Shōhei Imamura (1926-2006) est considéré comme l’un des plus grands cinéastes japonais. La ressortie sur grand écran et en version restaurée 4K de « La Ballade de Narayama » (1983), auréolée d’une Palme d’Or, est une véritable aubaine pour les cinéphiles. En outre, à l’heure du débat sur la fin de vie et l’euthanasie, Shōhei Imamura pose déjà les bases d’une réflexion iconoclaste.

Narayama est une montagne qui surplombe un village de la province du Shinshūen en cette fin de l’époque Edo. Considérée comme une divinité, ses cimes et ses flancs escarpés sont le refuge des âmes des morts. L’âge arrivant, les vieillards entament dans la montagne leur dernier voyage, portés sur les épaules de leurs fils aîné, pour embrasser la mort.

C’est le cas de Orin (Sumiko Sakamoto), une grand-mère pourtant vaillante, qui prépare son départ vers l’au-delà tout en prenant soin de consolider sa lignée. Avant de partir, Orin s’assure que son clan ne manque de rien, quitte à exclure radicalement une bru improductive. La communauté villageoise à laquelle elle appartient doit sa survie à la transmission des gestes, à l’unité du collectif et à un cruel pragmatisme.

« La Ballade de Narayama » narre la vie de cette petite communauté qui vit harmonieusement avec une nature rude où chaque récolte est un trésor. Le monde animal domine le village: il est à la fois source de nourriture et divinité, les serpents étant les maîtres des logis. Cet équilibre fragile ne doit en aucun cas être mis à mal, la communauté se chargeant de liquider les voleurs et improductifs.

La deuxième partie du chef d’oeuvre de Imamura est l’aboutissement sublimé de la philosophie villageoise. Dans son pèlerinage vers les sommets de la montagne, la vieille Orin et son fils Tatsuhei (Ken Ogata) vont à la rencontre du monde des morts. C’est le temps magnifique des adieux d’une mère à son fils dans un grandiose paysage automnale.