Bologne, 1858. Le jeune Edgardo, sept ans, est enlevé de sa famille par les gendarmes du pape Pie IX. De confession juive, l’enfant aurait été baptisé en secret quelques années auparavant et, selon le droit canon, doit désormais recevoir une éducation strictement catholique. Une bataille est engagée par les parents, la communauté juive locale et plus généralement l’opinion publique contre le pape-roi, rétif à désavouer son autorité. Pendant ce temps, l’unification de l’Italie avance à grands pas…

Le grand cinéaste italien revient dans L’Enlèvement avec une fresque intime et historique, sur un sujet étonnamment actuel: le dogmatisme. Avec une mise en scène flamboyante, à la limite du baroque et du fantastique dans le sillage de son chef d’œuvre Vincere (2009), Marco Bellocchio relate un fait réel qui s’est produit à Bologne, alors contrôlée par les autorités du Vatican.

Momolo Mortara (Fausto Russo Alesi) et sa femme Marianna Padovani (Barbara Ronchi) élèvent leurs enfants dans le judaïsme. C’est une rumeur – le baptême d’un de leur fils – qui déclenche les foudres du cardinal Giacomo Antonelli (Filippo Timi). Après avoir ravi l’enfant – le titre original est Rapito, le raptil l’envoie au Vatican pour suivre le chemin du catéchuménat: baptême, confirmation et Eucharistie. Malgré les sollicitudes de la famille et des représentants de la synagogue de Rome, le Pape prononce le non possumus, un acte pour assoir son autorité vacillante dans les remous de l’Histoire de la future nation italienne.

La force du film de Marco Bellocchio, c’est de proposer une fascinante et émouvante œuvre de cinéma où l’histoire individuelle – celle du jeune Edgardo enlevé des jupes de sa mère pour la robe papale – épouse la fin d’une histoire collective, les états pontificaux et le règne du pape-roi. En pointant le fléau du dogme et de l’autoritarisme, Bellocchio suit l’éclatement d’une famille et le chemin de la conversion forcée puis acceptée d’Edgardo vers son nouveau foyer, l’Eglise, dominé par son nouveau père, le pape.

Avec un  montage vif et la musique exaltée de Fabio Massimo Capogrosso et également Arvo Pärt et de L’Île des morts de Rachmaninov, le cinéaste octogénaire fait de L’Enlèvement une œuvre d’une jeunesse inouïe qui résonne en ces temps de dogmatisme résurgent.