La vie du photographe Ernest Cole (1940-1990), né en Afrique du Sud et exilé à New York en 1966, témoin et chroniqueur de l’apartheid.

Figure oubliée de l’histoire de la photographie, Ernest Cole est réhabilité par le cinéaste haïtien Raoul Peck. Peut-être l’unique photographe noir sud-africain à témoigner par son travail du scandale de l’apartheid, Ernest Cole est également l’auteur d’un livre de photos sur le traitement des Noirs en Afrique du Sud, House of Bondage (1967). Cette œuvre publiée un an après son arrivée à New York a connu un succès certain par la force de son sujet mais aussi par la qualité des photos d’Ernest Cole. Le film de Raoul Peck a d’ailleurs le mérite de révéler certains de ses superbes clichés, qui ont influencé des générations de photographes.

Raoul Peck utilise la première personne dans Ernest Cole, photographe : une voix-off narre ainsi le récit de la vie du photographe d’après ses propres écrits complétés par ceux du cinéaste. Ce procédé original permet au spectateur d’entrer pleinement dans la vie de cet homme courageux – toutes ses photos sont prises clandestinement, puisqu’il n’était pas autorisé à immortaliser les sévices, exactions et assignations de la population noire en Afrique du Sud. Il peut également déstabiliser puisque se mêlent les mémoires d’Ernest Cole avec la subjectivité et le regard du cinéaste.

Ernest Cole, photographe dépasse le simple témoignage de la vie du photographe: en exil à New York, interdit de revenir sur sa terre natale auprès de sa mère, l’homme s’enfonce dans un mal du pays qui vire à la dépression. Ses clichés américains, superbes, sont emprunts d’une noirceur et d’un désespoir touchant. C’est la réussite du travail de Raoul Peck qui nous propose un regard profondément humain sur Ernest Cole, un humaniste mort dans la pauvreté, loin de la terre de ses ancêtres.

Si la forme du documentaire semble destinée au grand public auprès des plateformes de streaming, une intrigue – non résolue à ce jour – verse dans le sensationnalisme : la découverte dans une banque des Pays-Bas de quelques 30 000 clichés et négatifs du photographe. Outre cet aspect, le film de Raoul Peck permet la rencontre poignante avec un grand artiste de son temps.