprend que le couple des parents bat de l’aile: Esther Graff, les yeux rougis par les pleurs, semble malheureuse dans cette vie laborieuse.

Subtilement filmé, Armageddon Time détonne à côté du lourdaud Licorice Pizza (2022) de Paul Thomas Anderson auquel on veut trop souvent le comparer. Anthony Hopkins est magnifiquement émouvant.